Peter Thiel, l’arme d’Internet contre la démocratie
Ce magnat de la Silicon Valley, conseiller influent du trumpisme, complotiste et adepte des thèses les plus radicales de l’extrême droite, rêve de la fin de la démocratie

« Je ne crois plus que la liberté et la démocratie soient compatibles »
Dans un article publié en 2009 intitulé L’éducation d’un libertarien, il écrit : « Je ne crois plus que la liberté et la démocratie soient compatibles. » Plus loin, il ajoute : « Je reste attaché, depuis mon adolescence, à l’idée que la liberté humaine authentique est une condition sine qua non du bien absolu. »
Peter Thiel, brillant homme d’affaires américain d’origine allemande, démontre que les qualités intellectuelles qui prévalent à une réussite incontestable dans les affaires ne sont pas forcément celles requises pour manier les concepts de philosophie politique. Cette remarque vaut également pour Elon Musk. Ces milliardaires sont surtout préoccupés par l’imposition de leur conception de la liberté à leurs contemporains. Une liberté qui ne s’arrête sûrement pas là où commence celle des autres. Une liberté exclusivement au service de leur formidable ego et de leurs intérêts considérables.
Le créateur de PayPal
Peter Andreas Thiel est né il y a 57 ans à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne. Il a à peine un an lorsque sa famille émigre aux États-Unis. Il est diplômé de l’école de droit de Stanford, fait un passage dans le monde judiciaire, et crée en 1996 le Thiel Capital Management, un fonds d’investissement. Coup de génie : en 1999, il fonde avec Max Levchin le système de paiement électronique PayPal, qui joue un rôle majeur dans le développement du commerce électronique. Thiel et ses associés revendent l’entreprise trois ans plus tard à eBay pour 1,5 milliard de dollars. Ses 7 % du capital lui permettent d’empocher 55 millions de dollars. Aussitôt, il crée un autre fonds : Clarium.
Il rencontre Mark Zuckerberg, lui prête de l’argent pour fonder Facebook. Ses convictions ne sont jamais très éloignées de la nature de ses investissements. Il espère que le réseau social permettra de créer « des communautés spontanées hors des États-nations traditionnels. »
Un partisan de la high-tech pour favoriser la fin de la démocratie libérale
Thiel investit dans des projets divers tels que LinkedIn, des éditeurs de logiciels, des jeux… Il vend ses actions pour 400 millions de dollars et crée une fondation qui travaille sur l’évolution des technologies. Toujours avec l’idée que la high-tech peut favoriser la fin de la démocratie libérale, qui selon lui a fait son temps. Dès 2008, il soutient Ron Paul, candidat libertarien aux primaires républicaines. En 2014, il dénonce une pierre angulaire du libéralisme économique, la concurrence, pour prôner « les monopoles créatifs ».
Il se projette bien au-delà du libertarianisme. En 2016, ce magnat de la Silicon Valley soutient Donald Trump et devient, après l’élection de ce dernier, un de ses proches conseillers. L’homme d’affaires ne cesse de se radicaliser. Il participe au congrès de la Property and Freedom Society, une organisation néonazie. Désormais, il apparaît comme une figure du mouvement national-conservateur américain, le socle idéologique du trumpisme. Cela ne l’empêche pas de traîner quelques casseroles. Le site Business Insider révèle qu’il était également informateur du FBI.
Supprimer la Constitution des États-Unis
On comprend l’intérêt que lui portent les services de sécurité intérieure des États-Unis lorsqu’on observe quelle sorte de « penseur » cet homme d’influence des milieux républicains fréquente. Il s’est rapproché de Curtis Yarvin, idéologue d’extrême droite du mouvement néoréactionnaire, qui prône une planète divisée en cités-États techno-autoritaires peuplées de citoyens privés de liberté d’expression, mais libres de déménager d’une cité à l’autre. Les cités, trop arbitraires avec leurs populations, voient leur population diminuer et font faillite… Yarvin veut supprimer la Constitution des États-Unis.
Ses idées ont intéressé Steve Bannon, ex-conseiller d’extrême droite de Trump, mais aussi Tucker Carlson, ex-journaliste de Fox News et vedette des réseaux ultra-nationalistes américains, sans compter James David Vance, l’actuel vice-président des États-Unis. Or, c’est Peter Thiel qui a financé la carrière politique de ce dernier et l’a fortement recommandé à Trump.
Un complotiste en guerre contre « l’État profond »
Son homosexualité affichée – il a épousé un de ses associés – ne semble pas le gêner dans des milieux où pourtant ce type de préférence sexuelle est peu toléré. Son statut d’intellectuel à Stanford, où il a étudié la philosophie avant de s’intéresser au droit, ses choix originaux, pour les crypto-monnaies « libertariennes », contre l’intelligence artificielle « communiste », jusqu’à ses délires complotistes, impressionne l’extrême droite américaine.
Récemment, il a assuré que, grâce à Trump, la vérité sur l’assassinat de Kennedy ou l’affaire Epstein serait connue, tout comme le rôle des laboratoires pharmaceutiques dans la création de la Covid-19. Selon Thiel, seules ses « vérités » permettront de mettre à jour les complots de « l’État profond » qui gouverne depuis si longtemps l’Amérique. Trump s’est empressé de déclassifier les archives de l’affaire Kennedy, preuve de l’influence de Thiel.
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