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Cuba. L’amour et la guerre : « L’envol des amants »

publié le 15/08/2021 | par Jean-Paul Mari

Orestes, le pilote de chasse cubain, avait fui le régime de Fidel Castro aux commandes de son Mig.
Mais à Vicky, la femme qu’il laisse sur place avec leurs deux enfants, il a dit qu’il reviendrait. Et qu’il les emporterait vers Miami. Il l’a juré.
Alors fut mise sur pied cette invraisemblable épopée


Combien de fois Orestes Lorenzo s’est-t-il déjà assis aux commandes d’un avion ? Combien de fois a-t-il fait les mêmes gestes ? Coup d’oeil sur les instruments de bord, le compas, régler la radio, boucler la ceinture, mettre les écouteurs, lancer les moteurs ! Combien ? Des milliers de fois au moins.

A 36 ans, l’exilé cubain, ex-commandant d’une base militaire près de La Havane, a volé sur des Mig supersoniques de dix neuf tonnes, combattu en Angola et instruit une génération de pilotes de chasse.

Aujourd’hui, son appareil est un simple bi-moteur à hélices, un avion de tourisme, léger et maniable. Un jeu d’enfant. Et pourtant, il transpire comme un débutant. Un bloc d’acier à la place du cerveau, les tempes serrées et la gorge nouée. Sur le siège vide du passager, il a posé plusieurs paquets de cigarettes, une boîte de bonbons et une carte de l’espace aérien, constellée de cercles, de lignes de couleur et d’étranges calculs : « Vhel min : 13, 9/25, 7= 108 Kn. »

Orestes regarde la carte et sa montre. Puis, il ferme la porte à deux mains, concentré et les yeux clos, comme pour un ultime entraînement. Pour la première fois, il tremble de tout son être.

Autour de lui, le petit aéroport est élégant et désert. Il y a des palmiers sous la brise, un restaurant de pizzas, de petits jets de luxe pour milliardaires et un seul employé qui abandonne l’aéroport au soleil couchant. Au sud de Miami, plantée entre le golfe du Mexique et l’Atlantique, Marathon Island n’est qu’une poussière de sable doré dans le chapelet d’îles qui pointe, comme un doigt dans la mer, en direction des Caraïbes. Orestes regarde sa montre.

C’est l’heure. Le Cessna s’avance sur la piste. Ici, pas besoin de plan de vol, juste quelques mots à la radio : « N¯5818 X. Demande autorisation de décollage. Direction Sud. »

Au bord du tarmac, le feu passe au vert. Le macadam de la piste, les dernières balises et bientôt l’eau turquoise de l’océan caressent le ventre blanc du Cessna. Il est 17 h 7 précises. Dans sa poche de poitrine, Orestes touche la photo de la femme de sa vie, Vicky, et de leurs deux enfants, Reyniel, 11 ans et Alejandro, 6 ans.

Voilà vingt et un mois qu’il ne les a plus revus. Loin devant lui, se dresse Cuba la grande, la révolutionnaire, surveillée par une armée de policiers, des services de renseignements et les grandes oreilles des radars côtiers reliées aux batteries de missiles sol-air.

Et, en ce samedi 19 décembre 1992, quelque part à l’est de la capitale La Havane, près de la plage de El Mamey, au bord d’une autoroute à quatre voies, il y a, – il doit y avoir ! -, Vicky et les enfants qui l’attendent… « Oh mon Dieu ! Faites qu’ils soient là, prie Orestes à mi-voix. Faites que je réussisse à les ramener avec moi ! » Puis il se redresse, règle l’altimètre à 1 000 pieds et grimpe droit vers le ciel.

Le commandant Orestes Lorenzo avait déjà fait ce trajet, mais en sens inverse, aux commandes d’un Mig 23 de l’armée de l’air cubaine. C’était le 20 mars 1991, vers 11h45. Ce matin-là, les autres pilotes de la mission d’entraînement perdent soudain le contact radio avec leur chef d’escadron.

