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Elon Musk, un splendide ratage

publié le 30/05/2025 par Pierre Feydel

Il ne fait pas bon être l’ami de Donald Trump. Le plus proche de lui a failli y perdre sa chemise

Une tronçonneuse et un symbole : le show grotesque à Washington

Le milliardaire n’a pas réduit le déficit budgétaire, mis à mal l’administration fédérale et mis en danger ses propres affaires. Difficile de faire mieux en quatre mois.

Elon Musk brandissait en hurlant une gigantesque tronçonneuse offerte par le président argentin Javier Milei, lui-même grand amateur de cet outil, symbole des coupes budgétaires drastiques. Cette scène grotesque avait lieu aux États-Unis, le 25 février dernier, à l’occasion de la grand-messe des conservateurs américains à Washington.

Le renoncement éclair : quatre mois et puis s’en va

Le milliardaire a abandonné, le 28 mai, ses fonctions auprès du président des États-Unis. Il a renoncé à sa fonction d’élagueur en chef des dépenses publiques pour retourner à ses affaires, par ailleurs mal en point. Les tronçonneuses, il est vrai, ne sont pas si faciles à manier. Celle-là, en fin de compte, a peu taillé dans les dépenses fédérales que le milliardaire se promettait de soigneusement réduire, mais, en revanche, elle a fait des dégâts dans les comptes de ses entreprises. Pour le milliardaire, l’échec est patent.

Objectif : 2000 milliards. Résultat…175

Lorsque Donald Trump le nomme à la tête du DOGE (Department of Government Efficiency), il s’agit d’économiser 2000 milliards de dollars sur le budget fédéral, puis plus raisonnablement 1000. En fait, la somme atteindra péniblement 175 milliards.

75 000 départs forcés et l’administration à genoux

Pour arriver à ce misérable résultat, le DOGE fait démissionner d’entrée 75 000 fonctionnaires. Les pressions sur le personnel de la fonction publique sont massives pour les inciter à partir. Ils doivent justifier de leur utilité sous peine de licenciement. Services sociaux, agences travaillant pour l’environnement ou la recherche scientifique, départements gérant les aides à l’international sont particulièrement visés. Les ministères du Travail et de l’Éducation nationale sont dépecés. 300 000 fonctionnaires fédéraux sont visés. 280 000 sont touchés.

Des coupes aveugles aux effets contre-productifs

L’administration doit parfois réembaucher des employés indispensables. Ces va-et-vient ont un coût. Les syndicats multiplient les recours. Les coupes rendent des départements entiers inefficaces. Le déficit budgétaire risque même d’augmenter, parce que les réductions d’effectifs de l’administration fiscale, qui lutte contre la fraude, l’ont rendue moins efficace. Il manquerait pour cette unique raison 70 milliards de recettes au budget.

DOGE : démissions en cascade et rébellion interne

Fin février, alors qu’Elon Musk agite sa tronçonneuse, une vingtaine d’employés du DOGE, le tiers des effectifs, préfèrent donner leur démission, expliquant dans un courrier adressé à la secrétaire générale de la Maison-Blanche, Susie Wiles :
« Nous n’utiliserons pas nos compétences techniques pour fragiliser des systèmes informatiques gouvernementaux cruciaux, compromettre les données sensibles des Américains ou démanteler des services publics. »

Un désaveu. Depuis, le chaos s’est installé. Et Elon Musk est devenu un personnage extrêmement impopulaire.

Tesla en chute libre

Les manifestations anti-DOGE se multiplient à travers l’Amérique avec un slogan qui lui est directement destiné : « Bas les pattes ! » Et ses affaires commencent à s’en ressentir. Les Tesla, ses prestigieuses voitures électriques, ne se vendent plus. Elles font même l’objet d’une sorte de boycott, d’actes de vandalisme. Entre janvier et mars, les livraisons mondiales chutent de 13 %. Les ventes s’effondrent en Chine et en Californie (le plus grand marché aux États-Unis). Elles chutent de 40 % en Europe.

Musk sommé de se recentrer par les actionnaires

Au premier trimestre 2025, le chiffre d’affaires perd 9 %, les bénéfices 71 %. Le cours de Bourse s’effondre. L’action a perdu 50 % le 22 avril. Et au conseil d’administration, des voix s’élèvent : Elon Musk doit-il rester à la tête d’une entreprise que son action publique détruit ? Et, aussitôt connue sa démission du DOGE, un groupe d’investisseurs institutionnels a réclamé l’assurance qu’au moins 40 heures par semaine, le milliardaire s’emploierait à conjurer la crise de Tesla.

Trump et Musk, l’idylle impossible

Rappel à l’ordre pour un Musk qui, par ailleurs, n’est pas en totale symbiose avec la politique trumpienne. Il est en désaccord sur l’immigration : interdire la venue aux États-Unis d’ingénieurs ou de techniciens de haut niveau venus d’Asie ou d’ailleurs ne fait pas les affaires de la high-tech. L’affrontement économique avec la Chine ne peut que déplaire à un milliardaire qui ne rêve que de faire des affaires avec Pékin. Et la politique tarifaire « foutraque » de Donald Trump ne peut qu’inquiéter ce libertarien revendiqué.

SpaceX en difficulté, X revendu, IA en embuscade

Il est déjà face à d’autres défis. Son projet de coloniser Mars attendra. Pour la troisième fois, sa méga-fusée Starship a explosé après son décollage. Le retour aux affaires de Musk commence mal. Cette situation met sa société SpaceX en mauvaise posture vis-à-vis de la NASA.

Le milliardaire a aussi vendu son réseau social X (ex-Twitter) à sa société d’intelligence artificielle xAI. Il redonne ainsi de la valeur à X et espère que les synergies profiteront aux deux entités. Son assistant IA Grok (concurrent de ChatGPT) « amène le cerveau et X amène la distribution », explique-t-il.

Un triple fiasco en 130 jours

Elon Musk doit à tout prix remettre de l’ordre dans ses affaires. Il aurait perdu 140 milliards de dollars de sa fortune personnelle. Son passage dans l’administration Trump s’est donc révélé un triple échec : politique pour Trump, administratif pour l’État fédéral, financier pour lui-même. Un résultat remarquable après seulement 130 jours d’exercice…


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