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Vu de l’hôpital: Face au virus, la vengeance masquée (29)

publié le 25/04/2020 | par Jean-Paul Mari

Chronique de la bataille des hommes en blancs.
Jean-Paul Mari suit au jour le jour le combat d’une équipe médicale dans un hôpital d’Ile-de-France.


Frousse noire et masques blancs. A l’approche du déconfinement, la France est saisie par l’irrationnel. Deux parents sur trois refusent de renvoyer leurs enfants à l’école, les enseignants crient à l’abattoir, les conducteurs de métro, les fonctionnaires, les ouvriers, tous exigent d’abord une assurance vie : «Des masques !» Et pas seulement en tissu, voire des masques chirurgicaux, mais des FFP2, «en bec de canard», le totem anti-Covid.

Au Samu, Antoine (1), le logisticien qui manipule des tonnes de matériel médical, lève un œil amusé. Lui n’a jamais porté qu’un simple masque chirurgical, quand il en avait. Et à la maison, il se contente de passer régulièrement sa protection en tissu à la «cuisson vapeur» à plus de 60° C : «Utiliser un chirurgical, ce serait gaspiller.» Chaque jour, à l’heure de la désinfection des ambulances gavées de coronavirus, l’équipe se contente de masques de travail en papier. L’émotion publique ne surprend pas Antoine, lui qui voit, à l’heure des courses, les amis de son village natal de l’Oise reculer, effrayés par l’hospitalier qu’il est.

Dangereux ? «Sur trois mois, 5 % de la population a été infectée, donc 95 % ne l’est pas, rappelle le professeur Claude (1). Et 12 % dans l’Ile-de-France et le Grand-Est, mais si peu dans l’Ouest. Le risque de croiser dans la rue une personne contagieuse est pratiquement nul.» Et les enfants, ces écoliers qui vont infester la France ? Une étude montre que la très grande majorité des contaminations (82 %) se fait dans l’autre sens, des adultes… vers les enfants.

Le vrai danger, dans une foule confinée ou la famille, est d’avoir des contacts répétés, prolongés, avec une personne infectée. En réanimation ou aux urgences, en zone «sale», les médecins ne quittent pas leurs précieux FFP2. Et un cadre de l’hôpital, à qui sa pharmacie refuse un masque chirurgical, écarquille les yeux en découvrant qu’on peut en acheter sur Amazon.
«Le port généralisé d’un masque reste une bonne chose», dit le professeur Michel (1). A condition de ne pas le tripoter et d’arriver à respirer à travers un FFP2 qui étouffe et irrite le visage.

Un écran en plastique et surtout une distance d’1,50 mètre suffisent à protéger la caissière ou le conducteur de bus. D’ailleurs, le professeur n’est pas inquiet. Plus il observe, plus il pense que le virus «va disparaître tout seul. Et réapparaîtra dans un an, ou deux. Ou pas du tout». Le Sras, en 2003, s’est volatilisé. Le H1N1, en 2009, disparu. Le Mers-Cov, en 2012, subsiste au Moyen-Orient, «parce qu’il a trouvé un réservoir chez le chameau». En clair, un endroit où se nicher.

Oui, mais la peste, professeur, les chats, et les rats ! La peste ! 50 millions de morts, des foyers toujours actifs en Asie et en Afrique ! Le professeur toise l’écolier : «La peste est due à une bactérie, pas un virus.» Ah… on respire.

 

(1) Les noms ont été modifiés.


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