Édito. Covid. »Le paradoxe de l’assassin », par le professeur Frédéric Adnet.
Le choc. Ce matin, aux urgences, zéro patient Covid à hospitaliser. Et seulement trois malades du virus en réanimation. Je n’avais pas vu cela depuis le début de la cinquième vague, à la mi-novembre 2021. Voilà, c’est fait ! Le pic est clairement derrière nous.
Avec une vitesse de décroissance rapide, aussi rapide que sa montée, le taux de citoyens présentant un test SARS-CoV-2 positif est en train de chuter à vive allure. Certes, la situation est hétérogène dans notre pays.
Du Nord-Est vers le Sud-Ouest, le sommet des pics est décalé dans le temps. Un peu partout sur le front du Covid, les choses commencent à s’arranger, mais la Gironde et l’Occitanie sont en retard. Ce vent d’optimisme pousse même nos responsables politiques à envisager la fin du passe vaccinal à l’horizon fin mars-début avril…
En tant que directeur médical de crise hospitalier, j’observe, il est vrai, dans nos hôpitaux d’Île de France une période de calme absolu. Les appels Covid au Samu constituent à l’heure actuelle une activité marginale. Et on diminue même la fréquence de nos réunions de crise, ce qui constitue un très bon signe .
Et pourtant… que de morts ! Plus de 600 pour la seule journée du 8 février ! Observés dans beaucoup de pays très impactés par la vague « Omicron » : Israël, Danemark, États-Unis, Angleterre, la courbe de la mortalité COVID semble s’envoler !
Que se passe-t-il ?
Pour les désinformateurs, le raisonnement est, comme toujours simple :
1/ les pays les plus vaccinés ont la mortalité COVID la plus importante
2/ par conséquent c’est la faute aux vaccins.
3/ donc… le vaccin ne protège pas. Pire, il tue !
Laissons ce raisonnement « simple » aux simplistes.
En réalité, nous passons d’une situation épidémique à une période endémique. En clair, le virus est là, partout, et il affecte une part non négligeable de la population, estimée entre 20 à 25 % des Français. Ainsi, sur 4 patients qui se présentent à l’hôpital pour autre chose que du COVID, l’un d’entre eux sera probablement PCR positif – donc statistiquement- compté comme patient « Covid ».
Dans notre hôpital, nous n’hospitalisons plus beaucoup de patients malades du COVID, mais le taux de PCR positif reste pourtant à 20 %… comme au pire de la crise ! Bien sûr, ceci est valable pour les services de Médecine, les EHPAD et la réanimation avec ses 30 % de mortalité.
Ces patients appelés « Covid accessoire » sont difficiles à chiffrer, mais ils représentent une part importante des statistiques de la mortalité.
Qu’appelle-t-on « patients Covid » ?
C’est la somme des « vrais » malades du Covid + ceux qui viennent à l’hôpital pour un autre problème de santé ET qui présentent un PCR positif. Ces derniers représentent tout de même environ 30% de tous les fameux « patients Covid ».
Sachant que la PCR peut rester positive plusieurs mois après le début de l’infection, et même après la guérison, ce phénomène restera important tant que nous ferons le dépistage systématique de patients se présentant à l’hôpital.
Revenir à une situation détendue avec des indicateurs malheureusement trompeurs, c’est un peu la rançon de la gloire.
À ce phénomène s’ajoute évidemment la mortalité retardée des patients victimes de la « Covid » qui meurent après avoir passé plusieurs semaines en réanimation.
Que faut-il faire ?
Le passe vaccinal est au Covid ce qu’un manteau est à l’hiver.
Quand il fait froid, il est indispensable, sinon on meurt de froid.
Quand le printemps et la chaleur arrivent, on le met au vestiaire.
Même si certains ont voulu en faire un uniforme policier, ce n’était qu’un manteau.
Devant une situation endémique et une population largement immunisée grâce au vaccin, merci, il va sans doute falloir abandonner, acte fondateur, le passe vaccinal.
Qui nous a épargné des milliers de morts.
Et deviendra désormais inutile.
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