Pologne : Sławomir Mentzen, l’homme qui tient les clés de la présidentielle
Le petit Trump polonais a obtenu un quart des voix, une très mauvaise nouvelle pour les libéraux pro-européens

L’extrême droite sans limites
Le problème des extrêmes, est qu’elles ne semblent pas voir de limites. En Pologne, le PiS, le parti Droit et Justice, ultra-conservateur, paraissait incontournable sur sa droite. Le premier tour des élections présidentielles du dimanche 18 mai a révélé qu’il n’en était rien. Le maire libéral pro-européen de Varsovie est certes arrivé en tête avec 31,2 % des voix, talonné par le candidat du PiS, Karol Nawrocki, et ses 29,7 %.
Mais a surgi Sławomir Mentzen, leader de la Confédération, très trumpiste, très nationaliste, très libertarien, très anti-Union européenne, favori des électeurs les plus jeunes, qui a réuni 14,8 % des voix. Avec quelques autres candidats de petites formations, y compris l’un d’entre eux très antisémite, l’extrême droite atteint 21 %. Mauvaise nouvelle pour le regroupement partisan de l’actuel Premier ministre Donald Tusk : la Coalition civique.
Duda, le président conservateur qui bloque les lois
Car si le président de la République n’a pas d’énormes pouvoirs, il peut bloquer un certain nombre de décisions. C’est ce qu’a fait le sortant Andrzej Duda de Droit et Justice en empêchant le gouvernement de rétablir l’état de droit en Pologne. Aujourd’hui, c’est un homme qui déclarait en 2019 qu’il était contre les juifs, les homosexuels, l’avortement, les impôts, l’Union européenne qui peut apporter la victoire au camp nationaliste. Une enquête pour incitation à la haine avait alors été déclenchée contre lui.
Il a récemment refusé de dire s’il soutenait encore de telles opinions. Mais cela ne l’a pas pour autant fait taire. Il a par exemple multiplié les propos contre l’avortement en toutes circonstances, y compris le viol, qualifiant ce crime de « désagrément ». Énumérer les propos scandaleux du personnage pour l’oreille d’un démocrate européen est une facilité.
Mentzen, l’ascension fulgurante
Sławomir Mentzen est né en 1986 à Toruń, une ville sur la Vistule fondée par les Chevaliers teutoniques. Son grand-père était d’origine allemande. Nicolas Copernic est né dans cette cité commerciale de la Hanse, cette ligue de cités commerciales sur la côte sud de la Baltique. L’université locale porte son nom. Le jeune homme y décroche un diplôme d’économie et une licence de physique théorique. Il ouvre un bureau de change, de comptabilité, un magasin d’armes, produit de la bière artisanale. Les services de comptabilité se transforment en conseil fiscal. Mais la politique le taraude.
En 2022, le voilà président du parti Korwin fondé par un libéral-conservateur eurosceptique. Il renomme la formation Nouvel Espoir. En 2023, il est élu député dans la 10ᵉ circonscription à Varsovie. En 2024, la Confédération d’extrême droite le nomme candidat à la présidentielle. En quatre ans, le voilà devenu un homme-clé de la politique polonaise.`
La recette du dégagisme
À quoi doit-il cette ascension fulgurante ? Sans doute à un mouvement de dégagisme qui fait qu’une partie de l’électorat est lassée du face-à-face PiS contre libéraux. Sa jeunesse joue aussi indéniablement pour lui. Dans les foules qui se pressent à ses meetings, dominent les hommes de moins de 40 ans. Au-delà de son discours ultra-libéral : baisse des impôts, suppression des aides sociales aux réfugiés ukrainiens, fin de la gratuité des études supérieures, il attaque les partis au pouvoir et leur reproche de ne pas en avoir assez fait pour renforcer la défense polonaise face à la menace russe. Oubliant que l’effort de Varsovie en la matière est un des plus importants en Europe. Quant à Bruxelles, il l’accuse de vouloir remplacer le zloty par l’euro ou noyer la Pologne sous les migrants.
Six députés d’extrême-droite polonais au Parlement européen
Comme tous ceux de son espèce, Sławomir Mentzen s’embarrasse peu de véracité. L’essentiel est qu’il plaise à ceux qui l’écoutent. Bien entendu, le jeune leader de la Confédération s’est empressé de s’éloigner des plus excessifs de ses alliés. Par exemple du monarchiste Grzegorz Braun qui, en décembre 2023, avait vidé un extincteur sur un chandelier à neuf branches lors de la fête juive de Hanoucca, au sein même du parlement polonais. Cet antisémite énervé s’est, du coup, présenté au premier tour de la présidentielle contre Mentzen.
Mis à part ces navrantes péripéties, la progression de cette extrême extrême droite est significative en Pologne. En juin 2024, elle a envoyé six députés au Parlement européen de différents mini-partis. Trois d’entre eux sont inscrits au groupe «L’Europe des nations » aux côtés de l’AfD allemande. Deux autres ont rallié le groupe concurrent des « Patriotes pour l’Europe » et côtoient les élus du Rassemblement national. Le dernier est non-inscrit.
Et toujours, l’arme des réseaux sociaux
Admirateur de Donald Trump, Sławomir Mentzen, comme lui, adore les réseaux sociaux qui sont un de ses principaux moyens de communication. Cela contribue à sa popularité chez les plus jeunes et à l’essor de son électorat. Désormais, il risque de peser en Pologne et de contribuer à une affligeante régression nationaliste.
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