Semaine de la Presse. De quoi vivent les journalistes ?
Enquête Scam
Plus de 3400 journalistes ont répondu.
Le nombre de journalistes encartés a baissé
pour la première fois en 2010, baisse poursuivie en
2011 avant une légère remontée en 2012 (37477)
sans pour autant retrouver le niveau de 2009
(37904)1. Cette (r)évolution symbolise à elle seule les
profondes mutations en cours de la profession.
Afin de mieux appréhender ces évolutions, la Scam
a lancé une enquête auprès de 20000 journalistes.
De quoi se faire une bonne idée de la
situation économique et sociale de notre profession.
En rendant public les résultats de cette enquête la Scam
souhaite alerter non seulement la profession, les
éditeurs, les producteurs, les diffuseurs et l’ensemble
des employeurs des journalistes, mais également
les pouvoirs publics de la détérioration des conditions
d’exercice du métier de journaliste. Détérioration
mais aussi parfois précarisation réelle, notamment pour
les reporters de guerre photographes, ou les pigistes
de moins en moins payés ou obligés d’accepter
des statuts d’auto-entrepreneurs ou des forfaits au
bon vouloir des employeurs bafouant pour certains
le simple droit du travail.
Autre alarme que tire la Scam et qui
paraît inquiétante: les répondants soulignent la non
reconnaissance de leur travail et notamment
dans la prise de risque sur le terrain. De profondes
disparités sont à souligner entre les indépendants
qui ne peuvent plus vivre de leur métier, n’ont que peu
de couverture sociale et ne sont plus protégés par
leurs employeurs, et les journalistes permanents qui
maintiennent une activité rémunératrice.
Une dernière alerte: les femmes ; elles gagnent
majoritairement moins bien leur vie que les hommes.
Globalement, le résultat de ce questionnaire
révèle un malaise réel au sein de notre profession.
On s’interroge, face à la complexité d’exercer
notre métier, sur ce que signifie vraiment le statut
de journaliste, sur l’utilité ou non d’une carte
professionnelle et sur l’avenir de cette profession au
coeur d’une révolution numérique et multimédia.
Voilà pourquoi la Scam et l’ensemble de ses auteurs-journalistes
souhaitent pointer les dysfonctionnements
de notre profession, et le faire savoir.
Les verbatim cités dans cette synthèse
sont issus des réponses au questionnaire.
Merci à la journaliste Béatrice de Mondenard
à qui nous avons confié l’analyse des résultats.
Lise Blanchet, vice-présidente de la Scam,
présidente de la commission Scam des journalistes
1. Chiffres de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP)
62% des répondants ont déclaré être salariés
permanents, 28% salariés pigistes,
6% auto-entrepreneurs, 6% travailleurs indépendants,
6% auteurs et 3% intermittents.
12% d’entre eux ont ainsi déclaré plusieurs situations
sociales et fiscales. Ainsi un pigiste sur cinq est aussi
travailleur indépendant ou auto-entrepreneur et un
pigiste sur huit est également auteur.
Ce phénomène est variable selon les secteurs d’activité:
les journalistes TV et radio sont majoritairement
permanents (environ 80%) ; les journalistes de presse
écrite comptent une forte proportion de pigistes (37%) ;
les journalistes multimédias sont à 30% travailleurs
indépendants ou auto-entrepreneurs ; les réalisateurs
sont très marginalement permanents (10%) mais
intermittents pour près de la moitié d’entre eux (48%) ;
quant aux photographes, ils constituent la catégorie de
loin la plus sujette aux multiples statuts. Ils sont à la fois
permanents (34%), pigistes (40%), auteurs (36%) et
travailleurs indépendants/auto-entrepreneurs (22%).
Dans cette enquête, ils apparaissent souvent comme la
population la plus précaire.
Au-delà de la multiplicité des activités (édition,
communication) qui peuvent justifier d’autres types
de rémunérations, il transparaît une réelle difficulté à
se faire rémunérer en pige salariée pour une activité
journalistique. De nombreux journalistes rapportent ainsi
une tendance grandissante à payer en droits d’auteur
(notamment dans la presse écrite) ou à encourager les
statuts auto-entrepreneurs (web) ou encore à employer
des journalistes avec des contrats d’intermittents (TV) :
OPV (opérateurs vidéo) plutôt que JRI (journalistes
reporters d’image) par exemple.
