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Édito : « Afghanistan : l’échec de trop », par Jean-Paul Mari.

Edito publié le 16/08/2021 | par Jean-Paul Mari

Les taliban sont de retour. Encore ? Oui, encore. Les mêmes barbes, les mêmes turbans noirs, les mêmes visages illuminés, sinon éclairés, par la même foi, les mêmes certitudes.

Qui sont-ils ? Question inutile. Nous le savons même si nous l’avons un peu oublié. Comme tous les islamistes, ils disent ce qu’ils vont faire et font ce qu’ils ont dit. Hors quelques mensonges politiques pour nous faire croire qu’ils sont, finalement, de bonne composition.

Ce qu’ils vont faire et ont déjà commencé à faire est de mettre une chape de plomb sur la société, la liberté d’expression, le savoir, les femmes, éteindre tous les feux d’une culture non islamique, détruire les œuvres d’art « impies » comme les Bouddhas de Bamiyan, bref renvoyer l’Afghanistan à l’ère médiévale. Sans oublier de reprendre le contrôle des champs de pavot et du trafic de drogue et d’ouvrir , discrètement , les portes de leur pays sanctuaire aux frères islamistes du monde entier.

Ils ont gagné.

Et l’Amérique a perdu. Une fois de plus, une fois de trop.

Évidemment, l’image de l’hélicoptère militaire américain au-dessus de l’ambassade de Kaboul est un rappel spectaculaire et facile de l’évacuation de Saigon. Après l’Amérique triomphante de la Deuxième Guerre mondiale et de la Corée, il y eût d’abord le Vietnam, la fin du mythe de l’invincibilité du géant US.

Puis l’Irak, la démonstration spectaculaire qu’on n’impose pas, comme une vérité révélée, le modèle démocratique par la force à ceux qui n’en veulent pas.

Et maintenant l’Afghanistan, terre rebelle et siège, depuis les Britanniques coloniaux jusqu’à l’empire soviétique, de toutes les déconvenues.

Vingt ans de guerre pour rien. Une guerre que les Français ont, au passage, pratiquée dix ans. Pour rien. Ou pire que rien. Résultat, les « forces obscures » ont vaincu la « démocratie éclairée ». Un lent déclin.

On le savait, on le pressentait, quand Barack Obama a tracé la ligne rouge de l’utilisation des gaz en Syrie à Bachar-el Assad le dictateur local qui s’est empressé de la franchir d’un bond insolent. Que s’est-il passé ? Rien. Énorme aveu d’impuissance de la part des Américains qui prétendent, encore aujourd’hui, vouloir être le leader du « monde libre ».

Face à la Chine, la Russie, la Corée du Nord et même la Turquie, l’Occident est en panne, la démocratie patine.

Le sort des armes ? Pas seulement.

Nous ne parvenons plus à convaincre les autres – même et surtout par la force – des idées que nous avons exporté pendant des siècles. Peut-être parce que nous-mêmes, quelque part, y avons renoncé.

Et si l’Occident, défait aujourd’hui une fois de trop, était en réalité en panne de ses propres valeurs ?


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