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Syrie. Asma al-Assad, une prédatrice en Chanel

publié le 17/12/2024 par Pierre Feydel

Elle apparaissait comme un espoir de modération d’une dictature sanglante. En réalité, elle était complice de tous ses crimes

Savait-elle ? Ne savait-elle pas ? Ne voulait-elle pas savoir ? L’épouse de Bachar al-Assad était-elle au courant des horreurs perpétrées par le régime de son mari contre son propre peuple ? Qu’a-t-il bien pu se passer dans la tête de cette femme brillante, mère de famille, éduquée dans les écoles de cette grande démocratie qu’est le Royaume-Uni ?

Asma Fawaz al-Akhras est en effet née à Londres en 1975. Son père, Fawaz Akhras, est cardiologue, émigré dans les années 1950 pour poursuivre ses études. Sa mère, Sahar Otri, est la première secrétaire de l’ambassade de Syrie. Sa sœur est l’épouse du ministre de l’Intérieur d’Hafez al-Assad, le dictateur qui règne alors à Damas. Asma grandit dans le quartier d’Acton, fréquente des écoles privées où on l’appelle Emma.

Diplômée du King’s College en informatique et en littérature française

Elle sera une étudiante remarquable. Diplômée du King’s College en informatique et en littérature française, elle excelle également en économie et en mathématiques. Elle entame sa carrière à la Deutsche Bank, puis chez JP Morgan Chase. Analyste, puis spécialiste en fusions-acquisitions, elle travaille entre Paris et New York. Mais son destin prend un tournant décisif lorsqu’elle rencontre le fils cadet du dictateur syrien à l’ambassade du pays à Londres. Bachar, alors étudiant en ophtalmologie, devient le dauphin de son père après la mort de son frère Bassel en 1994, tué dans un accident de voiture.

Asma quitte la banque, même si sa liaison avec Bachar reste discrète jusqu’à la fin des années 1990. Ils se marient en 2001 après la mort d’Hafez al-Assad et l’accession au pouvoir de son fils. Ils auront trois enfants.

Le magazine Vogue la qualifie alors de « rose du désert »

La désormais première dame donne, dans un premier temps, une image moderne et ouverte du pouvoir en place en Syrie. Cela ne se fait pas sans opposition : celle de la famille alaouite (branche du chiisme) de son mari, jalouse de son influence, mais aussi celle de l’entourage politique du dictateur, peu enclin à voir une sunnite étrangère prétendre jouer un rôle majeur dans les affaires du pays.

Asma n’est pas qu’une femme élégante, la silhouette sublimée par les talons hauts de ses Louboutin ou mise en valeur par sa garde-robe Chanel. C’est aussi une passionnée d’art contemporain. Mais elle refuse de se contenter d’un rôle purement décoratif. Elle n’hésite d’ailleurs pas à tenir des propos peu amènes sur la reine de Jordanie, qu’elle considère comme une « aimable potiche ». Séduite par la Syrienne, l’édition américaine du magazine Vogue la qualifie alors de « rose du désert ».

Asma al-Assad – D.R

La fin du conte de fées

La répression du printemps arabe en Syrie va brutalement détruire cette image soigneusement façonnée par des agences de communication occidentales. L’image de la princesse arabe tolérante, soucieuse de ses compatriotes, dirigeante d’ONG favorisant l’éducation et dispensatrice d’aides sociales, s’efface pour laisser place à celle d’une prédatrice, membre actif d’une famille de dictateurs mafieux, cruels et avides.

La répression en Syrie, en 2011 et 2012, cause des milliers de morts dans des conditions atroces : tortures, exécutions sommaires. Asma soutient Bachar sans réserve. Le quotidien britannique The Guardian révèle alors, grâce au piratage de courriels, qu’elle continue d’acheter des produits de luxe, bijoux et œuvres d’art pendant ces événements. L’Union européenne prend des mesures contre la famille du dictateur, dont son épouse, en gelant leurs avoirs en Europe et en supprimant leurs visas.

En août 2016, The Guardian révèle que la « Syria Trust for Development », une organisation présidée par Asma, détourne une partie des fonds alloués aux ONG locales pour alimenter la fortune personnelle des Assad. Les Américains la qualifient de « profiteuse de guerre ».

Une profiteuse de guerre

Malgré une vive réprobation internationale, Asma continue de tirer profit de la guerre. En 2021, la société Syriatel lance un réseau de téléphonie, « Emmatel ». Le conseil d’administration de l’entreprise est composé de proches d’Asma. Elle parvient même à mettre au pas le clan Makhlouf, famille de la mère de Bachar, qui lui reste hostile. Rami Makhlouf, cousin du président et pilier de l’économie syrienne, est placé en résidence surveillée. Asma apparaît désormais sur les portraits officiels aux côtés de son mari, tentant de se montrer en première ligne malgré les crises successives.

La chute et l’exil

Guérie d’un cancer du sein, Asma doit se rendre en Russie pour soigner une leucémie lorsque le régime vacille sous les coups de la rébellion islamiste. Les Russes exfiltrent Bachar vers Moscou. Le Royaume-Uni, où Asma possède toujours la citoyenneté britannique, envisage de la déchoir de ce statut. Elle n’est désormais plus la bienvenue sur le territoire britannique et risque même d’être poursuivie par la justice pour complicité dans les crimes du régime syrien.

De la rose du désert, il ne reste que les épines.


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