Séisme Haiti: Les chats du stade Delmas.
En plein cœur de Port-au-Prince, le Stade Delmas 2 est occupé par deux mille sans-abris. Les gradins sont toujours là, à côté d’un grand bâtiment détruit. Sur ce qui reste de la pelouse, des bâches, des tentes, des feux de camp où les déplacés mangent, dorment, essaient de se laver, font leurs besoins, l’image habituelle des 400 camps improvisés que l’on rencontre dans toute la capitale. En une semaine, il n’y a eu qu’une distribution de nourriture et elle a failli tourner à la catastrophe quand un hélicoptère américain a largué de gros colis…sur le toit du bâtiment effondré. En quelques minutes, la foule a grimpé au sommet des ruines tremblantes et s’est rué sur les provisions. Évidemment, seuls les plus forts, certains armés de machettes, ont réussi à emporter leur colis.
Plus grave : les pillards qui fouillent les décombres du quartier commerçant de la capitale n’emportent plus seulement quelques radios, une télé, un sac à dos, une caisse de bouteilles, un sac de farine…bref, de quoi survivre ou revendre à même la rue. Désormais, les hommes arrachent et enlèvent aussi des plaques de tôle, de madriers, un bout de cloison. Quatre poutres, un toit de tôle ondulée, parfois un bout de moquette : tout le stade Delmas commence à s’édifier de ces bicoques branlantes. Les réfugiés, désespérés, privés jusqu’à maintenant d’aide et de perspective, font ce qu’ils savent faire : construire un bidonville pour se protéger de la pluie, du vent, du soleil brûlant. Le danger est de voir ces campements « temporaires » se transformer en bidonvilles permanents, sans compter qu’il sera ensuite très difficile de déloger ces miséreux pour les envoyer vers un véritable camp d’hébergement. Et la capitale Port-au-Prince asphyxiée par ces îlots de misère.
Dans un coin du stade, une famille fait griller un chat sur un feu de bois. L’animal est capturé dans les rues voisines, grillé, débarrassé de sa fourrure et mangé sans autre préparation. Un chat attrapé par jour, c’est deux repas pour une journée pour toute la famille. Et il faut survivre. Dans les rues de Port-au-Prince, des panneaux collés sur les ruines répètent ce que les gens de la rue vous disent : « Nous avons faim ! »
L’aide est arrivée sur l’aéroport. Il faut maintenant la répartir dans les dépôts, l’acheminer par camions, sécuriser la distribution. C’est l’armée américaine qui s’en charge, la tâche logistique est énorme. Mais il faut faire vite, très vite. La chaleur, le froid de la nuit, le manque d’eau potable ou la pluie qui peut tout transformer en bourbier, et surtout la faim ! Ajouté à cela le sentiment d’abandon, le trauma du séisme, tout peut porter au désespoir, à la colère, à la violence, à l’émeute. Nous sommes au 12ème jour après le tremblement de terre. Il y a un million de sans-abris dans la ville. La course contre la montre est une course pour la vie. Et la dignité.
Dans leurs camps transformés en bidonvilles, les réfugiés du stade Delmas ne peuvent pas être longtemps condamnés à manger les chats errants.
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