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« Sugar Woman », une femme en Mongolie.

publié le 18/01/2015 | par Erik Bataille

La Mongolie se cherche un modèle original où faire cohabiter des concepts aussi éclectiques que la glorieuse épopée guerrière de Chingis Khan, des cultures religieuses tolérantes, une économie forte basée sur le commerce et les ressources naturelles, sans les excès de la société de consommation.


Son empire des steppes l’a menée aux confins des mondes turc, coréen, japonais, russe, chinois….Ses intellectuels ont côtoyé bouddhistes, confucianistes, musulmans, orthodoxes, laïcs, féministes…
Ce serait comme réinventer la «pax mongolica» qui dans les temps historiques créa un immense marché économique et culturel ouvert sur l’Europe, la Chine et l’Inde.

Pour réussir cette gageure, elle dispose de trois atouts majeurs:
une spiritualité tolérante, le pactole minier du désert de Gobi et un féminisme exceptionnel.Son empire des steppes l’a menée aux confins des mondes turc, coréen, japonais, russe, chinois….Ses intellectuels ont côtoyé bouddhistes, confucianistes, musulmans, orthodoxes, laïcs, féministes…

« Sugar Woman »

Elle ne quitte jamais son ombrelle ni les longs gants de soie qui lui montent jusqu’aux épaules. Où qu’elle soit! Dans le désert de Gobi, les steppes d’Asie centrale ou la taïga sibérienne. Sugarmaa craint le soleil qui pourrait hâler sa peau diaphane. C’est pourtant une femme redoutable, indépendante, bref mongole!

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Quand les «coopérants» soviétiques ont quitté la Mongolie en 1991, cette sédentaire de la capitale a d’abord créé l’une des premières sociétés locales de tourisme. Le marasme économique était profond et l’idée risquée. Au fil des années, elle est redevenue «nomade» des affaires, poursuivant un diplôme de gestion à Delhi, disparaissant pour un repérage de terrain en Sibérie avant de suivre des stages à Pékin, Séoul, Moscou….

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Comme la plupart de ses concitoyennes, elle a appris à se débrouiller seule dans un univers masculin et guerrier. L’homme s’absentait longtemps pour la guerre ou la transhumance. La longue parenthèse soviétique, accentuant cet état d’autonomie, a enfanté un féminisme naturel où, en dehors de la politique, les femmes ont longtemps trusté les diplômes et occupé les postes les plus importants.

Aussi à l’aise sur le 18 trous du golf de Terelj qu’avec des nomades tsatans, au 20 ème étage de la tour Monnis que dans une isba ouverte sur le lac Hovsgol, elle reste énigmatique et timide. Pourtant, elle descend d’une lignée exceptionnelle qui a marqué l’histoire mongole récente.

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«Mes arrières grands-parents étaient des éleveurs installés près de Karakorum l’ancienne capitale de Chinghis Khan. Ils possédaient un important cheptel avec les quatre espèces indispensables à la réussite d’un nomade : chameaux, chevaux, vaches et moutons. Ils étaient assez aisés pour envoyer leurs enfants à l’école de Moron, puis à Urga, la lointaine capitale alors uniquement composée de yourtes. »
Le clan est puissant et « on ne craignait que les loups et le dzud », la tempête climatique qui décime les troupeaux. Quelques jours de glace, de neige ou de sable et c’est la ruine. La région s’embrase alors sous les révolutions voisines.

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Son grand-père, Lhamkhuu Darizav, devient chef de la cavalerie. Le régiment d’élite qui, sous Chinghis Khan, établit, le plus vaste empire de tous les temps, du Pacifique aux faubourgs de Vienne.
«Nommé ensuite ministre de la défense, il devient le premier ambassadeur de la Mongolie indépendante à Moscou ».
Très vite, il se lie avec Michael Ivanovitch, président du soviet suprême. Mais Staline trouve bientôt les deux hommes trop démocrates. Le président sauvera sa peau en sacrifiant sa femme envoyée au goulag, mais ne pourra rien pour le grand-père de Sugarmaa.

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«On l’a alors accusé d’espionnage au profit de Puyi, le dernier Empereur de Chine» alors à la tête du Mandchoukouko, le royaume fantoche installé par les japonais. Il est pendu et «ma grand-mère, Sharav Dashdondong, déportée lors des purges de 1937 et 1938»
Cette ancienne grande mondaine des nuits de Moscou survit alors dans la steppe mongole grâce à la solidarité du clan. En 1961, « mon grand-père est enfin réhabilité comme héros de la nation ».

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Sa mère peut enfin travailler et devenir « la première rédactrice en chef de la radio nationale et mon père, Chuluun Jamsran, chef de la police». Avec la Perestroïka de 1991, la famille redevient un clan de pouvoir que l’histoire incite à la discrétion, loin de la politique. Ils seront alors ambassadeurs à Paris, Bruxelles, Washington…

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Sugarmaa est insatiable. Elle voyage au gré de ses obligations professionnelles, familiales et spirituelles. Elle a dans la tête une carte du monde, comme encore beaucoup de mongols. Qu’ils soient cavaliers du Khan ou chauffeurs de taxi d’UB. Les uns écumaient l’Eurasie dès le XI ème siècle, les autres convoient aujourd’hui leur voiture achetée en Allemagne, à travers l’Oural et la Sibérie.

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Après avoir multiplié les expériences professionnelles, elle s’investit maintenant dans le maintien des acquis des femmes, longtemps les plus en avance dans le domaine social. Avec Oyuka, Tuul et d’autres, elles perpétuent la longue tradition des comités de femmes. Tout naturellement !

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