«De nombreux éditeurs de presse ne
veulent plus payer qu’en droits d’auteur
alors qu’ils devraient payer en piges,
donc salaire avec bulletin de paie.»
« Je suis choquée de toucher d’avantage en droits d’auteur qu’en
salaire et d’être rémunérée au régime intermittent, je trouve que les
radios publiques profitent du système (Assedic et Scam) car le
montant de la pige n’a augmenté que de 2 euros en 30 ans (chez
RFI) et le nombre de piges est très bas pour le volume de travail
fourni.»
« La société de prod qui m’emploie
m’a contrainte à devenir intermittente du
spectacle car son code APE ne lui permet
plus d’embaucher des journalistes en CDD
d’usage: cela crée un bug informatique
avec le logiciel de Pôle Emploi. J’ai donc
changé de fonction (de rédacteur en chef
à producteur artistique) et perdu ma carte
de presse alors que je n’ai pas changé de
travail : je fais la même chose sur cette
émission depuis 4 ans. »
Une multiplicité de situations
plus subie que choisie
Première conséquence néfaste du cumul de situations :
la difficulté pour les journalistes à obtenir et conserver
une carte de presse, puisqu’ils doivent pour ce faire
justifier de 50% au moins de revenus salariés, émanant
d’entreprises de presse. Si dans cette enquête, 83%
des répondants sont titulaires de la carte de presse,
cette proportion est très variable selon les situations :
91% pour les permanents, 81% pour les pigistes,
55% pour les auto-entrepreneurs, 54% pour les auteurs,
32% pour les intermittents.
« Le gros problème est de rester JOURNALISTE
et donc de conserver ma carte de presse.
Pour ce faire, je dois refuser tous contrats non
payés à la pige et beaucoup de supports
réclament des statuts auto-entrepreneurs ou
droits d’auteur. Je les refuse pour ne pas
perdre mon statut. Néanmoins certains sont
des emplois de journalistes à part entière.
Il serait peut-être temps que la Commission
(Commission de la carte d’identité des
journalistes, ndlr) se penche sur ce problème
pour permettre aux journalistes de continuer
à exercer leur métier. »
« J’avais une carte de presse depuis
1987, perdue depuis 2009. La cause:
absence suffisante de travail en presse,
et de plus, souvent payé en droit d’auteur
+ le paiement du moindre travail en
communication (celui-ci étant trois fois
plus rémunérateur), même si l’on en a
peu, déséquilibre très vite la loi du 51%
des revenus en presse!!!! »
Plusieurs journalistes ont émis le voeu de voir réformer
la Commission de la carte. Certains souhaitent que soit
prise en compte leur activité d’auteur, parfois
difficilement dissociable de leur activité de journaliste.
Quelques-uns voudraient pouvoir exercer ce métier,
en tant qu’auto-entrepreneurs.
Statut et carte de presse
Au-delà de la carte de presse, la multiplicité des statuts
(salarié, auteur, entrepreneur) engendre des
difficultés administratives, financières et juridiques, qui
ont aussi des conséquences sur la protection sociale:
2,5% des journalistes ayant répondu à l’enquête
n’ont aucune couverture sociale, et 13% n’ont pas de
complémentaire santé (mutuelle).
«On ne rentre jamais dans les cases
(Pole Emploi, Sécu). »
Le statut d’auto-entrepreneur n’offre évidemment pas
la même protection sociale, ni les mêmes droits à la
formation que le salariat.
« Je déplore le fait de devoir passer
par une société de portage salarial
pour facturer mon travail à la société
qui me commande les piges. J’ai refusé
d’être auto-entrepreneur ou entrepreneur,
je paie le prix fort de ce choix mais je
l’assume pour conserver une vraie
protection sociale (droit au chômage,
couverture maladie-accident digne
de ce nom et retraite).»
Pour les droits d’auteur, le sujet est plus complexe, et la
Scam a alerté ses membres à de nombreuses reprises à
ce sujet. En effet, pour bénéficier du statut d’auteur – et
ainsi de la même couverture sociale que les salariés –,
les auteurs doivent s’affilier à l’Agessa. Pour être affilié,
il faut faire une démarche volontaire, et remplir trois
conditions : être résident fiscal en France, justifier d’une
activité d’auteur et avoir perçu un minimum de droits
d’auteur l’année précédente (8379 € pour 2012), cette
dernière condition n’étant toutefois pas rédhibitoire.
