Etats-Unis. Le projet Trump (3)
Attaque contre la langue et la culture, institutions soumises, pouvoir personnel, les trumpistes veulent miner la démocratie de l’intérieur et édifier une nouvelle Amérique pour toujours. Pas si simple

Langue et culture : premières cibles du trumpisme
Le trumpisme semble vouloir faire table rase du passé démocratique des États-Unis. Or, le fil rouge du fascisme, c’est bien la destruction de la démocratie libérale partout dans les pays où il sévit. Plus il prétend donner le pouvoir au peuple, plus il réduit les libertés des individus. Il met en place un contrôle strict de la population. Le danger aux États-Unis est accru du fait de l’allégeance des géants de la high-tech. La technologie peut autant être un outil de répression qu’un moyen d’émancipation. Le trumpisme n’en est pas encore tout à fait là. Mais il a évidemment des tentations en ce sens.
Par ailleurs, tous les fascismes instaurent leur novlangue, pauvre en vocabulaire et en syntaxe, ce qui limite la pensée ou l’analyse critique. C’est ce que George Orwell décrit dans 1984. Le trumpisme emprunte-t-il cette voie-là ?
Une langue contrôlée, une pensée réduite
Il a ses propres obsessions : des « médias mensongers » à la « fraude massive dans la fonction publique », en passant par « la gauche forcément communiste » ou encore « les immigrés meurtriers et trafiquants de drogue ». Mais il y a pire encore que cette essentialisation de catégories entières, accusées sur la base de milliers de « faits alternatifs », de fake news répétées en boucle par ses partisans.
L’administration Trump a décidé de contrôler l’emploi de certains mots dans la recherche et l’administration. Le vocabulaire banni concerne la sexualité mais pas seulement. Il s’agit de « transgenre », « LGBT », « sexe », « identité de genre », mais aussi de la formule « égalité d’accès aux soins ». D’autres sont mis sous surveillance : « racisme », « handicap », « discours haineux », « préférence sexuelle », « transsexualité », « victime », « diversité », « égalité », « historiquement », « socioéconomique » ou « socioculturel », etc. Ont été repêchés : « femme » ou « personne âgée ».
Une répression lexicale assumée
Le tripatouillage de la langue est typiquement fasciste. Une véritable répression lexicale. Cécile Alduy, professeure de littérature et de civilisation françaises à l’université Stanford, note : « C’est une composante essentielle du nazisme et du fascisme, que de transformer la langue. »
Mais gommer les signifiants ne supprime pas pour autant les signifiés. « Si le réel, c’est quand on se cogne », selon le psychanalyste Jacques Lacan, les trumpistes n’ont pas fini de se faire des bleus. Les transgenres ne vont pas disparaître parce qu’on ne les nomme plus.
Mais les ambitions trumpistes ne se limitent pas à ces censures. En bons fascisants, ils s’en sont aussi pris à la culture. Éradiquer le « wokisme » les amène à supprimer des livres des bibliothèques publiques, à bloquer certaines subventions universitaires, à vouloir réduire de moitié le budget de l’éducation nationale publique. Rien de nouveau : les nazis brûlaient les livres des auteurs jugés « dégénérés ».
Une démocratie minée de l’intérieur
Une magistrature aux ordres, une armée purgée, des services de renseignement décapités : le trumpisme préfère la soumission à la compétence. Ce faisant, il met le pays en danger.
Même si, à l’inverse du fascisme des origines, il ne souhaite pas un État fort, pas plus qu’il n’encense la force armée ou ne crée sa propre milice, il vénère la force. Avec une propension certaine à un impérialisme, certes plus économique qu’identitaire.
Les nazis voulaient récupérer tous les territoires où l’on parlait allemand : l’Autriche tout entière, les Sudètes, province tchèque, quitte à finir par avaler tout le pays. Les fascistes italiens rêvaient de reconstituer l’Empire romain. Ces rêves irrédentistes, que partage aujourd’hui Poutine, sont une constante des dictatures d’extrême droite.
Le pouvoir personnel comme horizon
Il en est une autre : le pouvoir à vie garanti au chef. Et des bruits courent selon lesquels Trump pourrait trouver le moyen de solliciter un troisième mandat. Son mépris du suffrage universel, dont il n’accepte les résultats que s’ils lui sont favorables, le pousserait-il jusque-là ?
Déjà, les Américains semblent rétifs à plusieurs aspects de son action. Et un État fédéral peut receler de multiples résistances.
Fin

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