Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Beyrouth. L’amour et la guerre.  » L’amour, le feu, la foi… »

C’est l’amour du théâtre qui a fait se rencontrer Roger le chrétien maroniteet Hanane la musulmane.
C’est dans la révolution palestinienne qu’ils ont d’abord communié. C’est dans l’islam qu’ils se sont rejoints. Et c’est dans la passion qui les unit qu’ils ont trouvé la force de résister aux déchirements de la guerre, aux désillusions, à la défaite.
Histoire de deux amants d’une génération perdue

Sur la corniche de Beyrouth, il y a un étrange monument, une grande roue de fête foraine qu’aucun obus, jamais, ne semble avoir atteint. Tous ceux qui passent sur le front de mer ne peuvent s’empêcher de la regarder tourner imperturbablement, depuis des années, comme si elle symbolisait à elle seule le destin d’une génération aspirée par la guerre.

Elle est haute de 40 mètres, ronde et métallique, avec des cabines bleues, rouges et vertes d’où on laisse ses pieds pendre dans le vide. Les enfants qui y prennent place sont, au départ, pleins d’enthousiasme à l’idée de surplomber bientôt la rue, les immeubles et la mer. Sûrs de dominer le monde.

Au fur et à mesure que les cabines s’élèvent lentement vers l’azur du ciel, les voilà emportés par l’excitation du risque, l’émotion du danger. Au sommet, tout n’est que feu, éblouissement et vertige. Puis ils redescendent et la peur disparaît en même temps que les illusions du début. En bas, une fois terminé le grand tour, ceux qui mettent pied à terre comprennent qu’ils ne seront plus jamais les mêmes.

Ce soir-là, sur la corniche, Roger se fiche bien de la grande roue. Il file vers le Théâtre de Beyrouth où sa troupe doit jouer «Majdalloun», la pièce qu’il a écrite et qui lui paraît un spectacle infiniment plus important. Il est inquiet. En cette fin de 1969, la police libanaise a interdit la représentation de l’oeuvre jugée subversive. Roger et toute la troupe sont d’accord: on se battra s’il le faut!

Il a 28 ans et un parcours mouvementé. Fils de bourgeois libanais, chrétien maronite, croyant et pratiquant, marié, étudiant en quatrième année de médecine. Il a tout laissé derrière lui le jour où la politique et le théâtre sont venus bousculer sa vie d’enfant gâté. Il a fallu une grande défaite, celle des Arabes contre Israël en 1967, ressentie comme une humiliation, une grande blessure, pour que s’éveille en lui le nationaliste arabe. Son premier choc. Un grand virage romantique qui l’entraîne dans une longue bohème politique.

En bon chrétien, Roger s’est toujours penché sur les pauvres. En ce temps-là, les «déshérités» vivent dans le Sud-Liban aux côtés des Palestiniens. Roger les rejoint, épouse leur cause et devient marxiste comme on entre en religion. Avec une obsession: lier sa pensée et ses actes. Déjà, à l’époque, Roger Assaf l’acteur-metteur en scène est connu au Liban.

Alors il se déguise pour se fondre dans la population, se fait appeler «Wajih» ou «Marouane», s’installe quelques semaines dans un village de pêcheurs à Saïda ou dans un camp de réfugiés du Sud, tient un dispensaire ou travaille dans les champs. Surtout, à l’heure de la veillée, il écoute les paysans raconter la mémoire du pays, parler d’économie, de religion et de résistance historique aux soldats du mandat turc, français, ou aux Israéliens.

Nul doute que, pendant ses voyages continuels, il a croisé dans le village de Nabatiyeh une jeune chiite au teint pâle et aux grands yeux très noirs. Elle s’appelle Hanane. Mais comment pourrait-il la remarquer? La gamine a 13 ans à peine. Roger ne sait pas encore qu’elle deviendra la femme de sa vie.

