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Otage. Olivier Dubois: dix mois après, mobilisation face au silence pesant

Edito publié le 10/10/2021 | par grands-reporters

Dix mois de silence, d’absence et de manque. Six mois de trop. Et une mobilisation qui enfle, partout en France et au Mali.

Le 8 avril 2021, Olivier Dubois, journaliste au Mali pour Libération, le Point et Jeune Afrique, s’est volatilisé en plein jour dans les rues de Gao, dans le nord-est du pays.

Ce jour-là, notre confrère de 47 ans est devenu un otage.

Six mois de trop, mais pas six mois d’oubli. Depuis son enlèvement, un comité de soutien, coordonné par Reporters sans frontières (RSF) et constitué de proches, de collègues et d’anciens otages, à Bamako, Paris et ailleurs, se démène pour rappeler le sort d’Olivier et obtenir sa libération.

A partir de ce vendredi, six mois jour pour jour après son enlèvement, treize grandes villes françaises afficheront sur les façades de leur hôtel de ville une banderole portant la photo et le nom du journaliste. Outre Paris, où la mairie du Xe arrondissement a déroulé déjà depuis trois mois cette banderole sur son fronton, Bayeux, où se tient actuellement le prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, a dévoilé une banderole cette semaine.

A partir de vendredi, onze autres villes vont suivre : Marseille, Lyon, Nice, Nantes, Bordeaux, Montpellier, Rennes, Reims, Pau, Fort-de-France et La Rochelle. D’autres villes pourraient se mobiliser aussi dans les jours prochains.

A Bamako, au Mali, une master class de journalisme a été organisée par le comité de soutien local, pour sensibiliser de jeunes étudiants ou même de simples curieux au métier de journaliste.

Mobilisation «sans relâche»

«La mobilisation de toutes ces villes, un peu partout dans le pays, de Marseille où vit une partie de sa famille à Fort-de-France, en Martinique, d’où Olivier est originaire, est un formidable message de soutien et de solidarité à l’endroit d’un journaliste pris en otage alors qu’il faisait son travail, a déclaré le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire.

Nous continuerons à nous mobiliser sans relâche pour qu’Olivier soit libéré et puisse continuer à nous informer. Nous en profitons pour remercier tous ceux qui travaillent aujourd’hui concrètement pour sa libération.»

Comment va Olivier ? Comment gère-t-il une immobilité forcée – celle qu’ont pu raconter les anciens otages, dont la dernière Française libérée en octobre 2020, Sophie Pétronin, qui avait été enlevée dans la même ville de Gao et détenue par le même groupe jihadiste ?

Lui, ce journaliste sans cesse en mouvement, qui ne tient pas en place, adepte comme souvent en Afrique des messages WhatsApp vocaux dont il ponctue ses reportages et qu’il commence invariablement par un joyeux : «Salut ! J’espère que ça va bien !»

Dans la nuit du 4 au 5 mai, soit presque un mois après sa disparition, une brève vidéo de vingt et une secondes confirmait qu’il avait bel et bien été enlevé. Assis en tailleur sous une tente, a priori en bonne santé, il expliquait être entre les mains du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim, selon son acronyme en arabe). Il demandait à sa «famille, ses amis et les autorités françaises» de faire «tout ce qui est en leur pouvoir» pour qu’il soit libéré.

Un cas «ouvert à la discussion»

Depuis, rien, ou presque. Les jours s’égrènent et le silence s’installe. Aucune revendication officielle, aucune négociation n’ont été rendues publiques. Rien n’a filtré, tant du côté des autorités maliennes que françaises. Jusqu’au 29 septembre où un signe ténu, mais un signe tout de même, est apparu.

«L’otage n’a pas été attiré ni trompé, son cas [est de l’ordre de ce qui] peut être ouvert à la discussion», rapportait sur Twitter Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des réseaux jihadistes, qui citait une source directe d’Al-Qaeda au Maghreb islamique, parrain du Jnim.

L’interprétation de ces quelques mots permet de comprendre qu’Olivier Dubois a sans doute été piégé initialement par un groupe différent du Jnim, auquel il aurait ensuite été remis. Et les mots «ouvert à la discussion» allument une lueur d’espoir pour ses proches pour qui l’attente et le manque d’informations sont insupportables.

Olivier s’était rendu à Gao dans l’idée de rencontrer Abdallah Ag Albakaye, un lieutenant de l’organisation islamiste armée, intermédiaire dans la hiérarchie. Des lettres, sur papier, à l’ancienne, avaient été échangées grâce à des intermédiaires. L’entretien devait se tenir dans un appartement situé dans la ville de Gao. Olivier a sans doute été enlevé alors qu’il pensait se rendre à ce rendez-vous.

Le geste très généreux des mairies françaises est symbolique. Ces grandes affiches, rappelant son sourire éclatant et son nom en grandes lettres ne suffiront pas pour rendre Olivier aux siens. Mais ces démonstrations publiques permettent à tous de ne pas oublier, de rappeler au public et aux autorités que le devoir d’informer est sacré, que pour cette mission d’information vitale en démocratie un homme a été privé de liberté.

Avec cette espérance aussi que, peut-être, d’une manière ou d’une autre, dans le désert de sable où il est retenu, Olivier recevra l’écho de la mobilisation, qu’il saura que ni ses proches ni ses confrères et consœurs ne l’oublient. Que nous l’attendons tous.

 

 

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