2/ Mexique : Alondra de la Parra, éblouissante « Maestra »!
Dans l’univers très masculin de la direction d’orchestre, elles sont de plus en plus à manier la baguette. Exemple
Elles ne seraient que 3 à 5 % à diriger un orchestre dans le monde. Les plus célèbres d’entre elles se comptent aujourd’hui à peine sur les doigts des deux mains, comme si le métier, la fonction, ne pouvait être dévolu qu’à une autorité exclusivement masculine. Devenir cheffe d’orchestre nécessite pour une femme encore plus de talent et de détermination que pour un homme. Bien sûr, leur nombre augmente à travers le monde, mais on est très loin d’une quelconque parité. Alondra de la Parra est l’une des plus jeunes. Née à New York il y a 44 ans, elle a grandi à Mexico. Elle commence le piano à 7 ans, puis passe au violoncelle à 13.
À la Manhattan School of Music, elle a comme professeur l’immense chef allemand Kurt Masur. Elle raconte : « Après de multiples heures de cours et de master classes, je lui ai demandé un jour quelle qualité je devais développer. » Le maître répond : « Être forte, être forte, mon amie. » Il ajoute : « Si vous n’êtes pas forte dans cette profession, alors vous le devenez. » Et il conclut : « Si vous voulez être aimée, vous devez choisir une autre voie. » Voilà prévenue, celle qui se disait : « Si je ne suis pas un vieil homme avec des cheveux blancs, je ne pourrai pas être cheffe d’orchestre. » Les conseils de celui qui a dirigé les plus grandes formations en Europe et en Amérique lui ont permis, semble-t-il, de surmonter toutes ses appréhensions.
À 24 ans, elle est la première à conduire à New York un orchestre de 65 musiciens. Avant même d’obtenir son master, elle fonde l’Orchestre philharmonique des Amériques pour promouvoir la musique mexicaine. Son premier enregistrement devient disque de platine en deux mois. Sa carrière commence. Dès lors, elle ne cessera de se faire connaître, de multiplier les succès, de prendre la direction d’ensembles musicaux parmi les plus prestigieux. En 2016, à Alfortville, non loin de Paris, avec l’Orchestre national d’Île-de-France, elle interprète Saint-Saëns, Ravel, et des compositeurs sud-américains. Son concert tient les promesses de l’affiche, celle d’un « feu latin » pétillant, enjoué. Elle n’est pas une inconnue en France, où déjà, elle a été remarquée à la tête des orchestres philharmoniques de Bordeaux, Toulouse, Lyon, et Paris. Elle revient alors d’un tour du monde. Déjà, elle a dirigé plus de 70 formations sur tous les continents.
Aujourd’hui, la cheffe d’orchestre américano-mexicaine est l’une des plus célèbres de sa génération, encensée par la critique qui loue sa parfaite maîtrise de la musique, son charisme, son imagination, et la liberté qu’elle laisse aux musiciens. De plus, elle attire un public jeune et diversifié qui régénère agréablement celui, plus conventionnel, parfois compassé, de la musique classique. Elle explique son choix de la direction par son besoin des autres, de confronter ses émotions et ses conceptions avec celles d’autres musiciens. « Pour perfectionner votre technique au piano, vous devez passer des heures seule dans une pièce. Moi, je préfère être avec les autres. Au défi de jouer avec les seules touches d’un instrument dont la réaction est prévisible, je préfère celui du travail avec les musiciens qui ont chacun leur personnalité », confie-t-elle.
Ce goût de l’échange, à l’opposé de l’autoritarisme d’un Karajan, a sans doute été un des moteurs de sa carrière époustouflante. En 2024, elle est nommée cheffe d’orchestre et directrice artistique de l’Orchestre et Chœur de la Communauté de Madrid. Pendant la saison 2022-2023, elle dirige un cycle Brahms avec l’Orchestre symphonique de Munich, et conduit ceux de Milan, de la Radio suédoise, de la RAI, de la Suisse romande… Alondra de la Parra est régulièrement invitée par la Royal Opera House de Londres. Elle habite Berlin et anime l’émission « Musica Maestra » sur Deutsche Welle, la radio internationale allemande. Non seulement elle pratique brillamment son art, mais elle en est aussi en permanence l’ambassadrice. Son formidable parcours ne peut qu’enthousiasmer toutes celles qui, de plus en plus nombreuses, espèrent marcher sur ses traces.
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