Mathias Döpfner, l’ami allemand d’Elon Musk

Une chronique controversée dans « Die Welt »

À la fin de 2024, « Die Welt », quotidien conservateur allemand appartenant au groupe Axel Springer, a publié une chronique signée Elon Musk. Le milliardaire américain y appelait les citoyens allemands à voter pour le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) lors des législatives de février 2025. La chronique a provoqué un tollé en Allemagne et au-delà.

Peu après, Elon Musk, déjà soupçonné d’avoir fait un salut nazi lors d’un événement, est intervenu par vidéo pour soutenir un meeting de l’AfD. Cette ingérence manifeste a suscité l’indignation dans toute l’Europe.

À l’intérieur de la rédaction de « Die Welt », les tensions sont montées. Eva Marie Kogel, responsable de la rubrique Opinion, a démissionné. Le prestigieux hebdomadaire « Der Spiegel » a mené l’enquête, dévoilant un jeu trouble entre les dirigeants de la rédaction et Mathias Döpfner, PDG d’Axel Springer.

De la musique à la direction de Die Welt…un parcours impressionnant

Mathias Döpfner, né en 1963 à Offenbach-sur-le-Main, a grandi dans une famille intellectuelle : son père était professeur d’architecture, et sa mère, femme au foyer. Passionné de musique, il obtient en 1990 un doctorat en musicologie à l’université de Francfort. Sa carrière journalistique débute comme critique musical pour le « Frankfurter Allgemeine Zeitung ».

En 1998, il devient rédacteur en chef de « Die Welt » et, trois ans plus tard, PDG du groupe Axel Springer. Sous sa direction, le groupe se digitalise, augmentant considérablement son chiffre d’affaires. Friede Springer, veuve du fondateur du groupe, lui cède progressivement ses parts : en 2020, elle lui vend 4,1 % des actions et lui en offre 15 %. Döpfner finit par détenir 22 % du groupe.

Stratégie d’influence sans complexes

Début 2024, Döpfner vend au fonds américain KKR des activités comme SeLoger.com ou LaCentrale.fr, tout en conservant les médias influents du groupe : le tabloïd « Bild », le quotidien « Die Welt », ainsi que les plateformes américaines « Politico » et « Business Insider ». Il semble animé par des ambitions dépassant le cadre économique.

En 2023, des e-mails révélés par « Die Zeit » et analysés par la « Süddeutsche Zeitung » montrent un Döpfner partisan de Trump, proche de Peter Thiel, et critique des élites. Ces e-mails révèlent également son mépris pour les normes journalistiques, voyant « Bild » comme un outil politique. Döpfner aurait demandé en 2021 à soutenir le Parti libéral allemand dans « Bild ».

Elon Musk qualifié de « plus grand visionnaire de la planète » 

Mathias Döpfner ne cache pas ses opinions clivantes : critique des « musulmans intolérants », il se définit comme « sioniste non-juif », décrit les habitants de l’Est allemand comme « communistes » ou « fascistes », et minimise la gravité du Covid-19. Il milite également pour une liberté d’expression totale sur les réseaux sociaux, sans aucune régulation.

En 2022, il interviewe Elon Musk, qu’il qualifie de « plus grand visionnaire de la planète », et lui conseille de racheter Twitter. Leur proximité se confirme lors du 60e anniversaire de Döpfner, célébré discrètement en Italie en 2023, où Musk aurait été invité, aux côtés d’Eva Vlaardingerbroek, une militante d’extrême droite.

Des listes pour une future purge…

La publication de la chronique de Musk a exacerbé les tensions au sein de « Die Welt ». La direction du journal rejette les critiques, accusant ses détracteurs d’être des ennemis de l’État libéral. Certains membres du personnel redoutent des purges dans les rédactions. Le soutien explicite de Musk à l’AfD, perçu comme une menace par les « puissances mondialistes », alimente les débats en Allemagne. Dans ce contexte, le rôle de Mathias Döpfner comme acteur politique autant qu’économique est plus scruté que jamais.