Orestes vient de la débrancher et fonce à 900 kilomètres heures vers la Floride et la base de Boca Chica. Les radars américains, trop occupés à surveiller les petits avions porteurs de drogue, détectent bien trop tard le jet de combat qui arrive droit sur eux. Embarras au Pentagone. Le mythe de l’infaillibilité de la machine à défendre les frontières en ressort légèrement égratigné. Heureusement, le Mig « ennemi » ne transporte pas d’arme stratégique mais bat des ailes pour montrer qu’il va se poser.

Un officier s’avance :
– « Bon sang ! d’où venez-vous ?
– No comprendo. My nombre es Orestes Lorenzo…
– Qu’est-ce qu’il dit ?
– Son nom, traduit quelqu’un, et il demande l’asile politique ».

A Cuba, l’affaire fait un bruit énorme. Un déserteur, lui, héros de guerre et pur produit du régime ! Sa première photo d’enfant le montre, à 14 mois, avec… un énorme cigare allumé à la bouche. Son père travaille comme lecteur dans une usine de tabac où il passe ses journées, devant un vieux micro, à lire Cervantès, Victor Hugo et Hemingway face aux torcedores, les ouvriers qui roulent les havanes à la main.

Ici, on a toujours su que le cigare était une culture. Le père est un vrai patriote et un inconditionnel de la révolution ; Orestes suit son chemin.

A 13 ans, il devient membre des jeunesses communistes et n’a qu’un seul jouet, une maquette d’avion offerte par son oncle. A 16 ans, quand on lui demande s’il aimerait porter des jeans, il s’indigne : « Jamais. Autant afficher le drapeau ennemi sur les jambes ! » Quand Fidel Castro fait un discours public sur le devoir de sauvegarder la révolution, il court l’écouter et en revient bouleversé par le charisme et la simplicité du Lider Maximo.

Orestes est un communiste sincère et brillant, il devient professeur de biologie à l’école du parti. Un soir d’été, on fête l’anniversaire du Comité de défense de la révolution.

Il y a de la musique, du rhum et des ½lles brunes qui vous mettent le feu aux tempes. Mais Orestes n’en voit qu’une, un peu en retrait, pâle et blonde, avec des yeux immenses. Il demande son nom : « Laisse tomber, mon vieux, lui répond un camarade, son père la protège comme de la porcelaine. Et il est terrible ». « Peu importe. Dis-moi son nom ? Comment ? Vicky… Vicky » répète Orestes. Il est déjà amoureux.

Le père est méfiant mais Orestes, plus têtu encore, fait sa cour pendant des mois. Un soir où, en½n seuls, Orestes et Vicky montent la garde pour le comité de quartier, dans les vieilles rues rouges et ocres du Vedado, tout près du Malecon, le front de mer où traînent les amoureux enlacés.

Quand il lui parle sagement d’amour, elle rougit mais ne proteste pas. Il obtient l’autorisation paternelle d’aller avec elle au cinéma, sous l’oeil policier d’une vieille tante. On donne un polar américain, « Wait Until Dark », l’histoire d’une jeune fille aveugle coincée dans un appartement avec un assassin. Il fait sombre.

Quand le meurtrier se jette sur l’héroïne, que la salle hurle d’horreur et que la vieille tante défaille, Orestes prend soudain Vicky dans ses bras et lui donne son premier baiser. Ils ne se quittent plus et se racontent dèjà leur futur. Elle veut devenir dentiste ; il court chercher son jouet d’enfant, l’avion, et lui avoue son rêve : être pilote.

Le 16 juillet 1976, ils se marient en civil, révolution oblige, au « Palais Matrimonial ». A la sortie de la cérémonie, Orestes se penche à l’oreille de sa femme : « Avant même de te connaître, je te cherchais déjà. Nous aurons beaucoup d’enfants. »

Dans son Cessna, au-dessus de l’océan, Orestes regarde sa montre et calcule sa position. Le 24e parrallèle approche, il est temps d’éteindre les feux de navigation et la radio. Avec le jour qui baisse, il écarquille les yeux et plonge vers la mer, pour voler le plus bas possible, à trois mètres à peine au-dessus des vagues, là où il sait que les radars cubains ne peuvent pas encore le détecter.

