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Édito. « Virus : l’épouvantail Omicron », par le professeur Frédéric Adnet.

Edito publié le 03/12/2021 | par Frédéric Adnet

Le journal du Professeur Adnet.

Et voici le nouveau variant !

Cet « omicron » vient nous surprendre, nous perturber alors que l’on commençait à s’habituer de notre bon vieux delta.

Faut-il s’affoler ?

Non. Ce phénomène était non seulement prévisible, mais il s’inscrit dans… une histoire naturelle du virus. Après la souche historique de Wuhan, les variants du coronavirus se sont succédé au gré des mutations, véritable roulette russe qui peut donner un avantage décisif à l’un ou l’autre des variants. L’heureux élu deviendra alors prédominant, écrasant la concurrence des autres virus.

Cet avantage repose sur une meilleure transmissibilité, c’est-à-dire une plus forte contagiosité de la maladie qu’il véhicule. Ainsi, il y a eu des variants avec une durée de vie courte, voire ultra-courte, car leurs mutations ne leur ont pas donné l’avantage d’une grande contagiosité. Un handicap.

Parmi les variants dominant, en France, à partir de la souche historique de Wuhan, on a vu défiler successivement : le D614G, puis l’ « alpha » (le variant britannique), un petit peu de variant sud-africain (« beta ») et finalement notre « delta » arrivé d’Inde.

Enfin, mi-novembre 2021, apparaît cet « omicron » dans la province de Gauteng, province du nord de l’Afrique du Sud qui comprend les grandes villes de Johannesburg et de Pretoria. Il apparaît pratiquement simultanément au Botswana et à Hong-Kong. Le 26 novembre dernier, le variant omicron entre finalement dans le club très fermé des quatre V.O.C. « Variants Of Concern », « variants préoccupants », regroupant ceux qui posent de véritables problèmes de santé publique au niveau mondial.

Dans la liste des V.O.C., figure notre variant anglais ou « alpha », le variant sud-africain ou « beta », le brésilien « “gamma”, notre célébrissime “delta” et enfin, maintenant, notre nouveau venu sud-africain l’ “omicron”.

Ce dernier variant inquiète les scientifiques, car il présente un nombre anormalement important de mutations de la protéine S qui est cette molécule virale responsable de l’adhésion cellulaire, en clair, la clé pour nous envahir.

Deux problèmes : d’une part, lorsque l’on touche à la protéine S, on modifie son affinité pour envahir la cellule et donc on agit sur la contagiosité, et d’autre part, cette protéine en changeant d’habit, va tromper nos anticorps qui risquent de ne plus la reconnaître et donc rendre la vaccination ou l’immunité naturelle moins efficace.

Bon, en Afrique du Sud, il semble que ce variant commence à supplanter le delta. De quoi paniquer?

En fait, nous sommes dans un processus naturel d’évolution virale qui rend un variant dominant, parce que potentiellement très contagieux. Mais ce virus n’est pas programmé pour nous tuer, autrement dit, sa survie dépend certes de son pouvoir contagieux, mais pas de son pouvoir agressif et destructeur en provoquant une maladie mortelle. Contaminer n’est pas tuer.

Bien au contraire, nos coronavirus “gentils” continuent à provoquer des petites épidémies de rhume sans gravité, mais entrainant un portage plus long, car ces virus ne détruisent pas l’hôte (en général des gamins). Ces coronavirus s’assurent ainsi une survie sur le long terme.

Que faire ?

La fermeture des frontières peut ralentir sa propagation. Mais, en matière de propagation de virus, tout va très vite et cette mesure a probablement une efficacité illusoire. De plus, elle pénalise les pays qui ont, rapidement, eu la vertu d’isoler ce variant. Et de le faire savoir au monde entier.

Quant aux vaccins, deux hypothèses :

1/ Les vaccins actuels et l’immunité naturelle ne sont pas efficaces (réponse dans quelques semaines) auquel cas nous revenons à la case départ avec un scénario catastrophe type “première vague” dans l’attente d’une version V2 du vaccin ARNm .

Le problème n’est pas seulement la vague, mais surtout le manque de personnel. Par rapport aux vagues précédentes, nous avons, aujourd’hui, encore moins de lits disponibles pour accueillir les futurs malades.

Ou alors, scénario plus optimiste

2/ Nos vaccins actuels gardent une certaine efficacité contre les formes graves.  Nous pourrions ainsi éviter un rebond de patients à hospitaliser au plus mauvais moment, vu l’état actuel de nos hôpitaux et la période des fêtes de fin d’année.

Dans ce scénario optimiste, il faut ajouter l’utilisation des nouveaux médicaments: le molnupiravir pour le laboratoire Merk et le Paxlovid® pour le laboratoire Pfizer, médicaments anti-viraux directs qui ne s’attaquent pas à la protéine S et sont donc insensible aux mutations.

Conclusion :

Il est urgent de prendre patience. Les chercheurs vont cultiver ce variant dans des modèles cellulaires puis mettre ces cellules infectées au contact du sérum de patients vaccinés et de patients convalescents de la COVID-19. En mesurant la quantité de virus restant vivant, nous pourrons savoir si les anticorps naturels ou vaccinaux sont toujours efficaces ou induisent une réponse atténuée ; le plus probable étant une réponse atténuée.

Délai : quelques semaines.

Dans le cas favorable, nos anticorps nous protégeront toujours des formes graves. Dans le cas contraire, il faudra modifier l’ARNm pour qu’il s’adapte à la protéine S muté et recommencer une campagne de vaccination.

Encore faut-il que la transmissibilité de notre “omicron” soit plus forte que notre “delta” ? À voir.

À l’époque, son apparition avait d’ailleurs soulevé… les mêmes angoisses !

Alors, restons calmes. Et patients.

 

* Frédéric Adnet est directeur médical du SAMU de la Seine-Saint-Denis et responsable du service des Urgences du CHU Avicenne à Bobigny.

 


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