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JD Vance, l’homme qui veut détruire la démocratie

publié le 17/02/2025 par Pierre Feydel

Au nom de la liberté d’expression, le vice-président des Etats-Unis condamne les élites européennes qui osent faire barrage aux mouvements d’extrême droite

Un défenseur de l’extrême-droite européenne

À Munich, on devait parler de l’Ukraine. Il en a été bien peu question. Plutôt que de proposer des idées claires quant aux négociations avec la Russie, le vice-président des États-Unis a préféré, le 14 février, par un long discours, donner une leçon de démocratie aux Européens, leur reprochant un recul en matière de liberté d’expression. En réalité, il s’agissait surtout de défendre les extrêmes droites européennes, en particulier l’AfD allemande, à un peu plus d’une semaine des élections législatives en République fédérale. Une ingérence inadmissible pour les autorités allemandes. D’autant que JD Vance (*) rencontrait Alice Weidel, la leader du parti nationaliste, snobait Olaf Scholz, encore chancelier pour quelques jours, et adjurait les démocrates-chrétiens de faire alliance avec l’AfD.

(*) Ne pas confondre avec Cyrus Roberts Vance, homme politique américain. Membre du Parti démocrate, secrétaire d’État des États-Unis entre 1977 et 1980 sous le président Jimmy Carter

Un mépris affiché pour les démocraties en Europe

Le discours du vice-président américain transpirait le mépris et la condescendance pour ces démocraties européennes qui osent dresser des barrières à l’accès au pouvoir des partis d’extrême droite. En réalité, une stratégie de soutien à tous ceux qui, à l’intérieur de l’Europe, s’opposent à l’Union européenne et une volonté, à l’égal de celle de Poutine, d’affaiblir, sinon de détruire l’UE. Sa leçon de liberté d’expression laisse songeur de la part d’une administration qui interdit à l’un de ses plus importants médias, l’agence Associated Press, l’accréditation à la Maison-Blanche sous prétexte que, dans ses dépêches, elle se refuse à débaptiser le golfe du Mexique en golfe d’Amérique. JD Vance, dont les remarques sur la liberté d’expression en Europe ont été reprises par Trump, n’a fait que relayer des idées évoquées par Elon Musk.

De l’Ohio au sommet de l’état

Mais qui est ce personnage qui se permet de donner des leçons de démocratie à des pays qui ont subi l’occupation nazie, l’oppression communiste et savent, eux, le prix de la liberté ? James David Vance est né il y a 40 ans dans l’Ohio. Il s’appelait alors James Donald Bowman. Il est élevé par ses grands-parents. Sa mère, violente et droguée, divorce à plusieurs reprises. Après son diplôme d’études secondaires, il s’engage dans les Marines de 2003 à 2007. Il y sert dans les services de communication, y compris en Irak. À sa démobilisation, il entre à l’université de l’Ohio dont il sort avec un diplôme de sciences politiques et de philosophie en 2009.

Hillbilly, le péquenaud, le plouc inculte , le déclassé

Quatre ans plus tard, il obtient son doctorat de la faculté de droit de l’université Yale. Il prend son nom actuel et épouse Usha Chilukuri, une avocate d’origine indienne avec laquelle il aura trois enfants. Sa carrière sera d’abord juridique et financière. Investisseur en capital-risque, il se spécialise dans le secteur de la high-tech et croise Peter Thiel, magnat libertarien de la Silicon Valley qui va le soutenir financièrement. Dans la galaxie Trump, pas d’avenir sans commencer par faire de l’argent. Mais c’est un livre qui va le propulser sur le devant de la scène. Hillbilly Élégie sort en 2016. Hillbilly, c’est le péquenaud, le plouc inculte et déclassé. C’est presque une autobiographie qui plonge le lecteur au cœur des régions déshéritées des Appalaches, de cette Rust Belt, de cette « ceinture de rouille », ces anciennes régions industrielles du nord-est du pays où règnent pauvreté, chômage, addiction aux drogues et haine des élites. C’est l’un des terreaux sur lequel le populisme trumpien va prospérer.

Son livre vendu à 1 million d’exemplaires

Le livre se vend à plus d’un million d’exemplaires. Il figure dans la liste des best-sellers du New York Times. Catho ultra-conservateur, masculiniste, opposé à la lutte contre les discriminations, anti-avortement, anti-transition de genre…. Second événement clé dans l’évolution de JD Vance : sa conversion au catholicisme. Après son passage en Irak, il penche vers l’athéisme, mais y voit un renoncement aux valeurs conservatrices religieuses de ses origines familiales. Il cherche un ancrage spirituel. Peter Thiel, l’un de ses mentors, est catholique. Ayant rejoint l’Église romaine, le futur vice-président se rapproche de penseurs catholiques ultra-conservateurs tels que le philosophe Patrick Deneen, qui souhaite le remplacement de la démocratie par un régime illibéral. Dès lors, il se constitue un arsenal idéologique très à droite en matière sociétale : masculiniste, opposé à la lutte contre les discriminations, anti-avortement, anti-transition de genre, etc.

« Je me moque de ce qui arrivera à l’Ukraine »

Bien sûr, il s’affirme comme un ennemi farouche du « wokisme ». Mais il n’oublie pas non plus d’affirmer son isolationnisme et son opposition à toute intervention américaine à l’étranger. En février 2022, quelques jours avant l’invasion russe, il lâche : « Je me moque de ce qui arrivera à l’Ukraine. » JD Vance se présente d’abord comme un républicain conservateur assez opposé à Donald Trump. Il tient même des propos franchement désagréables sur son futur colistier. En 2016, il le traite de « trou du cul cynique comme Nixon ». Il va même jusqu’à le qualifier d’« Hitler américain ». Il assure même se résigner à voter pour Hillary Clinton.

Huit ans plus tard, il a retourné sa veste. En 2022, il est élu sénateur de l’Ohio et ne tarit pas d’éloges sur Trump. Le leader du parti républicain ne se fait aucune illusion sur ce virage à 180 degrés.

Trump : « Vance est un patriote qui me lèche le cul »

L’ex-futur président Trump estime que JD Vance, après sa victoire, est un « incroyable patriote », tout en notant qu’il « lui lèche le cul » pour bénéficier de son soutien. Ce venimeux hommage rendu à l’opportunisme du sénateur de l’Ohio ne l’empêchera pas d’être choisi comme candidat à la vice-présidence par Trump après de nombreuses pressions de grands patrons et de caciques républicains en sa faveur.

Le possible successeur de Donald Trump

Aujourd’hui, il illustre parfaitement cette extrême droite américaine qui pense que la démocratie libérale, avec ses contre-pouvoirs, est un frein à la liberté. Comme si détruire la démocratie n’était pas aussi détruire la liberté, comme si la liberté ne se définissait pas aussi par les limites qu’elle se fixe à elle-même. Quoi qu’il en soit, certains voient en JD Vance un possible successeur de Donald Trump.


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