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Tally Gotliv, la complotiste de Netanyahou

publié le 11/06/2025 par Pierre Feydel

Pour cette députée radicale, toute opposition au chef du gouvernement d’Israël est une trahison. Quitte à inventer des machinations en tout genre

« Toute opposition à Netanyahou est une trahison »

Elle n’en finit pas de tenir des propos accusateurs, provoquant des réactions indignées, suscitant des insultes et des menaces physiques, jusqu’à des actions en justice. Elle s’est même permis, depuis son entrée à la Knesset lors des dernières élections législatives en 2022, d’accuser l’armée israélienne et le Shin Bet, le service de renseignement intérieur, « d’être au service des terroristes ». On aurait pu imaginer que de telles déclarations incendiaires viendraient de l’opposition au gouvernement Netanyahou, du mouvement en soutien aux otages créé après les horreurs du 7 octobre 2023, contre ceux chargés de la défense du pays, incapables de prévoir l’attaque qui a fait 1 200 morts et permis le rapt de 250 otages. Pas du tout : l’auteure de ces accusations insensées est une députée du Likoud, l’un des partis au pouvoir.

Bnei Brak, à l’est de Tel-Aviv, centre du judaïsme ultra-orthodoxe

Revital « Tally » Gotliv, ou Gottlieb, a 50 ans. Elle est née à Bnei Brak, une agglomération à l’est de Tel-Aviv, connue pour être un centre du judaïsme orthodoxe. Divorcée, elle a trois enfants, dont l’un est autiste. Juriste, elle travaille pour le ministre de la Justice et s’investit beaucoup dans la défense des accusés de violences sexuelles. Elle va même jusqu’à critiquer publiquement le témoignage d’une victime, le jugeant « faussé ». Ce qui lui vaut une plainte de l’association des centres de crise contre le viol et du comité d’éthique de l’Association du barreau. Elle échoue alors à conquérir la présidence de cette même instance. Elle n’est pas non plus nommée juge. Elle est écartée par l’organisme d’évaluation de l’aptitude des candidats à exercer cette profession. La raison invoquée : son manque de « tempérament judiciaire », autrement dit de contrôle de soi, de maîtrise de ses émotions.

Interdite de parole à la Knesset

Cette appréciation du comportement de Tally Gotliv va plus que se vérifier lors de son mandat de députée. Peut-être les échecs de ses ambitions judiciaires alimentent-ils chez elle une rage qu’elle exprime sans retenue dans la vie politique. Et qui va nourrir un complotisme constant. Elle va même jusqu’à accuser la présidente de la Cour suprême d’avoir une responsabilité dans l’attaque terroriste de Ramot, qui a provoqué trois morts. Selon elle, la magistrate, en s’opposant au projet de réforme judiciaire de Netanyahou, a incité les ennemis d’Israël à commettre des attentats. Même son parti, le Likoud, se désolidarise. Et le comité d’éthique de la Knesset lui interdit toute prise de parole pendant quelques jours.

« Des agents de l’ennemi »

Mais rien n’y fait. Pour Tally Gotliv, tout opposant est un traître à Israël. Tous ceux qui ne sont pas d’accord avec la réforme visant à réduire les pouvoirs de la Cour suprême — réforme qui provoque une vague de manifestations sans précédent — ne sont, pour la députée, que des agents de l’ennemi. Et ses délires complotistes prennent une rare ampleur. Sa cible : Shikma Bressler, une des leaders de la contestation de la réforme, physicienne, chercheuse de renom. L’élue du Likoud découvre que le compagnon de la contestataire est un agent du Shin Bet. Et en déduit que ce service de renseignement est complice de l’attaque du 7 octobre, mise au point pour déstabiliser le gouvernement. Elle affirme que les services secrets américains auraient intercepté une communication entre l’ami de Bressler et Yahya Sinwar, alors chef militaire du Hamas.

Elle accuse le Mossad de coup d’État

Trop, c’est trop. Le chef du Shin Bet, Ronen Bar, destitué depuis par Netanyahou, incite la procureure générale à lancer une enquête contre la députée. Bressler, de son côté, poursuit Gotliv en diffamation. Et lui réclame 2,6 millions de shekels (600 000 euros) de dommages et intérêts. La complotiste invoque l’immunité parlementaire pour ne pas se rendre aux convocations de la police. Elle contre-attaque en proposant un projet de loi interdisant toute enquête criminelle sur un parlementaire. Le Likoud renâcle. Alors elle en rajoute, comme d’habitude. Ses divagations atteignent des sommets. Elle s’en prend à Ronen Bar et au directeur du Mossad, Aharon Haliva, qu’elle accuse d’avoir fomenté un coup d’État militaire. Elle attaque violemment, au passage, Yaïr Golan, chef de l’alliance des partis de gauche. Tous des traîtres.

« Qu’on affame les soutiens des Gazaouis »

Sans plus aucune retenue, elle affirme que les otages ont été « lavés du cerveau » par le Hamas. Elle demande même que les douze passagers du Madleen, capturés par Israël au large de Gaza — dont huit étaient encore retenus en Israël le 10 juin — ne reçoivent aucune nourriture. Elle veut traiter les soutiens des Gazaouis comme les Gazaouis eux-mêmes : en les affamant.

Qu’attend le Likoud pour la mettre à la porte ? Parfois, il y pense…



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