À défaut d’affiliation, les journalistes percevant des
droits d’auteur sont seulement «assujettis».
Cela signifie qu’ils payent des cotisations maladie,
mais pas de cotisations vieillesse. Ils ne cotisent donc
pas pour leur retraite sur leurs droits d’auteur.
Dans cette enquête, seuls 30% des journalistes s’étant
également déclarés auteurs sont affiliés à l’Agessa.
«Le cumul des statuts est un problème.
Je suis rémunérée à la pige en salaire par les
journaux et magazines, en note d’auteur (non
affilié à l’Agessa) pour les commandes en photo
ou vidéo pour des entreprises. Cela ne me
donne aucune couverture retraite pour l’avenir.
Et si je perds ma carte de presse, si mes travaux
d’auteur dépassent mes travaux de pigiste,
je perds l’assurance maladie.»
«Après 14 ans de carte de presse,
je n’ai aujourd’hui plus aucun statut social.
Je fais toujours le même métier mais
la majorité de mes revenus est désormais
constituée de droits d’auteur, émanant
d’entreprises qui éditent sites et journaux,
mais ne sont pas des entreprises de
presse. Je n’ai donc plus de carte
de presse, mais je ne peux pas non plus
m’affilier à l’Agessa. Je ne suis donc
ni salariée ni auteure, et ne cotise pas
pour ma retraite. »
Casse-tête administratif
et moindre protection sociale
La situation est également tendue pour les pigistes
salariés, qui ont été très nombreux à répondre
à la question ouverte. «Précarité, isolement, absence de
reconnaissance» sont les griefs qui reviennent le plus
souvent.
Les pigistes pointent les disparités avec les permanents,
en termes de rémunération vs quantité de travail,
mais aussi de protection sociale et d’avantages sociaux
divers (mutuelle, chèques vacances, bons cadeaux
de noël).
Ils dénoncent une application approximative du droit
du travail, la nécessité de devoir sans cesse se battre
pour faire respecter leurs droits (prime d’ancienneté
entreprise et carte de presse, 13e mois, congés payés)
et se faire régler dans les délais prévus.
De nombreux journalistes évoquent aussi la non
prise en charge du temps d’enquête et d’investigation,
des frais de reportage, et la faiblesse ou l’absence
de paiement pour les photos qui accompagnent un
reportage écrit (incluses dans un forfait).
Enfin, les pigistes soulignent le «mépris» pour les non
permanents, qui s’est aggravé avec la crise. Ils disent
avoir de plus en plus de mal à trouver de nouvelles
piges, et être beaucoup moins intégrés que par le passé
aux rédactions.
«le faible tarif au feuillet dans la plupart des titres
de la presse nationale (80 € la page pour les Inrocks,
60 € le feuillet à Marianne…). Impossible de bosser
pour ces titres si on a un loyer à payer.»
«Problème principal : rémunération en baisse
continue d’une année sur l’autre (les charges
sociales ont augmenté, de même que les
exigences des employeurs et le coût de la vie…
et pas les piges). Pour exemple: gain annuel net
en euros 37729 en 2002, 34669 en 2009;
27408 en 2012 pour la même charge de
travail !! »
« Pour vivre correctement, il faudrait
travailler beaucoup plus vite, faire
ce que les Anglais appellent du
« churnalism». Bien travailler, c’est
mal vivre de son travail… personnellement
c’est mon arbitrage car je
suis soutenue par les revenus de mon
conjoint, mais je trouve cela anormal.»
« La réduction des formats des sujets : toujours autant
d’enquête, mais pour écrire des papiers de moins en
moins rémunérateurs. Cette activité ne me permet
plus de vivre. Je vais donc moi aussi l’abandonner…
à regret!»
«Les frais ne sont pratiquement plus
pris en charge et les photos souvent
non payées ou sous payées.»
«Beaucoup d’éditeurs de presse considèrent
que les photos sont à inclure dans un forfait et
qu’elles n’ont pas à être rémunérées en plus
du texte. »
« Il est de plus en plus difficile pour les pigistes
de vendre des sujets à des journaux. Les pigistes
n’ont plus leur place dans les rédactions où les
journalistes en poste ont peur pour leur place,
doublement dans cette ambiance de plans sociaux. »
Pigiste: difficile d’en vivre
12% des répondants à l’enquête ont déclaré avoir
des revenus inférieurs ou égaux au Smic (13000 €
nets/an) ; 18% entre 13000 et 20000 € nets/an,
46% entre 20000 et 40000€ nets/an,
18% entre 40000 et 60000 € nets/an et enfin
6% au-delà de 60000 € nets/an.
