JD Vance, le vice-molosse de Trump
Comment, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le vice-président américain, hargneux et outrepassant son rôle, s’en est pris violemment à Zelensky

Un air de mafia dans le Bureau ovale
Était-ce une scène du Parrain 4 ? Don Corleone expliquant à son interlocuteur : « Si tu ne paies pas, on ne te protégera pas. » Le porte-flingue, lui, s’emportant contre un malheureux osant considérer sans enthousiasme une offre qu’il ne devrait pas pouvoir refuser. Ce sbire voyant dans cette attitude une forme inacceptable d’irrespect et, du coup, agitant insultes et menaces à peine voilées.
Dans le Bureau ovale, vendredi 28 février, le président des États-Unis, Donald Trump, et son vice-président, JD Vance, ont joué une scène de vie mafieuse face à Volodymyr Zelensky, impuissant. L’accord sur l’exploitation des terres rares ukrainiennes a brutalement pris l’allure d’un racket en bonne et due forme. On pourrait poursuivre la métaphore cinématographique, se remémorer ces westerns-spaghettis et leurs archétypes : le bon, Zelensky, la brute, Vance, et le truand, Trump. Cela pourrait être grotesque si ce n’était pas tragique.
« Je me moque de ce qui arrivera à l’Ukraine »
Car le plus venimeux dans cet échange houleux a bien été JD Vance, le vice-président. Que faisait-il là, lui qui, juste avant l’invasion de 2022, déclarait : « Je me moque de ce qui arrivera à l’Ukraine » ? La plupart des vice-présidents américains avaient jusqu’alors des rôles discrets, sinon effacés. Celui-là, en revanche, est bien présent, notamment pour jouer les exécuteurs : que ce soit en condamnant les démocraties libérales européennes et leur conception de la liberté d’expression ou en accusant le président ukrainien de n’avoir jamais remercié les États-Unis pour leur aide.
Ce qui est faux. Zelensky a abondamment manifesté sa gratitude envers Joe Biden. Qu’il ait été plus réservé envers Trump, qui menace de lui couper toute aide et de livrer son pays pieds et poings liés à l’ogre russe, on peut le comprendre. Faut-il dire merci à celui qui vous trahit ? Une question qui échappe à Vance.
L’insulte aux combattants ukrainiens
Mais il y a pire. Quand le vice-président apostrophe Zelensky en affirmant : « Vous forcez les conscrits à rejoindre les lignes de front parce que vous avez des problèmes d’effectifs », il insulte les combattants ukrainiens, pour la plupart volontaires. Ses propos ont été très mal reçus sur le front et d’une manière générale en Ukraine, où le président a été pris au piège. Ni le vice-président ni le président ne semblent comprendre que l’Ukraine est un pays en guerre. Pourtant, Vance a servi en Irak, un fait dont il se vante souvent. Mais il y était affecté comme officier des services d’information des Marines : il n’a jamais combattu. Son mépris pour les sacrifices consentis par les soldats et les civils ukrainiens est manifeste.

à Washington, le 28 février 2025 AFP SAUL LOEB
« Nazi », « N’as-tu pas honte ? », « Traître », ou encore « Va skier en Russie! »
Le clash du Bureau ovale n’a semble-t-il pas forcément servi Donald Trump et son entourage sur le plan intérieur. Les trumpistes condamnent Zelensky, les anti-trumpistes s’en prennent à Trump et Vance. Rien de nouveau, si ce n’est une radicalisation supplémentaire des deux camps sur la question ukrainienne – encore faut-il que celle-ci intéresse réellement les citoyens américains.
Il y a tout de même eu quelques manifestations hostiles. Le week-end de la famille Vance a été mouvementé. Parti faire du ski avec sa femme et ses trois enfants à Waitsfield, dans le Vermont, le vice-président a été violemment pris à partie par quelques centaines de manifestants. Tout au long de la route menant à la station de sports d’hiver, JD Vance a dû affronter des panneaux et des slogans hostiles. On pouvait lire et entendre : « Nazi », « N’as-tu pas honte ? », « Traître », ou encore « Va skier en Russie ! » À propos du clash du Bureau ovale, une manifestante a clairement déclaré : « Je pense que Vance a dépassé les bornes. »
il espère succéder un jour à Trump. Alors, il aboie. Et parfois, il mord.
Le vice-président a évité tout contact avec ses contradicteurs. Il avait loué un chalet luxueux, mais a dû quitter les lieux pour se réfugier dans un endroit resté secret. D’autres manifestations ont eu lieu dans plusieurs grandes villes américaines : Boston, New York, Los Angeles. Le slogan MAGA (Make America Great Again) a été détourné en Making America Greatly Ashamed (« Rendre l’Amérique profondément honteuse »). De nombreux médias ont qualifié Vance de « chien d’attaque » de Trump. Ce rôle de molosse idéologique, le vice-président l’endosse avec un zèle qui laisse peu de doute : il espère succéder un jour à Trump. Alors, il aboie. Et parfois, il mord.
Par Pierre Feydel

📢 Abonnez-vous à la Newsletter de Grands Reporters !
Vous aimez le grand reportage, l’actualité du monde, ? Recevez chaque semaine une sélection d’articles de terrain, sans intrusion, sans engagement, et sans formulaire de renseignements.
✅ Adhésion immédiate et gratuite
✅ Un simple nom et une adresse e-mail suffisent
✅ Accès à plus de 3 000 articles, d’enquêtes, de reportages
Et recevez la NL hebdomadaire avec l’édito de grands-reporters et les articles les plus lus de la semaine
📩 Inscription en un clic ! Il vous suffit de cliquer sur le pavé jaune « La newsletter – Abonnez-vous » en haut à droite de la page d’acccueil.
📰 Rejoignez la communauté des passionnés du grand reportage dès maintenant !
Tous droits réservés "grands-reporters.com"