Dossier Iran : Un peuple asphyxié par l’inflation
Confronté à une inflation qui a atteint 47 % sur un an à la fin août, le peuple iranien est asphyxié par le coût de la vie. Imaginons entre autres des loyers qui augmentent de 50 % en un an: tel est le lot des Iraniens pour se loger, eux qui subissent depuis cinq ans une envolée des prix d’au moins 40 % par an
Les fins de mois sont un casse-tête pour les 84 millions d’habitants, une population jeune constituée pour un quart de personnes de moins de 15 ans. En outre, le chômage qui stagne à des niveaux élevés (entre 11 et 12 % dans la période récente) frappe plus durement ceux qui arrivent sur le marché du travail, avec une personne sur quatre de moins de 24 ans sans emploi, d’après la Banque mondiale.
De sorte que, dans le pays, une personne sur trois vivrait sous le seuil de pauvreté. Avec une monnaie iranienne qui s’est tellement effondrée qu’un euro s’échange aujourd’hui contre quelque… 45 000 rials, le pays est exsangue. Or, cette crise économique a exacerbé la crise sociale déclenchée par la mort de la jeune Mahsa Amini .
Pourtant, avec 17 % des réserves mondiales de gaz et 10 % des réserves de pétrole, le pays est aussi le deuxième pays exportateur d’or noir de l’OPEP; il fait partie des grandes puissances de la planète pour les hydrocarbures. Certes, les sanctions imposées par les États-Unis contre le régime des mollahs (en 2012 puis en 2018 à cause du dossier nucléaire) ont considérablement affaibli l’économie du pays, dont 80 % des exportations provenaient des hydrocarbures. Les recettes liées au pétrole avaient diminué de moitié !
Basculement vers la Chine
Mais le pays s’est adapté en négociant de nouveaux débouchés, notamment auprès de la Chine qui a triplé ses achats de pétrole auprès de Téhéran en trois ans, selon le cabinet d’expertise spécialisé Kpler. Ainsi, l’Iran relance aujourd’hui sa production d’or noir qui atteint, selon l’Agence internationale de l’énergie, 2,9 millions de barils/jour. Et les exportations ont grimpé de 130 % sur un an.
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Fort de ses relations avec Pékin devenu son premier partenaire (un pacte de coopération stratégique et commerciale de 25 ans a été conclu entre les deux pays en 2021) et de son rapprochement avec la Turquie, l’Iran chiite est aussi parvenu à réchauffer ses relations avec l’Arabie saoudite sunnite, l’adversaire historique. Ainsi, non seulement les sanctions américaines n’ont pas réussi à isoler le pays, mais elles ont favorisé les liens avec la Chine et la Russie, ainsi qu’avec l’Inde et le Brésil, qui l’ont accueilli en août dernier au sein des BRICS.
Toutefois, ces nouvelles alliances de la République islamique n’ont pas encore de répercussions pour les Iraniens, qui doivent composer avec une économie sclérosée, regroupée aux deux tiers dans le secteur public. En plus, les Gardiens de la révolution géreraient en direct 40 % des entreprises de façon particulièrement opaque.
Religion, répression, pauvreté et corruption… les Iraniens ont bien du mal à respirer.
Gilles Bridier
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