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Vu de l’hôpital. Recherche : «Notre rêve à tous, trouver…mais vite!» (21)

publié le 16/04/2020 | par Jean-Paul Mari

Chronique de la bataille des hommes en blanc. Jean-Paul Mari suit au jour le jour le combat d’une équipe médicale dans un hôpital d’Ile-de-France.


Ding ! Le SMS qui apparaît sur le téléphone du professeur François (1), chef du service, implore «une réunion urgente». En théorie, c’est un laboratoire de recherche clinique. En réalité, cela ressemble au QG de blouses blanches au sommet d’un volcan. Ici, avant, c’était le règne du silence, de la réflexion, du temps lent et des précautions jusqu’à l’excès. Mais cela, c’était avant. Aujourd’hui, l’endroit bouillonne de chercheurs fébriles à qui on aurait donné la mission de trouver l’arme suprême pour détourner le cours de la météorite qui fonce droit sur notre planète. Sauf que la catastrophe, nommée pandémie, est déjà là.

Ding ! «Comprends pas élément analyse !» L’humanité à genoux parce qu’un paysan chinois a grignoté un pangolin ? Impensable. Plus grave, non seulement le virus est parmi nous, mais il risque d’avoir la vie dure. Une modélisation scientifique montre que des poussées hivernales se produiront jusqu’en 2025 et que, sauf médicament miracle ou vaccin, les mesures barrières – masques, distance, confinement – seront obligatoires jusqu’en… 2022 !

Ding ! «Rien ne marche ! Il faut revoir d’urgence le design de la dernière étude.»
Le vaccin, bien sûr, tous les spécialistes y travaillent d’arrache-pied, mais il ne serait disponible au mieux que dans un an et demi. Quant au médicament miracle, les chercheurs de l’unité se contentent d’explorer toutes les pistes qui déboucheraient sur des «essais cliniques», comprenez, réalisés sur des centaines de patients malades. Que ce soit pour le rôle de l’aspirine dans une maladie digestive rare ou une nouvelle molécule censée améliorer la leucémie chronique.

Ding ! «Que faire si…» D’une bonne idée aux premiers essais, il faut compter au moins dix-huit mois, souvent plus. Entre les résultats en éprouvette et l’estomac d’un malade, la molécule doit faire ses preuves : «Les hommes ne sont pas des cobayes, dit le professeur François, responsable des recherches. On est là pour faire des tests sur les humains, pas pour les tuer.» Ding ! Ding ! Les SMS sonnent comme un carillon. Covid oblige, le dinosaure administratif s’est mué en cheval fou : «Une trentaine de projets en cours, des circuits électrisés et une réponse sous quinze jours. Du jamais vu.»

Toute la planète cherche. Mais quoi ? Ici, le «miracle» de la chloroquine irrite la profession. Le médecin a même reçu un message d’un ami : «Macron n’est pas allé à Marseille voir Raoult mais les gilets jaunes de la science !» Reste qu’on la teste aussi. Comme les médicaments antivirus, la cause du mal, ou ceux pour éteindre «l’orage cytokinique», en clair l’inflammation réflexe qui embrase les poumons.

«Notre rêve à tous : Trouver. Mais vite !» Alors, dans leur QG sur leur volcan, les chercheurs brûlent. Pour que les humains ne se retrouvent plus en bout de chaîne, en réanimation, là où ils meurent, là où l’hôpital perd sa raison d’être.

(1) Les noms ont été modifiés.


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