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Allemagne : Alice au pays des merveilles fascistes

publié le 18/01/2025 par Pierre Feydel

À droite de l’extrême droite, ultralibérale, ultranationaliste ? Alice Weidel, cheffe de l’AfD inquiète . Son parti a le vent en poupe

On savait que l’extrémisme politique pouvait amener à proférer les pires énormités. Le 9 janvier dernier, dans un entretien de 75 minutes avec le milliardaire Elon Musk, un intime de Donald Trump, Alice Weidel, dirigeante du parti d’extrême droite allemand Alternative für Deutschland (AfD), a pulvérisé, à plusieurs reprises, le record de la « fake news » délirante. Elle a affirmé qu’Adolf Hitler était « un socialiste, un communiste ». Son ultralibéralisme l’amène à considérer, faussement, que les nazis avaient nationalisé l’industrie comme des fous et exigé de lourdes taxes des entreprises privées. Une manière de soutenir que son parti n’a rien à voir avec les nationaux-socialistes, comme l’en accusent ses adversaires politiques. La preuve, selon elle : il est le seul à défendre les Juifs en Allemagne, menacés par les manifestations pro-palestiniennes.

Xénophobe, anti-européen, anti-écologie, pro-Poutine et pro-Trump

Toutes ces affirmations ont été véhémentement approuvées par Musk, qui s’est empressé de ressasser son obsession quant à la vocation de l’Humanité à devenir une espèce migrant d’une planète à l’autre pour assurer sa survie. Ce moment hallucinatoire, nourri de révisionnisme historique et de prédictions tenant du « space opera », a provoqué, outre-Rhin, de vives réactions tenant parfois plus du sarcasme que de l’indignation.

Hélas, Alice Weidel est la candidate désignée par son parti à la chancellerie en cas de victoire – peu probable – aux élections législatives du 23 février prochain. Désormais, l’AfD est créditée dans les sondages de 20 % des voix, loin derrière la droite classique de la CDU, qui rassemble 32 % des intentions de vote. Le mouvement nationaliste, xénophobe, anti-européen, anti-écologie, pro-Poutine et pro-Trump est toutefois installé loin devant le SPD, qui se traîne à 15 % des suffrages. Les Verts et les libéraux, quant à eux, ne font figure que de forces d’appoint.

Issue de la RDA communiste devenue terre d’élection de l’extrême droite

Du coup, la cheffe du parti d’extrême droite est apparue sur le devant de la scène politique outre-Rhin. Ses cheveux blonds tirés en une stricte queue de cheval, son très « BCBG » collier de perles et ses éternels tailleurs-pantalons ne la désignaient pas, a priori, comme une extrémiste véhémente. Ses origines non plus. Elle est née, il y a 46 ans, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé et le plus riche d’Allemagne, gouverné par des sociaux-démocrates ou des démocrates-chrétiens. Une région où règne une atmosphère à l’opposé des frustrations et des colères des Länder de l’Est, constituant autrefois la RDA communiste et aujourd’hui terres d’élection de l’AfD. Son père travaille dans l’immobilier. Sa mère tient le foyer. Diplômée en économie et en gestion d’entreprise de l’université de Bayreuth, elle travaille chez Goldman Sachs et Allianz Investor, passe six ans en Chine et apprend le mandarin.

Un flirt poussé avec les néonazis

Cette libérale convaincue adule Margaret Thatcher. Voilà donc une femme d’autorité, ce qui est peut-être une clé de son évolution vers la radicalité. Une autre explication tient sans doute à l’évolution extrémiste de son parti, que cette femme de pouvoir a dû suivre pour en garder le contrôle. Car aujourd’hui, elle flirte avec son aile droite néonazie, identitaire, animée par Björn Höcke, l’homme qui veut effacer le passé nazi de l’Allemagne et trouve déplorable qu’Hitler soit désigné comme le mal absolu. Le renseignement intérieur allemand le surveille de près. Le parti prône la « remigration », soit l’expulsion de la République fédérale des citoyens immigrés ou d’origine immigrée. Sa dirigeante juge, elle, l’Islam incompatible avec l’Allemagne. Elle va même jusqu’à réclamer qu’Angela Merkel soit inculpée pour sa politique d’accueil des immigrés.

Pour : la suppression des éoliennes, l’importation du gaz russe. Contre : le soutien à l’Ukraine

Cette Alice au pays des merveilles fascistes (un tribunal allemand a décidé que l’on pouvait qualifier de fasciste l’AfD) coche toutes les cases de l’extrême nationalisme à l’européenne. Elle souhaite la suppression des éoliennes et l’importation massive de gaz russe. Elle condamne, bien sûr, tout soutien à l’Ukraine. Elle veut voir son pays sortir de l’euro et réhabiliter le Deutsche Mark, ce symbole de la souveraineté allemande. Cette opposition à l’Europe ravit Elon Musk, ennemi déclaré de l’Union européenne, dont il souhaite l’éclatement.

Homosexuelle en couple avec une femme, mais… partisane de la famille traditionnelle

Elle va si loin que le Rassemblement national, rebuté par ses outrances, a décidé que ses élus ne feraient pas partie, au Parlement européen, du même groupe que ceux de l’AfD. Reste que le charisme et le talent d’Alice Weidel, malgré son homosexualité et sa vie commune avec une femme d’origine sri-lankaise, lui ont permis de prendre la tête d’un parti qui, par ailleurs, prône une politique familiale très traditionnelle et considère les immigrés comme des parasites. Elle a surmonté ces handicaps avec brio, ce qui ne la rend que plus dangereuse.


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