On observe de fortes disparités selon l’activité:
les photographes étant surreprésentés dans la catégorie
la plus basse (37% contre 12% pour la population
des répondants) et les journalistes TV dans les
catégories supérieures (40% au-delà de 40000 € nets
contre 23% pour l’ensemble des répondants).
Autre constat : le déséquilibre hommes/femmes.
Alors que leur poids dans l’enquête est équivalent,
les femmes représentent 62% des plus bas revenus
(– de 20000 €/an) et seulement 16% des plus hauts
(supérieurs à 100000 €/an).
Enfin, une proportion importante de journalistes
a des rémunérations variables d’un mois à l’autre (30%)
et d’une année à l’autre (21%). Les réalisateurs et les
photographes sont particulièrement concernés par ce
phénomène.
Dans le secteur de la presse
Au-delà des revenus annuels, le questionnaire entendait
appréhender les rémunérations des journalistes dans
le seul secteur de la presse. Il s’avère qu’ils sont payés
pour une grande majorité en salaires (91%) mais
perçoivent aussi des droits d’auteur (20%) et des
honoraires (9%)
.
Parmi les salariés, 73% sont mensualisés et 27% sont
rémunérés à la pige. Ce chiffre connaît toutefois de
fortes disparités selon les secteurs, la mensualisation
étant de 93% en radio, 87% en TV, 77% en
multimédia, 65% en presse écrite, 53% chez les
photographes et 33% pour les réalisateurs.
Les journalistes percevant des droits d’auteur les
perçoivent à 26% de la Scam, conséquence de l’accord
avec France TV (2007), 15% de commanditaires, et
54% de la part de leurs employeurs, ce qui rappelonsle,
n’est pas légal s’il s’agit bien d’entreprises de presse
employant des journalistes. Les journalistes TV
perçoivent majoritairement les droits d’auteur de la
Scam, les journalistes de presse écrite et les réalisateurs
de leurs employeurs, et les photographes de leurs
commanditaires.
Parmi ceux qui perçoivent des honoraires, les
journalistes de presse écrite (64%) et les journalistes
multimédias (17%, soit le double de leur poids dans
l’échantillon) sont surreprésentés.
Montant des piges (en salaires)
TV: Plus d’un pigiste sur deux touche moins de 1000 €
pour un reportage court (– de 26’).
Radio: plus d’un journaliste sur trois touche moins de
60 € pour une pige (– de 26’)
Presse écrite: un pigiste sur deux perçoit moins de 70 €
au feuillet (1500 signes)
Photo: Plus d’un photographe sur trois perçoit
moins de 30 € par photo.
Rémunérations :
les chiffres de l’enquête
Près d’un journaliste sur trois
a recours à une activité
extra-journalistique
29% des répondants à l’enquête disent avoir une
activité extra-journalistique. Toutefois, si on exclut les
permanents (62% des répondants), dont «seulement »
17% ont une activité extra-journalistique (ce qui n’est
pas négligeable), cette proportion grimpe à 51%.
Elle est de 42% pour les pigistes et les intermittents,
de 60% pour les auteurs et de 67% pour les travailleurs
indépendants et auto-entrepreneurs.
Les journalistes ayant une activité extra-journalistique
sont à 35% non titulaires de la carte de presse, moins
rémunérés que la moyenne (21% ont des revenus
inférieurs ou égaux au SMIC contre 12%) et ont des
revenus plus aléatoires.
« Je suis contrainte d’avoir
une seconde activité en
parallèle, plus rémunératrice,
pour pouvoir disposer
de revenus satisfaisants».
« Je suis pigiste depuis 2007 par choix
(j’ai toujours été pigiste et je ne cherche
pas à voir de CDI), j’ai toujours connu
la crise de la presse mais je constate
que la situation se dégrade fortement
depuis l’automne 2012. La précarité
augmente, impossible de s’en sortir sans
être journaliste pluri-media (presse écrite
et TV par exemple). Autour de moi
(et moi y compris), de plus en plus de
pigistes font des activités extra-journalistiques
(communication, corporate, etc.)
pour conserver leur niveau de salaire. »
À la question: y a-t-il un point qui vous pose problème
dans l’exercice de votre métier ? cinq items étaient
proposés : statut, rémunération, conditions de travail,
liberté d’expression, égalité hommes/femmes.