Quelques années plus tôt, c’est lui qui, aux commandes de son Mig, a survolé la région pour mettre en phase la topographie des lieux et les données informatiques mémorisées par les bases de missiles. Le jeune pilote d’alors est un homme heureux.

Ses examens réussis, on le choisit pour un stage de perfectionnement à Krasnodar, en URSS, « le pays le plus avancé du monde communiste ». Le soir du départ, Luis Orlando Dominguez, secrétaire des Jeunesses communistes, vient leur lire un message de félicitations de Fidel.

Bien plus tard, ce sera le même Fidel qui annoncera à la télévision la condamnation d’Orlando à trente ans de prison « pour corruption ». Pour lors, Orestes s’envole vers Krasnodar avec un seul regret : Vicky.

Deux ans de séparation ! A Krasnodar, le temps lui paraît interminable. Il découvre, dissimulé dans ses affaires, de petits billets d’amour signés Vicky. Lui écrit des poèmes enflammés au dos de cartes postales ¾euries et parvient, de passage à Moscou, à obtenir une ligne de téléphone.

La communication est pratiquement inaudible. Ils ne peuvent que se répéter : « Moi aussi, je t’aime. Tu m’entends ? Je t’aime ! »

Quand Orestes regagne Cuba, Vicky est là. Elle le voit la première et hurle son nom du haut de la terrasse de l’aéroport. Le communiste modèle revient d’URSS écoeuré par la corruption, la brutalité et les aberrations du régime : « Le socialisme existe chez nous. Pas à Moscou,» dit-il à son père qui le regarde, choqué. Son fils est en train de changer.

Quand il se retrouve à Futungo, en Angola, pendant un an, pour quarante missions de combat, à plonger entre les missiles sur les éléments de l’Unita qui harcèlent les convois.

A chaque camarade qui meurt, il noie sa douleur avec les survivants en buvant l’alcool des circuits de refroidissements des Mig. A son retour, la presse of½cielle ne parle pas de l’Angola mais lui se réveille souvent, en sueur, hanté par son cauchemar africain. Il vit mal les journées passées au sol, harnaché dans son Mig, en plein soleil, dans l’attente d’une soi-disante « invasion capitaliste américaine ».

Il est choqué quand les experts des « services » interrogent longuement les pilotes de la base pour découvrir l’acheteur d’un malheureux kilo de viande au noir…

La pénurie, les mensonges, les grands principes bafoués : « Je ne veux pas que mes enfants connaissent cela, » dit Orestes. Il repart pour un stage de quatre ans sur les radars soviétiques à Kalinine. Cette fois, on lui permet d’emmener sa famille. Alejandro, leur deuxième enfant vient de naître. Les rues sont couvertes de neige, il fait moins quarante-sept degrés mais ils sont ensemble, heureux.

Orestes découvre, fasciné, Gorbatchev, la glasnost et la perestroïka. Ainsi, tout peut changer ? A Moscou comme à La Havane ? Le discours de Fidel Castro, hostile à toute « déviation capitaliste » met fin à tous ses espoirs.

Cuba rappelle tous ses étudiants. Un soir, juste avant le départ, Orestes prend sa femme par les épaules :
– « Vicky… Ecoute. Si on arrêtait le voyage, toi, moi et les enfants, lors de l’escale, au Canada ? » – « Faire défection… Elle le regarde, stupéfaite. Et soudain bouleversée :

Tu imagines nos parents à l’aéroport. Entourée par la foule qui leur crie : « Honte à vous ! Vos enfants sont des traîtres ! Vermine ! ». Non, je ne peux pas accepter cela. »

Ils rentrent à La Havane. Et les choses empirent. Nommé commandant, Orestes rentre bien trop tard pour embrasser ses enfants. Il devient sombre et silencieux. Vicky ne trouve plus le sommeil. Elle finit par craquer : « Il faut que tu partes aux Etats-Unis dit doucement Vicky : Pars ! Avec ton avion. Demain.

