3/ Boris Johnson: le joueur de poker
Alexander Boris de Pfeffel Johnson, dit Boris Johnson, ex-premier ministre, populiste né en aristocratie, menteur, drôle et bruyant, cheveux en bataille, mélange de clown blond et de taureau furieux, il fonce, tête baissée, promet la lune du Brexit libérateur mais apporte la débâcle. Du danger d’un bouffon qui voulait être roi…
Par Denis McShane et Laurent Joffrin
Candidat qu’on dit battu d’avance, Boris Johnson prépare soigneusement sa campagne à la mairie de Londres. Sa jeunesse et son excentricité plaisent aux habitants d’une capitale transformée par les années Blair, devenue le symbole de l’ouverture économique et de la modernité. Ken Livingstone, son adversaire, un ancien trotskiste surnommé « Ken le rouge », est en poste depuis huit ans. Johnson plaide le renouveau, se moque des vieilles lunes travaillistes et tient un discours libéral conforme à l’air du temps.
Il est élu, gagnant sa place parmi les leaders conservateurs de la nouvelle génération, porteurs d’un renouveau du parti.
Il se rend à son bureau à vélo, multiplie les sorties humoristiques et promet un avenir brillant à ses administrés. Sans expérience, il commet des erreurs dans les nominations et manque de projets, mais il a l’intelligence de reprendre ceux de son prédécesseur, qui a prévu d’investir dans les transports et de doter la capitale d’un système de vélos à louer.
L’innovation plaît aux Londoniens, qui plébiscitent les « Boris bikes ». Il défend la City, il met en circulation de nouveaux bus à impériale, plus écologiques, et lance la construction d’un nouvel aéroport au bord de l’estuaire de la Tamise.
Populaire, il est réélu en 2012 sur un discours moderniste, pro-immigration et anti-Trump. Il gagne pendant l’été une célébrité mondiale grâce au succès des Jeux Olympiques de Londres. Une image pourtant reste dans les mémoires : le maire de Londres suspendu par un fil au câble du téléphérique et immobilisé par une panne dans une posture ridicule, un drapeau britannique dans chaque main et un casque trop petit sur la tête.
Boris Johnson ne souhaite pas se représenter et entend briguer de nouveau un siège au Parlement. La Grande-Bretagne est alors au milieu d’un furieux débat sur le Brexit. Pour faire taire son opposition au sein du Parti conservateur, le Premier ministre David Cameron a convoqué un référendum sur la sortie de l’Union européenne, qu’il pense gagner sans peine.
Dans sa profession de foi, Boris magnifie « l’aubaine » que serait le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, et prédit un « choc économique » en cas de Brexit. Deux jours plus tard, le 21 février 2016, il se prononce pour la sortie du Royaume-Uni.
Son flair électoral l’avertit de la montée du vote « leave » et, surtout, il constate que la victoire du Brexit est la seule manière de se débarrasser de son rival David Cameron. Sans conviction ferme sur l’Europe, comme sur le reste, il devient la seule personnalité d’importance au sein du Parti conservateur à choisir le camp du Brexit.
Il mène une campagne d’une cynique démagogie en promettant la fin de l’immigration en provenance des pays de l’Est, des économies équivalentes au budget de la NHS, l’assurance santé des Britanniques, et un avenir d’expansion commerciale infinie en Asie et en Amérique, qui restaurerait la grandeur impériale du Royaume-Uni.
Le 23 juin 2016, la victoire du vote « leave » sonne le glas du Premier ministre. Boris Johnson a réussi son coup de poker. L’ancien maire de Londres apparaît à tous comme le successeur probable de David Cameron au 10 Downing Street.
A suivre…
Article réalisé en collaboration avec lejournal.info
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