> La rémunération arrive très loin en tête: 50% des
journalistes le mentionnent comme un problème
dans l’exercice de leur métier. Viennent ensuite les
conditions de travail (35%), le statut (20%), l’égalité
hommes/femme (15%) et la liberté d’expression
(15%).
> Quel que soit le sexe, la situation vis-à-vis de
la carte de presse, le statut ou le secteur d’activité, la
rémunération est presque toujours le premier item cité.
Seuls les journalistes TV placent la rémunération en
deuxième position derrière les conditions de travail.
> Le statut est le 2e item cité pour les auteurs,
intermittents et photographes, tandis que les salariés
(permanents et pigistes) placent les conditions de travail
en deuxième position.
> Les salariés permanents citent plus significativement
que les autres la liberté d’expression et l’égalité
hommes/femmes.
> L’égalité hommes/femmes point est citée à 85%
par les femmes et 15% par les hommes.
La question était aussi l’occasion d’une réponse libre,
et 15% des répondants ont utilisé cette opportunité.
Premier constat : les jeunes et les femmes sont plus
enclins à souligner des problèmes. 59% des citations
émanent des femmes (présence dans l’échantillon:
51%) et 42% des moins de 35 ans (présence dans
l’échantillon: 28%).
Deuxième constat : beaucoup de ces verbatims viennent
préciser et détailler les questions de statut et de
rémunération (cités plus haut). Toutefois, de nombreux
autres points sont évoqués. D’une manière générale,
l’évolution du métier est jugée de façon très négative,
avec un secteur en grande fragilité, des pratiques qui
se détériorent, une perte de sens et une profession
discréditée.
> FORMATAGE , VALOR I SAT ION DU FACTUE L
E T DE L’ IMMÉDIAT E T É , SUIVI SME , DÉCONNEXION
AVEC LA R ÉAL I T É DU T E R RAIN.
« La montée en puissance de l’editing, de l’emballage
de l’article, du «marketing», au détriment du fond.»
« La prolifération des chaînes en continu
qui diffusent des flux d’images sans décryptage
et des reportages sans valeurs ajoutées…»
«Nos journaux traitent
de plus en plus les
sujets censés intéresser
le public, plutôt que
d’essayer d’intéresser le
public à tous les sujets. »
« Le rapport toujours plus immédiat à l’actualité,
une notion du présent qui se rétrécit, l’impossibilité
de mener des enquêtes de fond.»
« La tendance prononcée d’une
hiérarchie à réinventer le métier en se
coupant de plus en plus du territoire
d’implantation. L’alignement, hier
sur le journal de TF1, aujourd’hui
sur le buzz, s’accompagne d’une
volonté de «fabriquer» l’information
déconnectée de la réalité.»
Une dégradation du métier
sur plusieurs plans
EXPLOITATION DU TRAVAIL DES JOURNALISTES
SUR PLUSIEURS TITRES OU PLUSIEURS SUPPORTS ,
SANS RÉELLE COMPENSATION.
« Les libertés que prend mon employeur pour me faire
travailler pour plusieurs titres gratuitement ou presque
(forfait de 135 euros par an) sous prétexte qu’ils appartiennent
au même groupe de presse.»
« L’employeur nous sollicite également
pour alimenter gratuitement
un site internet en plus de notre
temps de travail quotidien habituel
(10 à 12 heures).»
COOPTATION ET CLIENTÉLISME
« La propension récurrente des diffuseurs
à servir leurs amis producteurs au
détriment des entreprises plus modestes
et pas moins compétentes. Ce système
tue à petit feu les sociétés de production
qui n’ont pour seule prétention que
d’exister.»
« Les chiens de garde qui empêchent
les vrais talents de s’exprimer. Ils noyautent
les chaînes, étouffent les rédactions
et sous-alimentent les pigistes ».
AUTOCENSURE, CONFUSION DES GENRES
ET MANQUE DE DÉONTOLOGIE
«La fragilité économique du
secteur est le problème numéro
un pour assurer une qualité de
travail journalistique, ainsi que
l’indépendance capitalistique
des journaux.»
«La confusion de plus
en plus évidente entre
com et information; le
pouvoir des financiers
sur les gens de presse ;
les demandes de relecture
avant parution.»
