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Monde. Les reporters-photos malades de leur métier. Enquête SCAM

publié le 28/09/2021 | par grands-reporters

Pour les photojournalistes – et dans une certaine mesure pour l’ensemble de la profession de photographe- les risques et les problèmes de santé se situent essentiellement à quatre niveaux…


Préface
Quelques semaines après avoir réalisé un entretien avec une photojournaliste, j’ai reçu sur ma boîte mail ce texte écrit par elle. En guise de préface,
je lui laisserai donc la parole car ses mots, mieux que les miens, exprimeront ce que ressentent beaucoup d’entre eux.

«Une furieuse envie de disparaître. Une crypto quelque chose qui congèle, quelques semaines, le temps que les choses se tassent. Le temps que la douleur se calme.
Je veux bien passer par dessus, aller de l’avant, bouger, faire des activités,
me changer les idées mais j’ai des vertiges, parfois ma respiration se bloque, à la chorale j’ai des larmes qui coulent. Ça change les idées. Je me pensais nulle, je me constate pathétique.
Repenser mon métier de photographe, rebondir. L’appareil photo me brule, son poids m’arrache la nuque. Je veux bien me battre, ne pas les laisser gagner mais je ne suis pas équipée pour faire face à leur stratégie. Une forme de management moderne. Arracher le cœur des gens avec le stylo bille en or pour bien gratter le fond de leur estomac.

Message clair: RIEN. Tu pensais mettre de l’âme dans ton travail, te donner
à fond, bon esprit d’équipe, toujours partante. Et bien voilà, la preuve en est, je ne faisais que m’agiter, faire tourner de l’air car rien, rien je ne représente rien d’autre qu’une économie dans un tableau Excel. Je pensais que mes images comptaient. Que mes photos pouvaient dire. Rien je vous dis rien. Quelqu’un d’autre, moins payé, va appuyer sur le bouton et peu importe 
la photo, ça fera toujours plus l’affaire que d’avoir à payer. Rien, aucune valeur. Rien. Vingt ans d’ancienneté. Rien. Des couvertures qui font les meilleures
ventes annuelles. Rien.

Je ne vaux même pas un licenciement. Rien. Où alors un agacement sous forme de convocation prud’homale. Un ou deux collègues qui mollement protestent mais pas au point de perdre leur avantage. Rien. Rien. Rien. Et je dois repartir, passer à autre chose, avoir des projets. Refaire confiance, m’investir dans  un reportage. Croquer dans la vie. J’ai les dents arrachées et les gencives brulées par l’amertume. Devenir un coyote pourrait me faire envie, hurler
à fendre l’arme, leur sauter à la gorge, arracher leur sourire satisfait à pleine gueule, les crocs plongés dans leurs yeux de rapace et trainer le cadavre
 de leurs ambitions. Mais rien, je ne ferai rien. Je suis annulée»

 

Lire le rapport complet d’Irene Jonas réalisé pour la SAIF et la SCAM en Juin 2019

 

Au sommaire :

4 Préface
5 Introduction
6 Mon métier, ma passion… ma souffrance
8 Travail et santé
10 Les risques psychosociaux
10 Une hyperactivité nuisible à la santé
11 Le casse-tête des statuts
12 Une intensification du travail
12 Disparition du temps pour soi 13 Des savoir-faire dévalorisés
14 La brutalité de l’arrêt des commandes 15 L’absence de réponses
17 Souffrance par la perte de sens au travail
20 L’angoisse des années futures 21 Les stratégies pour préserver sa santé psychique
21 Voir un psychologue
22 Contre l’isolement : mettre en place des soutiens,
des collaborations et/ou des espaces partagés
24 Avoir le soutien des proches et amis
24 Changer de vie ou de métier
25 Pénibilité du métier
25 Mal de dos, tendinites et fatigue oculaire
27 Santéisme, prudentialisme et néolibéralisme
27 Préserver son « capital santé »
30 Les stratégies pour tenir au travail
31 Petits arrangements avec l’auto médication 32 Les arrêts de travail
33 Renoncer à des soins
34 La question des mutuelles
36 Le soutien du (de la) conjoint (e)
36 Accident et/ou maladie : la vie peut basculer
37 La première alerte qui change la donne
40 La maladie invalidante
42 Grossesse et parentalité
49 Conclusion


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