Qui a vraiment créé l’État d’Israël ?
L’ONU a fourni un cadre juridique. Mais l’État hébreu considère qu’il ne doit son existence qu’à lui-même
Il a fallu qu’Emmanuel Macron démente sans vraiment démentir. Sa déclaration en Conseil des ministres attribuant la création de l’État d’Israël à l’ONU avait provoqué la colère de Netanyahou ainsi que de nombreuses réactions d’incompréhension, notamment au sein de la communauté juive française. Jeudi soir 17 octobre, à Bruxelles, le chef de l’État, visage fermé, s’en est pris aux ministres, aux journalistes et aux commentateurs qui traitent l’information « sans précaution », accusant le « manque de professionnalisme » des uns et des autres, et précisant qu’il n’avait pas besoin de « ventriloques ». Cependant, il n’a pas véritablement démenti les propos dont « Le Parisien libéré » affirme l’authenticité. Cette approximation historique a provoqué une polémique et des tensions diplomatiques.
Mais qui a créé Israël ? La réponse nécessite de revenir près de 80 ans en arrière. Six millions de Juifs ont été exterminés en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les rescapés se tournent vers la Palestine, alors sous mandat britannique. Le Royaume-Uni tente de limiter l’immigration. Les troubles sont incessants, et les affrontements entre Arabes et Juifs sont permanents. Le 22 juillet 1946, l’organisation nationaliste juive Irgoun fait sauter les bureaux du gouvernement britannique installés dans l’hôtel King David, causant 91 morts.
En juillet 1947, la Royal Navy intercepte le navire « Exodus », qui transporte 4 500 rescapés de la Shoah. Les passagers sont débarqués en Allemagne, à Hambourg.Les Britanniques refoulent 50 000 immigrants juifs et les parquent dans des camps, une solution désastreuse pour l’image de la couronne britannique. Face à cette situation, le Royaume-Uni décide de renoncer, et l’ONU, à peine créée, hérite du problème. Le 29 novembre 1947, le Comité spécial des Nations unies pour la Palestine présente un plan de partage de ce territoire, approuvé par l’Assemblée générale par le vote de la résolution 181. La France, après des hésitations, vote en faveur de ce plan, craignant des réactions négatives de la population arabe en Afrique du Nord. Cependant, les pressions de Washington sur Paris, ainsi que l’intervention des socialistes Léon Blum et Jules Moch auprès du président Vincent Auriol et du ministre des Affaires étrangères Georges Bidault, contribuent à ce vote favorable.
Selon ce plan, 56 % du territoire sous mandat britannique, y compris le désert du Néguev, devait être attribué à l’État juif, et 42 % à un État arabe. Jérusalem devait rester sous mandat international. Le plan visait à éviter des déplacements de population. Les représentants de la communauté juive acceptèrent cette partition, à l’exception des sionistes de droite de l’Irgoun et du Lehi, qui revendiquaient la totalité de la Palestine. Les Arabes palestiniens et les États arabes rejetèrent également le plan, réclamant eux aussi l’intégralité du territoire. La guerre civile éclata aussitôt. En janvier 1948, on dénombrait 1 067 Arabes, 769 Juifs et 123 Britanniques tués.
Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama la naissance de l’État juif, marquant le début de la guerre israélo-arabe de 1948-1949. Au terme des combats, Israël contrôlait 78 % de l’ancienne Palestine sous mandat britannique et avait annexé Jérusalem-Ouest. La Jordanie s’était emparée de la Cisjordanie. L’idée d’un État arabe palestinien fut abandonnée. Le peuplement de la région fut profondément bouleversé, avec 720 000 Arabes palestiniens sur les 900 000 qui vivaient dans ce qui est devenu Israël ayant fui, un exode connu sous le nom de « Nakba » (la catastrophe) dans la mémoire palestinienne. D’autres furent expulsés, et 400 villages furent vidés de leurs habitants. Les villes de Haïfa, Jaffa, Tibériade et Acre perdirent 90 % de leur population arabe. Par ailleurs, 500 000 Juifs vivant dans les pays arabes rejoignirent Israël.
L’ONU a fourni à Israël la possibilité d’une existence juridique du point de vue du droit international. Mais l’État hébreu a imposé ses frontières par la force, même si Ben Gourion refusa que la ligne de cessez-le-feu de 1949 définisse les limites du nouvel État. Les guerres suivantes et les implantations de colons en Cisjordanie montrèrent la volonté israélienne d’étendre son territoire. Dès sa naissance, Israël a dû défendre son existence contestée par ses voisins. Pour les Israéliens, l’État hébreu a imposé, seul, son droit à exister au monde et à une communauté internationale qui n’avait pas su éviter l’Holocauste. Un aspect historique crucial qu’Emmanuel Macron n’a pas su prendre en compte.
TOUS DROITS RESERVES