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Guerre en Ukraine : le modèle des commandos alliés… qui exaspéraient Hitler 

publié le 17/09/2024 par Pierre Feydel

VU DU PASSÉ. L’armée ukrainienne semble s’inspirer de la stratégie des coups de main incessants mise au point par les Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le 24 août 2023, jour de l’indépendance de l’Ukraine, les forces spéciales ukrainiennes mènent une opération en Crimée. Elles débarquent sur la côte ouest, hissent leur drapeau puis repartent, sans pertes. Une action purement symbolique. Le 2 octobre, les mêmes commandos traversent la mer Noire en jet-ski et détruisent une station de guerre électronique russe.

Le 23 novembre de la même année, quelques centaines de combattants franchissent le Dniepr et tentent d’établir une tête de pont sur la rive gauche du fleuve, en territoire occupé par les Russes. Bien avant l’offensive plus importante en direction de Koursk, déclenchée le 6 août, l’armée de Kiev n’a cessé de multiplier les coups de main. Cette stratégie vise à agacer et à perturber les stratèges du Kremlin, alors que sur le front du Donbass, l’armée russe avance.

 

Les Britanniques n’ont pas agi autrement après le 22 juin 1940, lorsque la France, vaincue, a signé l’armistice. Le Royaume-Uni se retrouve alors seul face aux forces allemandes pendant un an, jusqu’à ce qu’Hitler décide d’attaquer l’Union soviétique. Dans la nuit du 23 juin, au lendemain de l’effondrement français, un mois après le sauvetage à Dunkerque de 200 000 soldats de leur corps expéditionnaire rapatriés in extremis, Londres veut montrer qu’il n’est pas question de céder. 120 hommes à bord de yachts de plaisance et de canots pneumatiques débarquent aux environs de Boulogne. Un accrochage a lieu sur la plage, quelques bâtiments sont détruits, puis les assaillants rembarquent.

 

Valeur stratégique et tactique de l’opération : nulle ; valeur psychologique : cruciale. Il s’agit de remonter le moral des troupes et des sujets de Sa Très Gracieuse Majesté, comme le précise dans son dernier ouvrage, « 1939-1945, la guerre mondiale des services secrets » (Perrin), Rémi Kauffer, historien du renseignement. Le « Vieux Lion » a donné des instructions fermes à ses généraux. Dès lors, les opérations vont se multiplier. En mars 1941, 250 commandos britanniques débarquent en Norvège dans les îles Lofoten, tout au nord, accompagnés de 50 spécialistes en explosifs du Royal Engineers et de 38 hommes des troupes de choc norvégiennes.

 

Objectifs : détruire dix-huit usines fournissant les Allemands en huile, détruire des dépôts de carburant, faire des prisonniers et mettre la main sur une machine de décryptage Enigma. Dernière cible manquée. Le 27 décembre 1941, l’île de Vaagsö, au sud, par où passe une partie du trafic côtier allemand, est investie. Le port est détruit, des bateaux coulés. Hitler maintiendra jusqu’à 350 000 hommes en Norvège, guettant un débarquement décisif. En vain. En février 1942, 119 commandos britanniques et quelques Français attaquent, au-dessus de la falaise de Bruneval, non loin d’Étretat, une station radar allemande et emportent une partie du matériel pour examen.

 

En mars 1942, plusieurs groupes de commandos débarquent à Saint-Nazaire, pendant qu’un destroyer de la Royal Navy, rempli de béton, est coulé dans la seule forme-écluse capable d’accueillir les cuirassés allemands tels que le « Tirpitz ». En décembre 1942, dix hommes du Special Boat Service (SBS), émanation des Royal Marines, déposés au large en sous-marin, remontent en kayak la Gironde jusqu’à Bordeaux. Six sont capturés et fusillés. Deux se noient. Mais ils parviennent à faire sauter quatre cargos convoyant des armes vers le Japon, un pétrolier et un dragueur de mines. Hitler, exaspéré, émet en octobre le « Kommando Befehl », qui ordonne que tout commando capturé soit exécuté. Mais rien n’y fait.

 

Non seulement les Britanniques ne ralentissent pas leurs opérations, mais ils créent de nouvelles unités de « forces spéciales » sur d’autres fronts. Les exploits en Libye et en Tripolitaine des « Scorpions du désert » du Long Range Desert Group, leurs raids derrière les lignes ennemies, en feront les yeux et les oreilles des Britanniques. Ils causeront quelques soucis au maréchal Rommel. Avec leurs compagnons des Special Air Services (SAS), dont une compagnie française, ils participeront à des missions de destruction des dépôts logistiques ennemis, à des tentatives d’enlèvements de hauts gradés allemands, mais aussi à la destruction au sol des avions de la Luftwaffe.

Cette inventivité et l’audace britannique sèment le désordre et le doute dans les esprits de l’état-major allemand. Une leçon que les Ukrainiens semblent avoir d’autant plus facilement acquise que leurs forces spéciales ont eu des instructeurs… britanniques.

 

 


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