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Edito. « France-Maroc : séisme et fractures », par  Agnès Levallois

Edito publié le 12/09/2023 | par grands-reporters

Dès l’annonce du tremblement de terre de Marrakech, les autorités françaises se sont déclarées prêtes à acheminer de l’aide aux victimes. Rabat a fait appel à la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Qatar et les Émirats arabes unis…pas à la France

Quelles sont les raisons de la position marocaine ? Quatre principalement la motivent.

– La première tient à la relation que le président français a nouée avec les autorités algériennes avec l’objectif de résoudre les questions mémorielles. Il est allé à Alger quelques mois après son élection, en décembre 2017, et bien qu’il se soit rendu auparavant à Rabat, pour une visite « d’amitié et de travail » de 24h, premier déplacement bilatéral hors d’Europe, les Marocains considèrent que le rapprochement avec Alger est un manque de considération à leur égard.

Du coup, la nouvelle visite que doit effectuer le président français dans le royaume est sans cesse reportée et le royaume n’a plus d’ambassadeur à Paris depuis janvier.

– Le deuxième grand sujet de discorde est lié la question du Sahara occidental. La priorité de la diplomatie marocaine est d’obtenir la reconnaissance de ce territoire disputé que revendiquent les Sahraouis soutenus par Alger. Les États-Unis sous Trump ont reconnu la souveraineté marocaine et l’Espagne a emboité le pas. Rabat attend que Paris en fasse de même, sans résultat pour le moment, car un processus onusien, soutenu par la France, est engagé pour régler ce contentieux.

– Le troisième est la question sensible des visas a grippé un peu la relation. Les autorités françaises ont décidé de réduire de 50% les visas accordés à l’Algérie et au Maroc (et de 30% à la Tunisie) afin de mettre la pression sur des gouvernements jugés insuffisamment coopératifs dans la réadmission de leurs ressortissants expulsés de France. La conséquence immédiate a été l’impossibilité dans laquelle se sont trouvés de nombreux Marocains à se rendre en France soit pour des raisons professionnelles, soit familiales. Cette restriction a depuis été levée mais le ressentiment est toujours là.

– Enfin, le quatrième dossier concerne l’affaire Pégasus, du nom de ce logiciel israélien d’écoute. Le royaume, qui a acheté Pegasus, est accusé d’avoir espionné… le portable du chef de l’État français.  De quoi compliquer encore plus la relation entre la France et le Maroc.

La marge de manœuvre de Paris est limitée, coincé entre la volonté exprimée par Emmanuel Macron de mettre sur les rails une nouvelle relation avec l’Algérie – lui qui est né après la guerre d’Algérie –  sans donner l’impression à Rabat que le Maroc a perdu son statut d’allié privilégié.

Du coup, le roi se lance dans une stratégie de diversification de ses alliances et ne répond pas, pour le moment, aux propositions officielles d’aide humanitaire de Paris. Mais si l’aide officielle est en stand-by, les ONG françaises sont sur le terrain et travaillent avec les Marocains.


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