Pour lors, il découvre une histoire inconnue, celle du Liban-Sud, trou noir dans sa culture maronite, et en devient éperdument amoureux. Désormais, son théâtre sera collectif et militant, camarades! Comme cette farce politique montée avec les villageois, où il est question d’un paysan insolent, d’une bouse de vache et d’un policier intraitable. Quand, sur la scène, les villageois unis finissent par rosser le policier, les officiels présents dans la salle se lèvent et s’en vont, furieux! Le public, lui, a beaucoup ri.

Ce soir, pourtant, la chose est plus grave. Au Théâtre de Beyrouth, les policiers veulent empêcher que l’on donne «Majdalloun», une fiction politique sur le Sud et la résistance palestinienne, qui se termine, de façon prémonitoire, par l’invasion du pays par l’armée d’Israël. La salle est comble, comme les coulisses bourrées de flics qui bondissent sur la scène. On fait le coup de poing. Le public et la troupe refluent.

Tant pis! On jouera dans la rue, à Hamra, en plein coeur de la ville, devant le café Horse Shoe.
C’est le grand café de la gauche libanaise des années 70 qui fume des gitanes en préparant la «révolution». Le rendez-vous des étudiants, écrivains, journalistes et artistes qui viennent s’encanailler en politique. Un théâtre en soi, tapissé d’un jeu de miroirs, qui permet de tout voir dans la rue. Et surtout d’être vu.

Dehors, Beyrouth ne dort jamais. La capitale levantine est à la fois la banque et le bordel du Moyen-Orient, avec ses grands hôtels, son casino, ses limousines, l’opulence étalée d’une richesse qui claque comme une gifle à la face des pauvres. La petite bourgeoisie qui rêve de promotion sociale rapide, se saigne pour envoyer ses enfants à la fac. Une petite armée de boursiers qui travaille le jour, lit et cogite la nuit, avide de politique et de changement. Ils ont tout avalé: Marx, Lénine, Mao, Trotski, les luttes anti-impérialistes en Amérique latine, en Algérie, Mai-68, la révolution prolétarienne et la libération sexuelle.

La plupart sont des chrétiens de gauche, «renégats» de leur classe, qui affrontent leurs frères ennemis des phalanges et vivent en milieu fermé, réunis en AG, dans les cafétérias des facs devenues «bases arrière» de la lutte au Sud-Liban. Et quand ils en sortent, c’est pour manifester «pour le Viet Nam», «contre Pinochet» et surtout «contre Israël». Parfois, la police tire et il y a des morts, baptisés aussitôt «martyrs de la révolution».

Qu’importe! Bientôt, la nouvelle de la chute de Saïgon sonnera comme l’annonce magique que tout est possible. Tout près d’eux, il y a la plus belle des causes, «séduisante, héroïque, exemplaire, irrésistible»: la cause palestinienne. Et ils sont prêts à mourir pour le Fatah. Tous!

Parmi ceux qui applaudissent, debout dans la rue, la troupe de Roger, il y a Nazzir, fils du quartier d’Achrafieh,grec-catholique, futur prof d’anthropologie, moustachu et yeux bleus, toujours un bouquin à la main, gros fumeuret grand buveur d’arak; Elie, l’intellectuel aux lunettes rondes, doux et courtois; Elias, le grec-orthodoxe, cheveux longs, l’allure débraillée, toujours prêt à la surenchère, courageux et impressionnant; et Assi, le révolté, mince et immensément grand, un théoricien qui impose le respect, déjà auréolé d’un sérieux passé d’activiste couronné parson expulsion de Paris…

«Bref, entre ceux qui voulaient soulever la classe ouvrière libanaise, lutter contre le système « compradore » ou battre Israël, sourit un ancien de la bande, tout le monde voulait casser le pays!»

Le grand moment arrive, il faut se préparer. Roger l’acteur se retrouve dans un camp d’entraînement palestinien de la Bekaa. Trois semaines à apprendre l’usage de la kalachnikov, du mortier lourd et des explosifs, à se faire réveiller au milieu de la nuit pour courir jusqu’au matin dans la montagne: «On sort de là transformé, prêt à manger des pierres!» Tout est en place. La grande roue de la fête foraine peut commencer son ascension.