– Sans toi ? Sans les enfants ? Jamais !
– Une fois là-bas, demande un visa américain pour nous. Nous te rejoindrons. Va. »

Orestes regarde sa femme droit dans les yeux. Elle est sincère et résolue. Il s’approche d’elle, lui murmure : « Je ne sais pas combien de temps il nous faudra pour être réunis mais je ne vous abandonnerai jamais. S’ils ne vous laissent pas partir, je reviendrai vous chercher.

En bateau, en hélicoptère, en avion, en ballon ou à la nage.. Mais je reviendrai ! » Ils sont restés longtemps, serrés l’un contre l’autre, à pleurer comme des enfants.

Le lendemain, le commandant Orestes Lorenzo débranche la radio de son Mig 23 et met le cap au nord vers la Floride. En entendant la nouvelle, une femme aux grands yeux profonds pleure à la fois de bonheur et de joie : « Il a réussi ! Il a réussi ! » Pour Vicky, le calvaire va commencer.

D’abord, jouer celle qui ne savait pas, faire face au déluge de questions des officiers du contre-espionnage qui fouillent toute la maison à la recherche des preuves de « liens avec l’ennemi ». Puis, recevoir Magalis, une psychologue envoyée par La Havane pour la convaincre de répudier publiquement son mari.

« Il vous a abandonné avec vos enfants, c’est un traître mais la révolution prendra soin de vous » dit doucement Magalis. Vicky secoue la tête.

« Il est jeune. A l’heure qu’il est, il doit déjà avoir rencontré une jeune femme riche en Amérique », insiste la psychologue. Elle reçoit aussi l’étrange visite d’un « ami » d’Orestes qui lui propose un moyen sûr de quitter illégalement le pays. C’est un piège. Elle refuse.

Quand Orestes obtient des visas pour sa famille, Vicky file à l’immigration où un haut fonctionnaire, furieux, torture son cigare : « Un visa de sortie ? Vous savez ce qu’a dit notre commandant en chef des forces armées, Raul Castro ? : « Si Lorenzo a eu le culot de partir avec un de mes Mig’s ; peut-être aura-t-il celui de revenir chercher lui même sa famille. » » Vicky a compris. Jamais, ils ne la laisseront partir. Elle abandonne ses études et s’enferme dans son appartement du Vedado.

Miami, Orestes, jusqu’alors silencieux, remue ciel et terre. Il commence par donner des interviews aux journaux, accuse Cuba de retenir sa femme et ses enfants en otages, écrit une tribune dans le « Wall Street Journal », titrée : « Fidel : exécute-moi, mais laisse partir ma famille. » Il réussit à rencontrer le président Bush et même son héros, Mikhaïl Gorbatchev, de passage aux Etats-Unis. En vain.

Quand Fidel Castro se rend en visite officielle à Madrid, Orestes le suit, s’enchaîne aux grilles du palais, jeûne pendant une semaine, perd sept kilos. Sans résultat.

De riches industriels américains lui proposent de mettre à sa disposition un hélicoptère Bell, perfectionné, bien armé, à condition qu’il l’utilise pour… assassiner Castro. Orestes désespère. C’est la générosité d’une riche veuve américano-cubaine, Elena Ramos, qui va changer le cours des choses. Elle lui offre 30 000 dollars : le prix d’un Cessna, aux ailes bleues, au ventre blanc, couleurs de l’espoir.

A La Havane, Vicky reçoit la visite d’une Mexicaine porteuse d’un message secret d’Orestes. Il dit : « Sur l’autoroute en face de la plage d’El Mamey. Attends là une demi-heure avant le coucher du soleil. Arrive par l’arrière de l’avion. Attention aux hélices. Tiens les enfants par la main..

Voici notre code au téléphone. Je te demanderai : « Comment va mon père ? » Si tu es d’accord avec le plan, réponds : « Il est plus mince mais il va bien. » Pour me confirmer l’heure à laquelle tu seras là, parle-moi des enfants et donne-moi la taille des chaussures que je suis supposé leur acheter. »

Dans son Cessna, au dessus de l’eau, Orestes ne tremble plus. Devant lui, les côtes cubaines. Vicky n’est pas loin. Orestes a un pincement au coeur en apercevant la grande plage de Varadero, l’hôtel où ils ont passé ensemble dix jours en voyage de noces. Surtout ne pas se laisser émouvoir ! L’ancien expert militaire a passé des nuits à calculer son plan.

