Gaza : l’impuissance coupable du monde face au drame annoncé
Israël assume brutalement ses plans de réoccupation de la bande de Gaza, et d’expulsion « volontaire » de ses habitants

La France tente de faire modestement contrepoids, notamment en recevant ce mercredi le président de la transition syrienne menacé par Israël après les violences contre les Druzes.
Dans un autre contexte, personne n’aurait prêté trop d’attention à un dirigeant d’extrême droite qui promet l’enfer à ses ennemis. Mais quand Bezalel Smotrich, le ministre des Finances d’Israël, déclare que la bande de Gaza sera « totalement détruite », et sa population envoyée dans des pays tiers, il dit brutalement ce que s’apprête à faire son gouvernement.
Et de fait, le premier ministre Benyamin Netanyahou a été presque aussi direct dans sa communication, en assurant que les forces israéliennes, qui se préparent à retourner à Gaza, « n’interviendront pas pour ensuite se retirer ». C’est donc une réoccupation du territoire palestinien, accompagnée du déplacement de la population vers le sud, avant des départs présentés comme « volontaires ». De la tragédie ajoutée à la tragédie déjà en cours. Depuis 19 mois de guerre depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, les choses n’ont jamais été dites aussi clairement. Il faut y voir l’effet Trump, qui a désinhibé la parole la plus extrémiste, ici comme ailleurs ; sa caution vaut toutes les garanties d’impunité.
Face à ce cauchemar annoncé, les réactions internationales sont bien timorées, comme si le reste du monde avait intégré depuis longtemps son impuissance. Cette impuissance est à la fois réelle et assumée. Réelle car, de fait, seuls les États-Unis ont la capacité de peser sur Israël comme sur les pays arabes. Donald Trump se rend la semaine prochaine dans les pays du Golfe, et Israël a pris soin d’annoncer que son offensive ne démarrerait qu’après le départ du président américain de la région.
Mais cette impuissance est aussi assumée, car les liens entre Israël et les Occidentaux sont de ceux qui plongent dans les racines de l’histoire, tissés de rapports humains et politiques profonds, et qui rendent les ruptures difficiles. L’Europe est traversée par ces contradictions qui la rendent inaudible, même quand elle s’exprime. La bascule du monde dans les rapports de force plutôt que dans le respect du droit fait aujourd’hui l’affaire d’Israël qui s’impose à toute la région, des Palestiniens aux Syriens ou aux Yéménites.
La France tente, et c’est assez nouveau, de faire modestement contrepoids. La venue à Paris aujourd’hui du président de la transition syrienne, Ahmed al-Chareh, participe de cette stratégie. Ancien djihadiste, al-Chareh est à la tête d’une transition fragile, dans un pays exsangue et explosif. Il effectue son premier déplacement hors du Moyen Orient, alors que la minorité druze vient de subir des attaques meurtrières de radicaux sunnites, et qu’Israël se pose en défenseur des Druzes. En le recevant à Paris, Emmanuel Macron veut croire que la transition syrienne peut réussir en protégeant ses minorités menacées ; il envoie aussi un message à Netanyahou de ne pas aller plus loin dans la déstabilisation de son voisin syrien.
La France a également pris l’initiative en annonçant récemment qu’elle pourrait reconnaître le mois prochain l’État de Palestine, et en soutenant le plan arabe pour Gaza, destiné à bloquer la vision de Donald Trump pour le territoire palestinien. Ces initiatives redonnent des couleurs à une politique arabe qui semblait morte depuis Chirac, mais ressuscitée par la radicalisation en Israël et la brutalité de l’administration Trump. Ce tournant n’aura de sens que s’il parvient à entraîner l’Europe, ce qui est loin d’être acquis. Sinon, il risque d’en rajouter au sentiment d’impuissance face aux drames de la région : des bons sentiments, mais sans grand impact.
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