En avril 1975, le Liban explose. Beyrouth est coupé en deux. «Islamo-progressistes», «phalangistes-chrétiens»… les camps s’entre-tuent pendant deux ans, et l’arrivée des Syriens clôt momentanément le débat. En première ligne, Roger a réussi à tenir sagement son quartier, sans avoir un seul blessé. On se moque de son talent d’économe et celui qui le remplace brûle vingt caisses de munitions, perd dix hommes et… finit par reculer. Gloire au héros!

Roger comprend vite qu’il déteste la guerre et la violence. Nous sommes en 1977. Il ne prendra plus jamais les armes. Il préfère organiser le ravitaillement des banlieues menacées et faire cultiver des champs au milieu des ruines.

Quand les combats cessent, la bande du Horse Shoe rend ses armes aux Palestiniens. Nazzir, le grec-catholique, a été blessé. Après avoir pris la caserne de Tripoli à l’arme blanche, «le Révolté» a fini par décréter que le Liban n’était pas prêt pour la révolution. Elie l’universitaire aux lunettes rondes retrouve sa fac, Elias ses romans et Roger un poste de prof de théâtre. Au premier rang des étudiantes, une jeune femme, pâle, aux yeux très noirs, choisit une scène du «Songe d’une nuit d’été.»

Hanane, la petite fille timide de Nabatiyeh, a beaucoup grandi. Elle a 22 ans, de la force et du coeur. Et les autres se taisent impressionnés. A la fin, Roger lui souffle: «Si tu travailles dur, tu feras une carrière lumineuse.» A 38 ans, le maître est troublé par ce qui émane de cette jeune femme.

De Nabatiyeh à Beyrouth, le Liban-Sud est revenu, sous les traits d’Hanane, investir sa vie. Bref, il est soudain très amoureux. Mais le professeur a 16 ans de plus que son élève. Alors, il se tait. Et il travaille comme jamais.

La troupe s’appelle désormais Hakawati, «le Conteur», et va produire trois spectacles et un film en quatre ans. La formule théâtrale de Roger est maintenant éprouvée: plonger dans le réel du Sud, glaner des histoires vraies, les écrire collectivement avec l’aide des villageois et intégrer au spectacle les chants, la musique populaire et la poésie du Sud-Liban. Il vit avec les villageois, partage leurs fêtes et leurs deuils, jeûne avec eux à l’heure du ramadan et, bientôt, se met à prier.

Dans le livre, tout est dit, tout est en place, croit-il. Sans un espace pour le doute. «Lier sa pensée et ses actes.» Sans le savoir, l’ancien chrétien maronite, reconverti en marxiste le temps d’une révolution, vient d’embrasser l’islam.

A l’heure du divorce, interdit chez les maronites, Roger se présente devant un tribunal et fait enregistrer sa nouvelle confession: musulman. Le voilà encore un peu plus proche d’Hanane. Elle est devenue très vite un des piliers de la troupe. Il aime sa façon naturelle de se planter sur la scène, les pieds enracinés dans sa culture du Sud, de passer sans effort du rôle de jeune paysanne, gaie et malicieuse, la bouche moqueuse et les poings sur les hanches, à celui de femme tragique, blême et tout enroulée de noir. Elle est exigeante et véhémente, critique parfois jusqu’à la férocité.

Mais sans violence, sans goût pour l’idéologie. Elle est fascinée par le maître, son immense connaissance du théâtre, cette façon qu’il a de dénicher, de creuser, de fouiller la mémoire des lieux et des hommes. L’homme parfois lui fait un peu peur: Roger n’est pas facile, il ne transige pas, il dérange. Mais l’actrice, la femme se sent avec lui «comme une goutte de mercure qui flotte, explore tout l’espace». Elle sourit:«Le mercure peut être un poison, il attaque l’or. Oui, c’est ça. Vivre avec lui, c’est à la fois beau et dangereux.»

