Série : l’eau et la planète. Faut-il un « code de l’eau » ? (4)
par Gilles Bridier
En France, la complexité du droit de l’eau entretient le flou qui favorise les conflits d’usage
Pourquoi le débat sur l’eau tend-il à se focaliser sur l’agriculture, alors que le refroidissement des centrales électriques absorbe 45 % des prélèvements d’eau, soit près de quatre fois plus que l’agriculture ? C’est que la plupart des prélèvements pour les centrales est restituée au milieu aquatique après utilisation, alors que la quasi-totalité de l’eau prélevée est consommée dans le cas de l’agriculture.
Ainsi, sur les quelque 33 milliards de m3 d’eau prélevés chaque année en France, un peu plus de 4 milliards sont consommés en bout de course, dont 58 % par l’agriculture et 12 % par les centrales.
« Plan eau »
D’où cette cristallisation. Car par son importance, c’est sur la filière agricole que les efforts d’économie seront les plus efficaces. Mais même si l’eau potable utilisée par les foyers ne représente que 18 % du total, on peut aussi se poser des questions sur la répartition de cette ressource dont – selon le Centre d’information sur l’eau – près de 40 % sont consacrés aux bains et douches et 20 % aux toilettes.
Pour parvenir à une gestion plus responsable, il ne suffit pas de déclarer cette ressource comme enjeu stratégique pour la nation, selon les termes d’Emmanuel Macron présentant son « Plan eau ». Encore faut-il mettre en place des moyens à la hauteur de l’enjeu.
Statut en eau trouble
Tirant des leçons de la sécheresse de 2022, un rapport interministériel pointe « la fragilité de notre modèle agricole et l’impérieuse nécessité d’un effort collectif massif pour en accélérer la transformation ». Mais il souligne également la multiplication des conflits d’usages en période de restriction lorsque des dérogations « pas compréhensibles » sont accordées, par exemple pour l’arrosage des terrains de golf.
Il insiste aussi sur la faiblesse des sanctions même dans des situations de restriction.« L’eau est encore trop fréquemment considérée comme une ressource inépuisable et gratuite », alertent les auteurs du rapport. Mais pour faire évoluer les comportements, reste à clarifier le droit de l’eau qui, aujourd’hui, manque de lisibilité.
Droit d’accès pour tous
Trois grandes lois en ont défini le cadre, adoptées entre 1964 et 2006. Elles ont permis une réglementation de la pollution, et affirment notamment le caractère d’intérêt général de la protection de l’eau. Rappelant le principe de gestion équilibrée et durable, elles consacrent le droit d’accès à l’eau potable pour tous dans des conditions économiquement acceptables par tous.
Mais pour prévenir les conflits d’usage et aider les préfets dans leurs arbitrages pour la répartition de la ressource, manque une clarification et une actualisation de son statut.
Une sorte de « code de l’eau unifié », comme pour l’environnement.