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« Drôle de métier » ! Les vespasiennes du Festival de Cannes.

publié le 23/11/2019 par Patrick Mesner

1984. Mon année cannoise. Je n’ai plus d’argent. J’ai dû vendre un de mes trois Leïca pour acheter des films et finir le festival. Je dors dans ma voiture garée dans un parking souterrain. Je suis dans une sacrée m… ! Je n’ai qu’une accréditation de l’agence Gamma sans faire partie du staff. On ne sait jamais, le «petit » peut ramener quelques photos vendables et puis une accréditation ne coûte rien à l’agence.J’ai une info. Wim Wenders, pressenti pour la Palme d’or, doit venir au Grand Hôtel. Remo Forlani journaliste vedette de RTL m’a refilé le tuyau en m’assurant que personne d’autre ne le sait. Ce grand monsieur m’a pris en amitié. Je peux venir chaque midi manger gratuitement au buffet de RTL, sur la terrasse du Carlton où il réalise son interview quotidienne d’une star. Dix-huit heures: Grand Hôtel… personne. Envie pressante. Je file aux toilettes hommes. Un homme entre, je le reconnais.

– « Bonjour monsieur ! Vous êtes Wim Wenders?

– Oui ! »

Je me présente et lui demande si nous pouvons faire une photo? Je lui avoue que je suis indépendant, sans commande, bref sans filet. Il dit oui!! Nous sortons des toilettes. Je panique. Une image oui, mais laquelle ? Je réfléchis, vite. « Paris… Texas »… lumière, désert, contre-jour, chaleur, errance.. Je propose à Wim Wenders de poser devant le massif de cactées que je découvre au fond du parc de l’hôtel. Il accepte gentiment de sa voix douce, s’assied sur la chaise que je lui tends. Je m’allonge au sol pour faire un cliché en contre-plongée et je donne un coup de flash pour déboucher le contre-jour brûlé. Il met sa main sur son menton. Je shoote.

À vingt heures, le palmarès proclame le film Paris-Texas de Wim Wenders Palme d’or ! Je file à l’aéroport de Nice, confie mon film à un passager qu’un coursier de l’agence Gamma vient récupérer à Orly Ouest. Le lendemain, ma photo fait le tour du monde. Je rachète mon Leïca et me paie un hôtel et une vraie douche !

Quelques années plus tard, Wim Wenders se trouve à l’aéroport de Moscou. Il entre dans les toilettes. Un autre homme entre et se place à côté de lui. C’est le Japonais Nagisa Oshima, l’auteur de L’empire des sens.

« – Salut Nagisa ! ».

«  – Tiens, salut, Wim! »

Et Wim Wenders fait une photo polaroid avec Oshima.

Aujourd’hui, mon pseudonyme professionnel est Walter Rizzotto comme dans l’album « Les bijoux de la Castafiore » d’Hergé où un photographe fait équipe avec un rédacteur, Jean Louis de la batellerie. Il s’appelle Rizotto de «Paris Flash». J’ai mis deux Z pour ne pas avoir d’ennuis avec la société Moulinsard qui gère les droits d’Hergé.

Une vespasienne à Cannes, Wim Wenders, un cactus, Rizzotto, Tintin…drôle de métier !


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