Transition écologique : la grande panne
Les climato-sceptiques ont pris le pouvoir aux États-Unis. L’Europe se débat dans de graves difficultés économiques. L’écologie recule…

Un recul global de l’écologie
La grande régression écologique est bien engagée. La lutte contre le réchauffement climatique a considérablement faibli ces derniers temps. Ce n’est pas nouveau. Mais, cette fois, un véritable tournant semble être pris. La maison brûle, et certains, comme Donald Trump, jouent les incendiaires, pendant que d’autres, comme les Européens, limitent les interventions des pompiers. La montée des extrêmes droites dans le monde développé, toutes climato-sceptiques, est une explication. Mais l’écologie s’oppose souvent à l’acte productif en général, qu’il soit industriel ou agricole, jugé polluant par essence. Les réglementations, normes et interdictions se sont multipliées, freinant la croissance européenne, déjà fragile, et provoquant une véritable exaspération parmi certains acteurs économiques, en premier lieu les agriculteurs. C’est un autre facteur expliquant ce recul général.
Le retour de Trump, un coup fatal à l’accord de Paris
Il n’y a pas eu de surprise lorsque, dès le premier jour de son retour au pouvoir, Donald Trump a signé un décret et adressé une lettre aux Nations unies annonçant le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, qu’il a qualifié d’« escroquerie injuste et unilatérale ». Pour lui, le réchauffement climatique est un vaste « canular ». Quant aux incendies qui ont ravagé Los Angeles, ils seraient, selon lui, uniquement dus à la mauvaise gestion des démocrates qui gouvernent cet État.
Les États-Unis sont le premier producteur mondial de pétrole et le deuxième émetteur de gaz à effet de serre. Trump a levé tous les freins au forage, commencé à s’attaquer aux projets éoliens et à la voiture électrique. Il a même poussé le cynisme jusqu’à nommer à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement un homme plus soucieux de « protection de l’économie ».D’autres pays pourraient suivre les États-Unis, à commencer par l’Argentine de Javier Milei. En réalité, les droites et les extrêmes droites mondiales ont entamé depuis plusieurs années un travail de sape des mesures facilitant la transition écologique.
L’exemple suédois : un revirement brutal
En septembre 2022, en Suède, les libéraux-conservateurs, soutenus par les Démocrates de Suède, un parti nationaliste et populiste, ont pris le pouvoir. La Suède, pourtant pionnière dans la lutte contre la pollution et parmi les premières à adopter une taxe carbone, a vu son nouveau gouvernement ralentir les efforts écologiques.
Le budget présenté en septembre 2023 prévoyait, pour la deuxième année consécutive, une hausse des émissions de gaz à effet de serre, estimée entre 4,8 et 8,7 millions de tonnes d’ici 2050. La coalition s’applique à démanteler des dispositions en faveur de l’écologie : réduction de la part des biocarburants dans l’essence et le diesel, suppression du bonus pour les véhicules propres, abandon des critères climatiques pour les marchés publics, réduction des subventions pour l’éolien offshore, etc. Le gouvernement suédois prétend néanmoins, hypocritement, atteindre les objectifs fixés par le « Green Deal » européen.
L’Europe en proie aux contestations
Mais le « pacte vert » a lui aussi du plomb dans l’aile. Depuis 2023, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer une pause dans les mesures visant à réduire significativement les émissions de CO₂ dans l’UE. Il est vrai que les contestations se sont multipliées.
Les manifestations des agriculteurs à travers l’Europe, dénonçant des réglementations jugées absurdes, les tracasseries administratives, ou encore l’interdiction de certains pesticides et engrais sans alternative viable, ont poussé la Commission européenne à temporiser.
Les industriels, qui avaient jusqu’ici relativement bien joué le jeu des activités décarbonées, sont désormais inquiets. Les sidérurgistes, les cimentiers, ainsi que le secteur automobile, confronté à des investissements massifs pour sa conversion à l’électrique et aux licenciements qu’elle entraînera, redoutent la concurrence chinoise, mais aussi celle des États-Unis, renforcée depuis le retour de Trump. Les appels à une pause viennent de toutes parts.
Qui pour porter le leadership écologique mondial ?
Le décrochage économique de l’Europe, la faiblesse de la croissance allemande, les difficultés budgétaires françaises, pour ne citer que ces deux pays, réduisent les marges de manœuvre pour des investissements massifs dans la transition écologique. Dès lors, qui prendra le leadership écologique mondial ? La Chine, qui domine déjà le marché des énergies propres ? L’Inde, le Brésil ? Certainement pas l’Europe, minée par ses divisions internes et par les nostalgiques du gaz russe ou les partisans du gaz de schiste américain.
Les écologistes et les partis qui les représentent ont peut-être voulu aller trop vite, trop loin, provoquant un violent retour de bâton. Le « tout vert tout de suite » risque de se transformer en « un peu de vert dans quelque temps ». Une pause ou une véritable panne ?
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