Ukraine « Russians at war », un documentaire vérité déprogrammé
Un documentaire anti-guerre, tourné sur le front et à la barbe de Moscou, raconte le triste quotidien des soldats russes. Il a été pourtant déprogrammé à Toronto sous la pression ukrainienne.
Des dégats de la cancel culture…
L’avant-première nord-américaine de « Russians at War » n’aura pas lieu vendredi au Festival international du film de Toronto après la déprogrammation, en raison de « menaces », de ce documentaire traitant de l’invasion de l’Ukraine par Moscou et qui fait polémique.
Russes en guerre est un film documentaire canadien et français de 2024, réalisé par la directrice de la photographie Anastasia Trofimova. Le film se concentre sur le point de vue des soldats russes envahissant l’Ukraine pendant la guerre russo-ukrainienne en cours
Depuis sa présentation à la Mostra de Venise, ce film d’une réalisatrice russo-canadienne donnant la parole à des soldats russes s’est attiré les foudres de personnalités culturelles et politiques ukrainiennes qui y voient de la « propagande russe ». Dans un pays qui compte la deuxième plus importante diaspora ukrainienne au monde avec 1,3 million de personnes, des manifestants s’étaient rassemblés mardi dans les rues de Toronto pour demander l’annulation des trois projections prévues durant le festival.
Les organisateurs avaient d’abord réagi en disant maintenir les projections fixées à vendredi, samedi et dimanche, avant de faire volte-face jeudi à cause de « l’existence de menaces significatives pour les opérations du festival et la sécurité du public« .Des informations font état d' »une activité potentielle dans les prochains jours qui pose un risque significatif », ajoutant que la suspension des projections était « une décision sans précédent » pour le festival.
Ils se sont engagés à projeter le film « lorsqu’il sera sûr de le faire ». La police de Toronto a précisé que cette décision de déprogrammation avait été « prise indépendamment par les organisateurs de l’événement et non à la suite de recommandations du service de police de Toronto ». « Nous ne disposons d’aucune information sur des menaces futures ou potentielles à l’heure actuelle », a ajouté Laurie McCann, une porte-parole.
« Blanchir des crimes »
Pour ce documentaire, la cinéaste Anastasia Trofimova a passé plusieurs mois au sein d’un bataillon russe sur le front ukrainien, glanant des témoignages de soldats dont elle a tiré un film de plus de deux heures. D’après un journaliste de l’AFP ayant vu le film, les combattants que l’on voit à l’écran semblent avoir perdu le sens de leur participation à ce conflit. Manquant d’équipements, ils bricolent eux-mêmes leurs armes, recourant à du matériel datant de l’ère soviétique. Enchaînant cigarettes et verres d’alcool, ils essayent de noyer leur désarroi face aux blessures ou à la mort de leurs camarades.
Anastasia Trofimova a affirmé que son film était « un documentaire antiguerre » et montrait des « gens ordinaires ». Mais pour le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andrïi Iermak, ce film devrait être « banni » car il présente « l’agresseur comme une victime » et « déforme la réalité ». Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a assuré vendredi dans un message sur X que « la scène culturelle internationale ne devrait jamais être utilisée pour blanchir des crimes ».
« Malentendu »
La décision d’annuler les projections à Toronto afflige l’un des producteurs, Philippe Levasseur, qui explique à l’AFP avoir craint « des répercussions plutôt côté russe » parce que les soldats cités dans le film « livrent une parole en contradiction totale avec la propagande de Moscou« . « C’est plutôt le récit d’une machine à broyer les hommes qui les considère comme de la chair à canon », a insisté M. Levasseur, parlant d’un « malentendu » qu’il espère voir levé. Mais au Canada, la chaîne publique TVO, qui a contribué au financement du documentaire, a déjà annoncé retirer son soutien au film et déclaré qu’elle ne le diffuserait pas. Cela fait suite notamment à des critiques formulées par la vice-Première ministre canadienne Chrystia Freeland.
Cette dernière, d’origine ukrainienne par sa mère, s’était opposée dans la semaine à la projection du film, déclarant qu' »il ne pouvait pas y avoir d’équivalence morale dans cette guerre« .
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