5/ Boris Johnson : après la chute
Alexander Boris de Pfeffel Johnson, dit Boris Johnson, ex-premier ministre, populiste né en aristocratie, menteur, drôle et bruyant, cheveux en bataille, mélange de clown blond et de taureau furieux, il fonce, tête baissée, promet la lune du Brexit libérateur mais apporte la débâcle. Du danger d’un bouffon qui voulait être roi…
Par Denis McShane
Boris Johnson vient d’avoir son huitième enfant. Nous connaissons l’identité de la mère et ses enfants non déclarés font l’objet de ragots permanents à Londres. Boris Johnson a appelé le bébé Ulysse et espère manifestement que, comme le héros d’Homère, il reviendra régner sur l’Angleterre après une période d’exil.
Juste avant de démissionner de la Chambre des communes en juillet, après que les députés l’ont jugé coupable de mensonges incessants sur son comportement pendant la pandémie, Johnson a tenté d’organiser une révolte contre son successeur, le milliardaire immigré indien Rishi Sunak.
Sunak tente d’adoucir l’accord de Brexit signé par Johnson, qui a fait beaucoup de mal à l’économie britannique. Sunak a accepté les conditions de Bruxelles concernant l’Irlande du Nord, ce que l’ultra-droite du Parti conservateur a combattu. Johnson a organisé un vote aux Communes, mais seuls 21 députés sur 650 l’ont rejoint pour voter contre Sunak. Ce fut une fin appropriée pour une carrière parlementaire et trois décennies de campagne contre l’Europe.
Johnson est le maître du verbe. Sa démagogie est basée sur l’humour – plus Coluche ou Beppe Grillo qu’Éric Zemmour ou Nicolas Sarkozy. En 2016, Johnson avait déclaré à ses partisans que si la Grande-Bretagne votait pour quitter l’Union européenne, « des centaines de millions d’Européens suivraient l’exemple britannique. » C’est le contraire qui s’est produit. L’UE des 27 sans la Grande-Bretagne a vu la cohésion européenne se renforcer.
Lorsque le Brexit a eu lieu en 2016, Marine Le Pen a placé le drapeau de l’Union britannique sur ses comptes Facebook et de médias sociaux. Voyant le désastre qu’était devenu le Brexit, elle a changé de ligne. Elle a abandonné la campagne du FN/RN en faveur d’un référendum sur l’euro, ainsi que les autres mesures impliquant que la France adopte la même ligne que Johnson.
Le « Brexit dur » que Johnson a négocié lorsqu’il est devenu Premier ministre en 2019 a causé de graves dommages économiques. Le Bureau National de Recherche Economique britannique estime que le Brexit a réduit le PIB du Royaume-Uni de 6 à 11 %. Cela représente une perte pouvant aller jusqu’à 4000 euros pour chaque citoyen britannique. Tous les secteurs de l’économie britannique, de la City au tourisme, estiment que le Brexit de Johnson a réduit leurs ventes et leurs bénéfices.
Dans tous les sondages, les Britanniques disent maintenant qu’ils ont fait une erreur en 2016 en croyant aux mensonges de Johnson et une nette majorité d’entre eux disent maintenant qu’ils voteraient pour réintégrer l’UE si un nouveau plébiscite était organisé.
Chaque jour, un député conservateur annonce qu’il quitte la politique. En décembre 2019, Boris Johnson a obtenu une large majorité, mais trois ans plus tard, plus personne ne croit plus en l’avenir de sa politique populiste anti-européenne. Les sondages d’opinion indiquent tous que le travailliste Sir Keir Starmer sera le prochain Premier ministre.
Johnson aura bientôt soixante ans. Il a eu des femmes et des maîtresses toute sa vie et a gagné beaucoup d’argent. Cela va continuer : il va devenir une star des conférences privées. Les riches anglo-saxons ou asiatiques paieront cher pour être divertis par un homme qui reflète leur propre aversion pour l’existence de l’Union européenne et ses idées de coopération et de règles communes limitant les excès du capitalisme mondialisé de Davos.
Lorsque Johnson était maire de Londres, il a créé ce que l’on a appelé « Londongrad » : les oligarques de Poutine ont élu domicile à Londres, où des avocats et des experts en relations publiques les ont protégés de toute investigation judiciaire. Poutine a donné 16 millions d’euros à Johnson par l’intermédiaire de ces oligarques russes pour promouvoir le Parti conservateur. Poutine a également aidé à financer le Brexit car, comme Johnson, il déteste l’existence même de l’Union européenne.
L’héritage de Johnson est une Grande-Bretagne brisée et un parti conservateur désormais amer et divisé. Celui se rend compte dans la douleur que l’homme qu’il a promu au poste de Premier ministre alors qu’il savait qu’il était un menteur compulsif et qu’il ne s’intéressait qu’à son enrichissement personnel, a ouvert la voie à l’avènement d’un gouvernement travailliste.
Prochain portrait, série « Les populistes ». Italie: « Giorgia Meloni et le peuple de Rome »
Article réalisé en collaboration avec lejournal.info
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