4/ Série Groenland. L’Eldorado blanc de l’uranium
Erik Bataille, spécialiste des régions polaires, a voyagé dans l’Arctique ( nord Canada, Spitzberg, Alaska …) avant de s’installer pendant une quinzaine d’années au Groenland. Il a été chercheur, logisticien pour des expéditions, puis auteur et journaliste. L’occasion de silloner, en hélicoptère, traineau et bateau, le pays des derniers inuit.
Le long câble en acier se balance au gré des rafales qui s’engouffrent dans le fjord bordé par l’inlandsis, la plus vaste calotte glaciaire de la planète après celle de l’Antarctique. Pendant vingt ans, aucune benne n’est sortie du double trou noir béant à mi-hauteur de la falaise de Marmorilik.
La mine de l’ange noir, isolée sur la côte nord-ouest du Groenland, n’était plus rentable. Comme les rares gisements de charbon exploités sur l’île de Qeqertarssuak à l’ouest, ceux de plomb de Mestersvig à l’est, ou la cryolite d’Ivigtut dans le sud. Autant de petites entreprises restées artisanales jusqu’en 2013 lorsque le minuscule Parlement du Groenland (29 députés) lève l’interdiction d’exploiter les terres rares, dont l’uranium.
C’est une véritable révolution dans ce pays traditionnellement antinucléaire et écologiste mais soumis au contrôle du Danemark dont il est une colonie depuis le XVIe siècle.
Avec l’accord tacite d’Aleqa Hammond, la Premier ministre de l’époque, les campagnes d’exploration se succèdent alors en mer et sur la mince frange de côtes montagneuses qui sépare l’océan de l’inlandsis. La chute du tabou uranium libère de facto l’exploration et, à terme, l’exploitation industrielle de toutes les autres ressources minérales.
On cherche de l’or (une centaine de sites), du fer, du manganèse…et on fantasme sur les immenses poches de gaz et de pétrole qui attendent sous l’Océan Glacial arctique. Aucune région n’est oubliée. Pas même la frontière nord du parc national, à moins de mille kilomètres du Pôle.
Shell et d’autres géants pétroliers investissent des milliards de dollars dans la prospection. BP obtient la concession amarok (le loup) sur 2600 km2 et la minuscule société nationale Nunaoil se rêve en empire des glaces.
À Hvanefiejd, un haut plateau cerné de fjords dans le sud, des équipes de géologues analysent les carottes d’un ocre brunâtre. Confidentiel, le pourcentage de minerai d’uranium en ferait un gisement exceptionnel, à l’égal de ceux du Kazakhstan ou de l’Australie. Sans les risques liés à l’insécurité politique! La future mine pourrait assurer plus de vingt ans de production mondiale.
Non loin, certains terrains regorgent aussi de ces 17 minerais devenus indispensables dans les nouvelles technologies. Le pays en recèlerait les secondes réserves mondiales après la Chine.
Si les côtes est et ouest semblent prometteuses en hydrocarbures, l’extrême nord et le Sud recèlent d’importantes réserves en plomb, fer, or… La mine de Naluanaq vient de bénéficier d’une importante levée de fonds auprès de London Mining, un groupe anglais contrôlé par des capitaux chinois. Aujourd’hui, les activités minières se pratiquent dans la discrétion et la communication se fait en interne. Pourquoi s’exposer aux critiques d’O.N.G. alors que les capitaux ne manquent pas dans ce secteur devenu l’un des piliers de l’économie mondiale?
Avec une densité de 0,03 habitant au kilomètre carré (57.000 âmes pour plus de quatre fois la France), le Groenland vit grâce au demi-milliard annuel d’aides du gouvernement danois. La pêche connaît un net recul des prises et le tourisme demeure une micro niche confidentielle!
Sa seule richesse actuelle est dans son sous-sol, mais l’absence d’ infrastructures empêche toute mise en valeur.
Le pays ne compte aucune route en dehors des villages. Illulissat, capitale économique de la côte ouest, entretient cinq kilomètres d’asphalte pour 4000 résidents. Il faudra aussi bâtir des ports, des hangars de stockage, des centrales électriques. Baliser les chenaux pour les pétroliers et les minéraliers, Former des équipes de maintenance et de sauvetage…Autant de problèmes de gestion du personnel étranger et de la pollution.
Le groupe Alcoa propose ainsi de construire une usine d’aluminium et sa centrale attenante près d’un village de 3000 habitants. Il faudrait simplement «importer» d’abord 3000 travailleurs chinois pour bâtir le site puis plusieurs centaines de cadres étrangers pour le fonctionnement de l’ensemble.
Même si de nouvelles élections sont prévues en novembre 2014 après la démission surprise du Premier ministre, la majorité souhaite reprendre la maîtrise sur leur vie, sans subir les diktats extérieurs d’O.N.G. plus soucieuses de leur «com» que du bien-être d’une poignée d’autochtones.
Après avoir subi le blocus injuste concernant les peaux de phoques, peu de Groenlandais accepteraient maintenant la tutelle extérieure sur la gestion de leurs ressources minérales.
Même s’il ne pèse guère face aux conglomérats miniers dont le chiffre d’affaires s’estime en dizaines de milliards, le Groenland n’a d’autre choix que de tenter l’aventure!
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