Quand Roger lui propose de l’épouser, elle lui montre le chemin de la maison familiale à Nabatiyeh. Là-bas, en écoutant Roger, le père de Hanane avale son café oriental de travers. Quoi? Un divorcé, déjà père d’une enfant, ancien chrétien et plus vieux de 16 ans que Hanane, sa fille unique! Le non est catégorique.

Roger rentre à Beyrouth. Hanane n’est pas prête à rompre avec sa famille et Roger ne veut pas d’un amour honteux, clandestin. Les deux saltimbanques amoureux ne seront pas amants et ils jurent de ne plus se parler d’amour en dehors des planches.

Soudain, au sommet de la grande roue, le feu et le vertige les gagnent. La guerre a repris et l’armée de Tsahal pénètre au Liban. Ils sont accueillis avec des fleurs par les chiites du Sud, exaspérés par les exactions des Palestiniens qui ont transformé la région en «Fatah Land». Roger le militant retrouve les vieux réflexes, organise des centres de ravitaillement collectif, se sent «prêt à résister un an» face à l’encerclement. Mais le feu s’abat sur la capitale assiégée, affamée, assoiffée. Et la direction palestinienne finit par quitter Beyrouth. Roger se sent trahi.

Il sombre dans le désespoir. Pour la première fois, il se sent inutile, privé de tout rôle politique. Le Liban lui apparaît comme une scène vide, privée de combat, d’amour, de sens. Il abandonne le pays, gagne Paris. Là-bas, pour la première fois de sa vie, il pleure en apprenant l’entrée de l’armée israélienne à Beyrouth. Et il pleure une seconde fois en découvrant à la une des journaux les images des massacres de Sabra et Chatila.

Hanane est restée. Lorsque vient le temps du désespoir, les femmes sont toujours plus fortes que les hommes. Hanane trompe la vigilance des soldats, entre dans Chatila encerclée et martyre, avec une caméra dissimulée dans un couffin plein de riz. Plus tard, ses images feront témoignage. Et Jean Genet écrira «Quatre Heures à Chatila». Genet, l’ami de Roger, qui n’oubliera jamais ce que lui a dit un jour l’écrivain: «Le juste n’est pas à mi-chemin entre le juste et l’injuste.»

La guerre, l’invasion et l’exil ont surpris la troupe en pleine représentation des «Jours de Kyam», récit d’un massacre d’un village du Sud il y a quatre ans à peine… au camp de Chatila. De Beyrouth, les comédiens pressent Roger de relancer le spectacle. Tout le monde fait le voyage à Paris. En revoyant Hanane, Roger sent fondre ses résolutions d’homme sage. On remonte la pièce, la donne au Théâtre des Nations et au Festival de Carthage.

Quand Tsahal se retire de Beyrouth, les islamistes mènent le combat à la frontière. Le grand vent de la révolution iranienne souffle sur le Sud-Liban, les combattants arborent le portrait de Khomeini, parlent de justice sociale et de résistance à «l’ennemi sioniste». C’est l’heure où les anciens maoïstes deviennent islamistes. «Histoire de troquer une foi pour l’autre. Parce qu’ils étaient incapables de vivre avec le doute», diagnostique «le Révolté». Roger, lui aussi, est séduit par l’espoir qu’il croit voir naître à Téhéran.

Quelques voyages en Iran le font rapidement déchanter: «La fontaine de sang des martyrs, les slogans, le culte de la force, Dieu transformé en parti… J’ai fini par les traiter de bolcheviques.» Roger est devenu musulman; mais il vomit l’intolérance: il ne sera pas islamiste.

Et Hanane? Elle est loin, à San Diego, en Californie, où elle prépare un mastère en théâtre et communication. Son père voulait qu’elle soit biologiste. Alors elle fait un double parcours universitaire: «La biologie, pour mon père; le théâtre, pour moi.» Et elle est première, partout. Mais le Liban la tourmente. Elle relit son poète préféré, un Arabe pessimiste et croyant. La philosophie et la religion l’ont toujours attirée comme de puissants aimants.