Le voici : les radars l’ont surement repéré à trente milles nautiques de la côte mais les missiles ne peuvent pas être tirés avant douze milles nautiques. Le temps de le repérer, de transmettre, de remonter la chaîne, de donner l’ordre : il a exactement quinze minutes pour entrer, se poser, redécoller et sortir de l’espace dangereux.

Ensuite, seul un Mig pourrait l’abattre. A condition que ses anciens camarades soient encore assez « pointus » pour repérer et abattre un petit avion, lent, qui vole au ras de l’eau. Quinze minutes ! S’il vole à deux cent quinze nœuds et ne reste pas plus d’une minute au sol, une seule minute, il lui faudra quatorze minutes et cinquante secondes pour être hors de danger. En clair, il n’a que dix secondes de marge !

Le matin même, dès huit heures, prétextant une visite chez son beau-frère à Matanzas, tout près de la plage d’El Mamey, Vicky marche avec les enfants vers l’arrêt du bus, à six blocs de là. Elle se retourne : on la suit. Elle saute dans un taxi, descend près de la plage… Elle a habillé les enfants d’imperméables orange, visibles de loin.

Ils se glissent au bord de l’autoroute, après le pont, à un kilomètre après le grand virage, comme prévu. C’est le seul endroit où on puisse atterrir. Vicky tremble en regardant le ciel.
Dans son Cessna, Orestes parle seul. Il crie même : « Là ! La baie… sur ma gauche ».

Plus besoin de compas. Les collines de Matanzas, les tours de la centrale thermo-électrique, en½n le pont de Canimar, son repère. « Les radars m’ont déjà repéré. le type du contrôle appelle la le Q. G… », se dit Orestes. Il survole l’autoroute, prend le virage sur la droite, enroule la colline. Trois taches orange émergent de la pénombre. Mais comment se poser ? Une voiture blanche, un énorme camion, tous phares allumés, qu’un bus essaie de dépasser.

Vicky et les enfants sont là, il les voit. Il n’a qu’une minute ! Les roues de l’avion frôlent le toit de la voiture blanche ; en face, le chauffeur du camion freine et donne un grand coup de volant. Orestes le voit distinctement, sur le bas côté, les yeux exorbités.

Vicky et les enfants se jettent dans le Cessna qui vient d’atterrir miraculeusement. La porte se ferme, Orestes remet les gaz à fond. Ils ont décollé ! « Maintenant, ils ont pris la décision d’abattre l’avion », réfléchit Orestes. La côte est derrière les fugitifs, à onze milles nautiques : « Les hommes courent vers leurs postes dans le silo à missiles.. » Douze milles… Douze et demi. « Ils ne peuvent plus nous atteindre ! » Et les Mig’s ?

« Pourvu qu’ils n’aient pas encore décollé… » L’horloge de bord marque bientôt 18h2, l’avion passe le vingt quatrième parallèle.. Hors de danger ! Dans la cabine, Vicky entend Orestes hurler : « Réussi. J’ai réussi ! ! »

Sur la piste de Marathon Island, Kristina, l’amie qui les attend sa radio à la main, entend soudain l’appareil crachouiller. Elle règle le son et entend la voix d’Orestes qui lui dit : « Je reviens vers vous. Avec un avion plein d’amour. »
Juillet 1994, Orestes, Vicky et les enfants vivent maintenant heureux à Orlando, en Floride mais à quatre cents kilomètres de Miami où le pilote est désormais trop connu.

Lui doit aussi affronter la dure « réalité capitaliste » et cherche toujours un emploi. Parfois, il prend son Cessna et vole vers l’océan pour aller secourir les exilés cubains qui fuient Cuba sur de mauvaises embarcations. Pour un réfugié qui gagne l’Amérique ; deux se noient ou sont tués par les requins. Vicky, elle, quitte rarement la maison familiale. Elle est enceinte de cinq mois.

Jean-Paul Mari

 

Publié à l’été 1994


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