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Coup de coeur: « Pour Sama ».

publié le 18/10/2019 | par Benjamin Stora

Critique : Un film d’exception, à voir absolument, pour comprendre le drame qui re-commence aujourd’hui en Syrie.


Ils chantent en se tenant par les épaules ; brandissent des drapeaux de leur pays ;  dessinent des affiches murales sur les murs de leur université. Ils sont tous très jeunes, femmes et hommes ensemble dans les manifestations de rue. Ils disent leur espoir dans une vie meilleure, débarrassée du despotisme, de la corruption qui ronge leurs pays.

Nous sommes à Alep en 2011, une ville de Syrie qui bientôt connaitra un siège cruel, contraignant femmes, enfants, vieillards à tenter de fuir pour ne pas être tués ; pour ne plus subir les bombardements réguliers des chars de l’armée de Bachar El Assad, ou des hélicoptères russes. Et parmi ces jeunes entrevus au début du film, beaucoup mourront. Le film « Pour Sama » , présenté au Festival de Cannes en Cannes en 2019, nous plonge au cœur même du massacre d’Alep. Son auteur est une jeune femme syrienne, Waad al Kateab qui vivait à Alep lorsque la guerre a commencé en 2011.

Son témoignage est exceptionnel, bouleversant. Elle a filmé pendant des années, au quotidien, les blessures et les chagrins nés d’une guerre implacable. Waad et son mari médecin sont sans cesse déchirés entre la nécessité de partir pour protéger leur fille Sama ; ou résister, être là, au milieu de ceux qui souffrent, et poursuivre un combat, qui deviendra désespéré, pour la liberté de leur pays.

Tout entier tendu vers une vérité politique qui devient insaisissable, ce film tourné avec les moyens d’une petite caméra quelquefois, (mais aussi d’un drone) s’approche, restitue des fragments d’une réalité que transmettent les journalistes de pays riches, « occidentaux » pour couvrir, et parfois partager, la tragédie que vivent les « pauvres » qui souvent deviendront des « migrants », des réfugiés. Cette fois, les lumières d’Alep, détruite, grise, poussiéreuse, viendront de l’intérieur : d’un hôpital assiégé, bombardé ; d’une famille qui s’efforce tout de même de vivre.

Et les images terribles des enfants en train de mourir, des parents qui hurlent la perte de leur famille, des membres arrachés, des visages ensanglantés, resteront à jamais comme des preuves inimaginables d’un massacre à grande échelle commis à quelques heures d’avion de l’Europe. Il faut les regarder, en face, au moment où s’ouvre une  nouvelle tragédie au nord de la Syrie, avec les civils kurdes.

 

Benjamin Stora.


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