Enfant, elle avait des crises de sanglots en cherchant un sens à la vie. Et seule sa tante, très religieuse, pouvait la réconforter. Quand elle est morte d’une typhoïde mal soignée, Hanane a vacillé: «J’ai vu défiler toute ma vie devant moi.» La guerre a fait le reste. Le théâtre ne suffit plus à l’apaiser. Quand Roger lui demande de revenir, elle le prévient: «Quelque chose en moi a changé.» A l’aéroport, Hanane apparaît, ses grands cheveux noirs pris dans un tissu. Elle porte le voile des croyantes – pas le tchador des intégristes. Lui comprend. Pas les amis. Une cousine fond en larmes: «Pas toi, Hanane. Pas toi!»

Un journaliste pourtant proche la maudit en public. La conversion de Roger à l’islam, le voile d’Hanane… C’est trop! les anciens de la bande du Horse Shoe haussent les épaules: «Ils ont tourné hezbollah!» Roger et Hanane sont blessés. Eux ne pensent plus politique mais religion et culture, celle du Sud qu’ils aiment tant. Et mariage. Le vieux père intraitable ayant émigré au Canada, les amoureux mènent une véritable campagne d’influence auprès des oncles. Enfin, après dix années d’attente, par un été de 1986, à Nabatiyeh, Roger et Hanane deviennent mari et femme.

Aujourd’hui, Roger a 53 ans, Hanane, 37. Et ils s’aiment toujours aussi fort. Ils vivent dans un appartement de Zarif, le quartier du patriarcat, tout près de l’ancienne «ligne verte», la ligne de démarcation qui coupait Beyrouth en deux, l’Est et l’Ouest. Un mur de ruines balayé à grands coups de pelles par les bulldozers. Leur appartement est envahi par les livres et une nouvelle armée composée exclusivement d’enfants: Zeinab, 7 ans, l’aînée, blonde comme les blés; Ali, 5 ans; Mariam, 4 ans, petite brune au rire tonitruant, et Youcef, 2 ans. Leurs amis sont musulmans, juifs ou chrétiens; Hanane est une grande actrice au Liban et Roger a écrit une nouvelle pièce avec un ancien de la bande qui a fini par renoncer à le bouder. Elie l’universitaire a émigré à Paris; Elias écrit de superbes romans, un peu douloureux; Nazzir, le moustachu buveur d’arak, est devenu un temps islamiste, a flirté avec le Hezbollah, épousé une chrétienne convertie et voilée, pour divorcer finalement d’avec tout le monde; Assi a divorcé lui aussi, abandonné la politique mais pas sa vision critique du monde, son sens de la liberté et du doute qu’il enseigne à ses étudiants de philo.
Les Syriens tiennent le Liban, les Palestiniens l’ont quitté et le Horse Shoe, le grand café des rêves d’antan a été transformé en fast-food. Et Roger n’a pas d’amertume. Seulement beaucoup de tristesse: «Nos idées de gauche d’autrefois ont perdu la bataille. L’humanisme a reculé. Les intégristes de tout bord ont pris le dessus.

C’est une défaite. L’enthousiasme a disparu. Les gens ont perdu confiance, ils se sont appauvris et ont émigré. On a beau raser les restes de la ligne de démarcation, les frontières confessionnelles ne sont plus seulement théoriques, comme avant; elles passent à l’intérieur de la tête des gens. Les intellectuels de gauche sont malades, fous, morts, au pouvoir, ou ils ne sont plus intellectuels de gauche. Quinze ans de guerre, des dizaines de milliers de morts, une montagne de souffrance… Et on a régressé.»

Toute une génération de gauchistes s’est jetée à corps perdu dans la bataille; tous ont dérivé, beaucoup se sont perdus.
Sur la corniche de Beyrouth, la grande roue a terminé sa révolution. Une fois reposé le pied au sol, on peut déchirer son ticket.

JEAN-PAUL MARI

 

Publié à l’été 1994


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