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Édito. « Condamnés à vivre avec la COVID-19? », par le professeur Frédéric Adnet.

Edito publié le 12/11/2021 | par Frédéric Adnet

Le journal du Covid du Professeur Frédéric Adnet

En décembre 2019, le monde s’apprêtait à affronter la pire pandémie depuis la grippe espagnole en 1918, qui fit des dizaines de millions de morts.
Au 12 novembre 2021, les comptes de la Covid-19 interpellent sur l’ampleur du désastre : 252 millions de personnes malades « officiellement déclarées » et plus de 5 millions de morts là aussi « officiels ».

Mais aussi… 7,4 milliards de doses vaccinales administrées !
Oui, nous connaissons l’arme que l’on croyait « fatale », un vaccin efficace avec une nouvelle forme d’action grâce à l’utilisation du fameux ARN messager.

Nous, scientifiques un peu naïfs, pensions posséder l’arme absolue contre ce virus. Une fois la population totalement vaccinée, cette fameuse immunité collective post-vaccinale, serait la ligne Maginot sur laquelle allait s’écraser l’insaisissable virus !

Cette immunisation collective efficace était pourtant une notion fondée. Le succès historique des grandes campagnes de vaccination a d’ailleurs permis de faire disparaître la variole, et quasiment la poliomyélite, de la planète. En France, la diphtérie et la rougeole ont pratiquement disparu.

Malheureusement, avec les variants du virus SARS-CoV-2, l’objectif d’un arrêt total de la circulation du virus n’est que chimère. Si la vaccination diminue la probabilité de transmission et d’être infecté, elle n’empêche pas… la circulation du virus. Reste que, chose essentielle, les campagnes de vaccinations actuelles nous protègent bien des formes graves et donc des hospitalisations.

Il y a donc, à l’heure actuelle, un changement fondamental de paradigme :
Non, nous n’arrêterons pas le virus,
Oui, grâce à la vaccination, nous allons le domestiquer en transformant la COVID-19 en une maladie infectieuse acceptable pour la société, qui ne submergera plus nos hôpitaux et nos réanimations.

A cette seule condition, nous allons pouvoir le laisser vivre. Un peu comme la grippe dont la société accepte les 10 000 décès par an sans décréter un pass sanitaire ou imposer d’autres mesures barrières.

La recherche de cet équilibre pour la COVID-19 n’est pas encore trouvée, mais nous nous orientons vers un schéma de ce type avec des pays comme l’Angleterre qui – probablement un peu trop tôt – a délibérément choisi de laisser le virus vivre sa vie dans une population vaccinée.

Quelle va être notre vie ?

Tout d’abord la vaccination.
Elle sera très probablement sujette à des « rappels réguliers ».
En effet, l’immunité conférée par une infection à coronavirus confère une immunité transitoire.Il existe quatre virus responsables d’épidémies de rhume dont on ne s’est jamais débarrassé. Et les mêmes personnes peuvent faire ces rhumes à répétition, d’une année sur l’autre.

L’immunité générée par la vaccination, qui mime la maladie, suit le même schéma :  elle décroit de manière sensible au bout du sixième mois notamment chez les patients âgés et plutôt chez les hommes. Nous nous orienterons donc vers des rappels vaccinaux réguliers pour maintenir une immunité stable. Et donc des épidémies gérables sur le plan sanitaire.
Une fois la population vaccinée et le virus « apprivoisé », le passe sanitaire et ses mesures barrières pourraient être progressivement levés pour retrouver une vie normale.

Une autre difficulté est la détection d’une présence massive de ce virus dans des réservoirs animaux que nous ne soupçonnions pas et notamment chez le cervidé, nouvelle source potentielle de contamination, d’apparition de variants et d’entretien de cette épidémie.

Au final, cette pandémie évoluera par foyers épidémiques ou vagues successives, que nous arrêterons de compter, et qui feront la “Une” de quelques journaux, comme les épidémies cycliques de grippe ou de bronchiolite.

Quid d’un scénario catastrophe avec l’apparition d’un variant insensible à la vaccination ?
Rassurons-nous.
Les espoirs dans les traitements antiviraux directs ainsi que la possibilité de modifier rapidement la formule moléculaire du vaccin ont tout pour nous rendre optimistes.

Une chose est sûre : dans certaines régions d’Allemagne ou les pays de l’Est de l’Europe où la population n’est pas vaccinée, l’épidémie provoque toujours, en ce moment même… un véritable carnage !

Alors, oui, avec la vaccination, nous pouvons vivre avec le méchant virus.

 

 

Frédéric Adnet est directeur médical du SAMU de la Seine-Saint-Denis et responsable du service des Urgences du CHU Avicenne à Bobigny.

 


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