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L’Edito : « L’Arabie en guerre contre l’image », par Philippe Rochot.

Edito publié le 03/11/2015 | par Philippe Rochot

« Si vous êtes en face d’une image, il faut la détruire » disait Ibn Abd-el Wahhab, fondateur de la doctrine qui cimente aujourd’hui encore l’unité des tribus d’Arabie. Ce vieux précepte est resté vivant: pas de portraits du roi dans les rues du royaume, jamais de représentation du prophète et une méfiance extrême face à l’objectif.

En voulant fixer la vie des saoudiens dans les années 1970, je me suis souvent heurté à la police religieuse. A plusieurs reprises j’ai été dénoncé et convoqué au ministère de l‘information. Pour réaliser mes portraits de bédouines du Hedjaz, j’ai dû attendre que les hommes soient partis pour me retrouver face à ces femmes au masque de cuir qui m’ont pourtant fait bon accueil. Hélas, les maris, rentrés plus tôt que prévu, voulaient « me conduire chez l’émir ». Je n’ai dû mon salut qu’à ma rapidité à la course.

En 1975, le roi Fayçal fut assassiné par un neveu voulant venger la mort d’un frère abattu lors d’une manifestation d’intégristes opposés à l’introduction de la télévision. Aujourd’hui, les appels à la prière sont diffusés cinq fois par jour et le pèlerinage à la Mecque tourne en boucle sur les chaines. Equipes télé et photographes étrangers sont autorisés, à condition toutefois d’être musulmans. Un panneau invite d’ailleurs les non-musulmans à contourner la cité sainte par une route surnommée…« la route des chiens ».

Les pistes du désert sont désormais ouvertes aux touristes qui veulent photographier les sites nabatéens du Hedjaz, témoins d’une culture antérieure à l’islam, lieux maudits autrefois strictement interdits. La princesse Reem, petite fille du roi Fayçal expose en Europe et aux Etats-Unis ses photos inspirées de thèmes religieux. Mais la guerre à l’image continue. Les partisans du wahabisme restent en embuscade.

P.R



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