Jean-Paul Mari présente :
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A l’hôpital, vague de fatigue et vague à l’âme (25)

Chronique de la bataille des hommes en blanc. Jean-Paul Mari suit au jour le jour le combat d’une équipe médicale dans un hôpital d’Ile-de-France.

L’hôpital, grand corps malade, fait son examen. Entre deux vagues. La première, terrible, et la présumée deuxième à venir. Vague de fatigue et vague à l’âme. Sur le papier, le système a tenu. On a poussé les murs, basculé le service de réa en cardio, la médecine interne en traumato… un jeu de chaises médicales. Aujourd’hui, à l’heure de la décrue, on refait la même chose en sens inverse, en gardant quelques lits de plus en réserve.

Tout le personnel «Covid» est désormais équipé de masques et même de blouses certes un peu «folkloriques», bleues ou vertes, lacées devant ou derrière, qu’importe. Les acrobates de la logistique ont assuré : «Les Allemands sont organisés, nous, on sait se débrouiller.» Mieux, en réanimation, les morts et les guéris libèrent des lits et les soignants eux-mêmes convalescents ont repris leur poste de travail. La saignée a été rude. Peu de crises de nerfs, mais une avalanche de Covid.

Au centre de dépistage, on continue à recevoir entre 15 et 25 soignants par jour avec un taux de positifs entre 30 % et 50 %. En tout, 400 hospitaliers – aides-soignantes, infirmières, médecins – ont été arrêtés. Une semaine plus tard, deux tout au plus, pâles et épuisés, ils sont de retour. Ces derniers temps, les testeurs ne cherchent plus à discerner les symptômes. Toux, fièvre, essoufflement, courbatures, maux de tête, perte d’odorat, «la « saleté » a montré qu’elle n’avait aucune logique. Il y en a pour tous les goûts», grince Gérard (1), le responsable.

Plus facile de tester les corps que de sonder les esprits. «Cela ressemble à un cessez-le-feu, dit le Dr Hassan (1), psychiatre. Cette fameuse deuxième vague, vécue comme une nouvelle menace, pousse moins au trauma qu’à la dépression.» Il y a ceux qui grognent, et c’est bon signe, retrouvant les réflexes des grévistes du début de la crise. Ceux qui n’encaissent plus rien, un drame personnel ou une lettre porteuse de mauvaise nouvelle. Et celui qui explose, de retour à la maison après douze heures de travail et découvre les lettres de voisins grincheux qui lui reprochent de faire trop de bruit… «Les mêmes qui sortent sur leur balcon nous applaudir tous les soirs à 20 heures !»

Entre tension et abattement, les automates assurent les gestes du quotidien mais, dans les couloirs, ils semblent marcher en apesanteur. Sonnés, en errance, comme un peu perdus. Alors ils s’accrochent – pas à une prime de plus ! – à une garde de nuit, un patient miraculé ou à cet énorme gâteau de remerciement envoyé par un proche d’un malade Covid, une montagne de crème bleue piquée d’une ambulance Samu en pâte d’amande, avec stéthoscope, masque chirurgical, carte Vitale, boîte de pilules et même électroencéphalogramme en sucre glace ! Une douceur à l’âme. Entre deux vagues d’une vilaine tempête.

(1) Les noms ont été modifiés.

 

 

Photo © Getty / Martin Barraud 


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