Liban : quand Israël fait la guerre contre l’ONU
Déjà, en 2006, au Liban, l’armée israélienne avait délibérément bombardé un camp de l’ONU, tuant quatre observateurs
La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) a toujours été considérée par les Israéliens comme une gêne sur leur chemin vers le Liban et comme un écran derrière lequel se cacherait le Hezbollah. Harcelés aujourd’hui, les Casques bleus l’étaient déjà hier. Pour Israël, la présence de la milice chiite et ses tirs permanents de missiles contre le nord d’Israël consacrent l’échec de la mission des soldats de l’ONU. Depuis son déploiement, la Finul aurait été incapable de faire respecter la résolution 1701 des Nations unies qui stipulait, entre autres, qu’aucune force étrangère ne pouvait pénétrer au Liban sans l’accord du gouvernement du pays, et cela depuis 1978, date de la première invasion du sud du pays du Cèdre par Tsahal.
Aujourd’hui, la tension est à son comble. En une semaine, cinq soldats onusiens ont été blessés par des tirs israéliens. Le quartier général de la Finul a été bombardé deux fois. Dans la nuit du samedi 12 octobre au dimanche 13, deux chars de Tsahal ont pénétré dans la base de Ramyah. Les Casques bleus n’osent plus sortir de leurs campements. Israël ne souhaite qu’une chose : les obliger à se retirer. Pour le moment, il ne semble pas en être question. D’autant plus que la situation n’est pas nouvelle. Le 25 juillet 2006, lors de l’incursion des troupes israéliennes au Liban à la suite d’attaques sur le territoire hébreu, la Finul est attaquée. Quatre observateurs militaires de l’ONU sont tués lors d’un raid aérien de l’aviation israélienne.
À New York, au siège de l’organisation internationale, la porte-parole de l’ONU, Marie Okabe, confirme leur décès. Une bombe est tombée sur leur abri dans la région de Khiam. Quatorze tirs ont été observés de la part de Tsahal à proximité de cette position de l’ONU. Ils se sont poursuivis pendant les opérations de secours pour tenter de sauver les observateurs ensevelis sous les décombres. Les quatre soldats tués étaient de nationalité autrichienne, canadienne, finlandaise et chinoise. Les Chinois ont exigé des excuses et convoqué l’ambassadeur d’Israël à Pékin. Le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan, a laissé entendre que les Israéliens auraient délibérément pris pour cible le poste d’observation de la Finul.
Les Israéliens se défendent avec véhémence. L’ambassadeur d’Israël à l’ONU déclare : « Je suis surpris par ces affirmations prématurées et erronées du secrétaire général qui, tout en demandant une enquête, livre déjà ses conclusions. » Pour autant, les tirs contre la Finul ne cessent pas. Un char ouvre le feu sur une position de la force internationale et blesse quatre soldats ghanéens. Des éclats d’obus atteignent un soldat indien. Un observateur italien est à son tour touché. L’État hébreu a pourtant exprimé ses « profonds regrets » pour la « mort tragique » des quatre observateurs. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères hébreu assure : « Nous ne prenons pas pour cible le personnel des Nations unies et, depuis le début de ce conflit, nous nous sommes constamment employés à garantir la sécurité de tous les membres de la Finul. » Raté.
Le conflit va durer 33 jours. À bien des égards, l’opération « Juste Rétribution » menée par l’armée israélienne sera un échec. Tsahal perd beaucoup de son prestige auprès de la population israélienne. Le Hezbollah a résisté. Il deviendra une force armée puissante et un parti politique omniprésent au Liban.
Dix-huit ans plus tard, Israël et son armée espèrent sans doute prendre leur revanche de 2006 sans tenir compte des mises en garde de l’ONU. Netanyahou considère l’ONU comme une organisation anti-sioniste, donc antisémite. Et la réprobation générale de la communauté internationale aurait plutôt tendance à le convaincre qu’il a raison…
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