Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

2/ Boris Johnson, le bouffon du Brexit : mauvais journaliste et politique à succès

publié le 03/08/2023 | par grands-reporters

Série d’été :  » Les populistes »

Alexander Boris de Pfeffel Johnson, dit Boris Johnson, ex-premier ministre, populiste né en aristocratie, menteur, drôle et bruyant, cheveux en bataille, mélange de clown blond et de taureau furieux, il fonce, tête baissée, promet la lune du Brexit libérateur mais apporte la débâcle. Du danger d’un bouffon qui voulait être roi…

Boris Johnson a mené deux carrières successives : le journalisme, puis la politique. La première fut aussi controversée que la seconde. À peine diplômé d’Oxford, il épouse la riche et jolie Allegra Mostyn-Owen, ce qui ne suffit pas à lui donner un état. Faisant donner l’une de ses innombrables relations familiales, il obtient un stage au Times, ce qui n’est pas donné à tous les journalistes débutants.

Comme il ne sait rien faire, on lui confie des tâches subalternes : il s’ennuie et n’impressionne guère ses rédacteurs en chef. Alors, pour trouver un raccourci vers la gloire journalistique, il pimente un de ses articles en inventant une citation qu’il attribue à son parrain, l’universitaire Colin Lucas.

Celui se plaint auprès du Times, qui découvre la supercherie et congédie l’imaginatif stagiaire. Lequel fait appel à une autre de ses relations, Max Hastings, directeur du très conservateur Daily Telegraph, qui le prend sous son aile et guide son apprentissage, avant de le nommer, à 25 ans, correspondant à Bruxelles.

Sans conviction particulière sur l’Europe, il comprend vite que pour se distinguer de la masse, il doit prendre le contrepied d’un milieu gagné à la cause de l’Union. Il se fait alors une spécialité d’envoyer à Londres des papiers polémiques où tout ce qui vient de la Commission européenne est présenté, au choix, loufoque ou maléfique.

Pour faire bonne mesure, il n’hésite pas à inventer certaines dispositions attribuées aux « eurocrates » qu’il tourne d’autant plus facilement en ridicule. Son crédit auprès de ses pairs, correspondants des autres journaux, est inversement proportionnel à la notoriété qu’il gagne en Grande-Bretagne en flattant les réflexes des eurosceptiques.

Il constate surtout qu’il y a grand avantage à braver, même par le mensonge, le « politiquement correct » en vigueur parmi les élus et les leaders d’opinion responsables.

Il est rappelé à Londres et sa célébrité naissante lui vaut d’être promu éditorialiste politique, tout en confiant à un collègue qu’il n’a « aucune opinion politique ».  Il a en revanche un talent d’humoriste incontestable, qu’il exerce à la télévision britannique où ses saillies et sa chevelure blonde en bataille le propulsent au rang de phénomène médiatique.

Surfant sur cette vague, il décide d’entamer une carrière politique, mais se voit proposer le poste de rédacteur en chef du magazine de la droite britannique The Spectator, à condition de renoncer à se faire élire. Il accepte, mais se présente tout de même dans la très sûre circonscription de Henley.

Il promet de démissionner rapidement du journal, mais reste quatre années de plus, menant grand train et, quoique marié pour la deuxième fois, multipliant les conquêtes féminines. Ses frasques finissent par faire scandale et le Spectator est rebaptisé le Sextator.

Parallèlement, il ne brille guère comme député et David Cameron, son ancien condisciple d’Oxford, refuse de l’intégrer à son shadow cabinet, le contre-gouvernement que l’opposition constitue pour se préparer au pouvoir. Si bien qu’il prend volontiers une porte de sortie quand on lui propose de l’opposer au travailliste Ken Livingston.

Il s’agit de déloger un vétéran populaire bien installé à la mairie de Londres : personne ne croit aux chances de Boris. C’est là que le jeune bouffon conservateur, qui entretient avec la vérité une relation très élastique, trouve l’occasion d’un destin national.

Par Denis McShane et Laurent Joffrin

A suivre…


TOUS DROITS RESERVES