Sheinbaum versus Trump : une femme du Sud contre un ogre américain
L’un tape du poing, l’autre réfléchit. Face au retour de Donald Trump, la présidente Claudia Sheinbaum est en première ligne. Et elle est déterminée à se battre
Elle a décidé de ne pas attendre passivement le retour du milliardaire d’extrême droite au pouvoir et de se préparer. La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum est en première ligne face à l’homme obsédé par l’arrêt de l’immigration et partisan des guerres commerciales.
Tout les oppose
Leur profil s’oppose en tout point et dessinera le visage de l’Amérique du Nord pour les quatre prochaines années, après le départ de López Obrador et Joe Biden. Là où Trump ne sait exister que par des coups d’éclat, des déclarations à l’emporte-pièce et des mensonges omniprésents, Sheinbaum a l’image d’une personne beaucoup plus posée et réfléchie. Il est climatosceptique, elle est climatologue et autrice pour le GIEC. Il ne craint pas d’utiliser la violence armée en politique, tandis qu’elle a dissous, en tant que gouverneure de Mexico, le régiment responsable d’un massacre d’étudiants sous la dictature militaire. Féministe et adepte de politiques sociales ambitieuses, elle a nommé des scientifiques au gouvernement et nationalisé les grandes entreprises énergétiques du pays.
La menace de la hausse des droits de douane imposée par Trump
Après leur entretien téléphonique du mercredi 27 novembre, Trump a tordu la réalité en affirmant que son homologue fermerait la frontière. Sheinbaum a immédiatement répondu dans une lettre ouverte que cela n’arriverait pas et qu’elle déconseillait au président élu de mettre en place la hausse des droits de douane de 25 % qu’il prévoyait. Outre le fait que cela représenterait une violation flagrante de l’accord de libre circulation des biens entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, elle souligne les hausses de prix que cela entraînerait. Sur ce dossier, elle peut compter sur le soutien du Premier ministre canadien Justin Trudeau pour contrer le « diviser pour mieux régner » qu’affectionne Trump. Dans les pays en voie de développement, la gauche est généralement en faveur du libre-échange.
Le Mexique se prépare aux futures « déportations de masse »
Sur le dossier de l’immigration illégale, Sheinbaum n’oublie pas non plus où est l’intérêt de son pays : elle veut à tout prix limiter le renvoi d’immigrés illégaux de pays tiers (Salvador, Nicaragua, Honduras, Guatemala…) par les États-Unis sur le sol mexicain. En moyenne, 5 200 étrangers sont détenus chaque jour par les autorités mexicaines. Le Mexique se prépare aux « déportations de masse » que Trump a promis d’opérer, en mobilisant l’armée si nécessaire. Les Mexicains constituent le premier groupe d’immigrés (légaux et illégaux) aux États-Unis, avec 10,9 millions d’expatriés (soit 23 % des résidents américains nés à l’étranger).
Les consommateurs de drogues et les armes sont américains
Loin d’aller à la confrontation, Sheinbaum tend la main sur les questions sécuritaires, contre lesquelles elle se doit d’agir. Plus de 3 000 personnes sont mortes à cause des violences entre cartels lors des 41 premiers jours de son mandat. Cependant, ces violences ont diminué de 18 % depuis l’arrivée au pouvoir de López Obrador en 2018. Elle admet qu’une coopération est nécessaire, tout en lançant une pique subtile : les consommateurs de fentanyl ne sont pas mexicains et les armes qui tuent proviennent des États-Unis. La présidente pourra se présenter en position de force face à Trump alors que ses services ont mis la main sur une tonne de cette drogue dans le nord de l’État de Sinaloa.
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