Guerre en Ukraine : un hiver horribilis
Attaque massive contre les infrastructures électriques, recul militaire, arrivée de Trump, effritement européen…
L’Ukraine est blessée, et Vladimir Poutine aimerait bien l’achever. Pour cela, tous les moyens sont bons. Face à l’hiver qui avance, la neige et le froid glacial, les Russes ont repris ce qui frappe le plus durement la population ukrainienne : la destruction massive des infrastructures électriques. Le pays vient de subir « une des plus grandes attaques » aériennes, avec 120 missiles et 90 drones, parmi lesquels une version modifiée des drones Shahed, le Geran-2, de petite taille et donc difficile à abattre, qui explose directement sur sa cible. L’opérateur énergétique ukrainien, DTEK, a annoncé des « coupures de courant d’urgence » dans la région de Kiev et dans deux régions de l’Est.
Cette pluie de missiles sur Kiev, Zaporijjia, Mykolaïv et Tcherniguiv n’a pas épargné l’ouest du pays, frôlant la frontière polonaise. Cette situation a conduit Varsovie à faire décoller des avions de chasse et à « mobiliser toutes les forces disponibles » pour protéger son territoire durant cette « attaque massive », a annoncé l’armée polonaise.
Vivre dans le froid et l’obscurité
À Odessa, port stratégique et poumon économique du pays, des images impressionnantes montrent les éclairs rouges dans la nuit, issus des tirs de centaines de canons anti-aériens tentant d’intercepter les drones s’abattant sur la ville. Cette offensive ne semble être que le début d’une longue campagne russe à l’approche de l’hiver. En frappant l’économie ukrainienne, en minant le moral des civils et en les condamnant à vivre dans le froid et l’obscurité, la Russie cherche à affaiblir la résistance ukrainienne, à faire douter le pays, au moment où l’Ukraine voit tous les clignotants virer au rouge.
Même si la défense anti-aérienne ukrainienne affirme avoir abattu 140 missiles et drones, l’armée ukrainienne est en difficulté. Elle souffre d’un manque de systèmes de défense anti-aériens, qu’elle réclame désespérément, ainsi que d’un déficit en munitions, en hommes (en raison des difficultés de recrutement et des désertions), et de soldats exténués, avec des rotations mal coordonnées. Sur le front est, les Ukrainiens reculent, lentement mais sûrement.
Les troupes russes avancent inexorablement de 1 km par jour
Le ministère russe de la Défense vient d’annoncer la prise de deux nouveaux villages dans la région de Donetsk. Une victoire modeste, mais qui s’ajoute aux gains territoriaux de Moscou. Depuis un an, la Russie a repris environ 350 km² en août 2024, marquant sa progression la plus rapide depuis mars 2022. Cette avancée s’est poursuivie en octobre, avec un gain supplémentaire de près de 480 km². Les troupes russes avancent de 500 mètres à 1 km par jour, menaçant des agglomérations, des routes et des lignes d’approvisionnement, notamment dans le Donbass. Elles se rapprochent inexorablement de la grande ville de Pokrovsk, un carrefour stratégique dont la perte représenterait un coup dur pour l’armée ukrainienne.
La dynamique et la confiance semblent avoir changé de camp.
Certes, Kiev a marqué un coup de maître avec son offensive éclair dans la région de Koursk, permettant une incursion et la reprise de 1 300 km² en territoire russe. Mais cette victoire pose question : que faire de ce territoire aujourd’hui ? Les Russes n’ont pas faibli sur le front est, et ce territoire reconquis mobilise des troupes ukrainiennes précieuses pour sa défense. De plus, l’armée russe a lancé une contre-offensive dans cette région, regagnant plusieurs localités. Moscou, soutenue par une économie de guerre, est connue pour sa capacité à ne pas ménager ses soldats – récemment renforcés par des troupes venues de Corée du Nord – ni ses obus ou missiles.
L’aide des alliés commence à s’effriter
Or, l’Ukraine dépend totalement de l’aide de ses alliés, laquelle commence à se réduire. Les États-Unis, principal soutien de Kiev, pourraient bientôt être dirigés par Donald Trump, qui a promis de « mettre fin à la guerre en 24 heures ». Mais comment cela serait-il possible, sinon en forçant l’Ukraine à accepter l’ultimatum de Poutine ? Quant à l’Europe, elle s’effrite. La Hongrie de Viktor Orbán et la Slovaquie basculent dans le camp pro-russe, tandis qu’Olaf Scholz, chancelier allemand en difficulté, a pris, pour la première fois en deux ans, son téléphone pour appeler Vladimir Poutine, au grand dam de Kiev.
Négocier ?
Face à cet isolement croissant, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été contraint d’évoquer des négociations. Il affirme que l’Ukraine ne mènera des pourparlers que si elle « n’est pas seule » et si elle est « forte ». Mais il a également exprimé sa volonté de voir cette guerre « prendre fin l’année prochaine ».
Seule bonne nouvelle: Joe Biden a donné son feu vert à l’utilisation de missiles longue portée occidentaux par l’Ukraine, ce qui autorise Kiev à frapper des cibles en Russie. et marque un tournant dans le soutien américain avant le possible retour de Donald Trump. Les missiles seront d’abord déployés à Koursk, où des soldats nord-coréens appuient les Russes, avant de viser potentiellement d’autres cibles en Russie.
Zelensky ne se fait aucune illusion : Poutine ne veut pas la paix, sauf sous la forme d’une capitulation ukrainienne sans condition. Zelensky sait son pays plus isolé, ses alliés divisés, l’Amérique imprévisible, son pouvoir critiqué, son armée affaiblie et sa population gagnée par le découragement. Il sait que l’hiver à venir, avec son lot de froid, d’obscurité et de souffrances, s’annonce comme un véritable hiver horribilis.