« L’absence totale d’accès à l’information verrouillée
par les attachés de presse (je travaille en presse
écrite dans le domaine du cinéma, séries télé,
musique). La dictature des attachés de presse est
totale. On est blacklisté très vite si on ne dit pas
constamment du bien des projets. Internet permet
de compenser leur influence mais on tourne vite
en rond sans leur sésame.»
Correspondants de guerre
Parmi les journalistes ayant répondu à cette enquête,
176 disent couvrir des conflits armés. Il s’agit d’une
population plus masculine et plus âgée que la moyenne
des répondants : 73% sont des hommes (contre 49%
dans l’ensemble de l’enquête) ; 17% ont moins
de 35 ans (contre 28%) et 45% ont plus de 50 ans
(contre 29%).
Près de deux reporters de guerre sur trois (64%)
ont un lien avec l’image, une proportion plus de deux
fois supérieure à leur poids dans l’enquête (27%).
53% sont journalistes TV, 6% photographes et
5% réalisateurs.
> Les revenus des reporters de guerre sont
significativement plus élevés que l’ensemble des
journalistes ayant répondu à l’enquête mais sont aussi
plus contrastés. Tout se passe comme si le fait de couvrir
des conflits armés se traduisait par une rémunération
supérieure, sauf pour les photographes et les
réalisateurs.
Ainsi 14% des reporters de guerre perçoivent moins
de 20000 € nets/an, 38% entre 20000 et 40000 €
et 48% plus de 40000 € (contre respectivement
32%, 44%, 24% pour l’ensemble de l’enquête).
Parmi les reporters de guerre, un photographe sur
deux et un réalisateur sur trois perçoivent des revenus
inférieurs ou équivalents au SMIC (13000 € nets/an),
soit une proportion bien supérieure à celle des reporters
de guerre en général (10%) et à celle de l’ensemble
des répondants (12%).
Seul un tiers d’entre eux a déjà perçu une prime de
risque ou une rémunération complémentaire pour
couvrir un conflit armé. Il s’agit pour une très large
majorité de journalistes TV.
> 25% des journalistes couvrant des conflits armés
ne sont pas assurés. Cette proportion est encore plus
élevée chez les photographes (50%) et les réalisateurs
(44%). Cela signifie que nombre de journalistes
partent sur des zones de conflit par leurs propres
moyens, sans contrat de travail.
> 90% des journalistes ayant déjà couvert un conflit
armé ont une carte de presse. Les disparités sont
toutefois immenses entre les journalistes radio (100%)
ou TV (97%) et les photographes (60%) et les
réalisateurs (43%).
> 73% des journalistes couvrant les conflits armés
trouvent leur métier significativement plus difficile
et 49% plus dangereux. De façon moins nette,
ils le jugent aussi moins reconnu et moins rémunéré.
71% des répondants disent avoir le sentiment d’être des
auteurs. 21% pensent que non, 7% ne savent pas.
Ce sentiment est plus prégnant pour les hommes (75%)
que pour les femmes (68%). Il est également plus
prononcé pour les plus de 50 ans (79%) que pour
les plus jeunes (61%).
Enfin, il est plus fort chez les photographes (83%), les
réalisateurs (83%) et les journalistes TV (81%), habitués
à être rétribués pour la réexploitation de leurs oeuvres
en droits d’auteur, que chez les journalistes de presse
écrite (67%).
Pour 70% des répondants, le fait de signer un
reportage fait d’eux un auteur. C’est particulièrement
le cas des photographes (82%) et des journalistes TV
(76%). Ça l’est un peu moins pour les journalistes
de presse écrite (67%) et les réalisateurs (64%).
Des journalistes
qui se sentent auteurs
Échantillon: qui sont-ils ?
3407 journalistes ont répondu à l’enquête.
> 51% de femmes et 49% d’hommes
> 28% ont moins de 35 ans, 43% entre 35
et 50 ans, et 29% plus de 50 ans.
> 56% travaillent principalement pour la presse écrite,
23% pour la TV, 9% pour la radio,
8% pour le multimédia, 2% sont photographes et 1%
réalisateurs (une seule réponse possible)
> 62% sont salariés permanents, 28% salariés pigistes,
6% auto-entrepreneurs, 6% travailleurs indépendants,
6% auteurs et 2,5% d’intermittents (plusieurs
réponses possibles).
TOUS DROITS RESERVES