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l’accord de Vienne : que peut–il changer dans la région?

publié le 29/07/2015 | par René Backmann

L’accord conclu à Vienne le 14 juillet entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Iran interdit à Téhéran de produire une bombe atomique et place le programme nucléaire iranien sous strict contrôle international, en échange de la levée des sanctions internationales en vigueur depuis 2006. Ce qui pourrait bouleverser l’équilibre géopolitique régional.


Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait adopter dès le début de la semaine prochaine une résolution, soumise mercredi par les États-Unis, qui validera l’accord sur le nucléaire iranien conclu à Vienne, le 14 juillet entre Téhéran et les « 5 +1 » (États-Unis, Russie, France, Chine, Royaume Uni, Allemagne). Ce texte remplacera de fait les sept résolutions adoptées depuis 2006 par l’ONU pour sanctionner la dimension militaire du programme nucléaire iranien ainsi que les activités balistiques de la République islamique. Après douze ans de crise et 20 mois de négociations intenses, le document de 109 pages, comprenant une déclaration et cinq annexes, sur lequel les négociateurs ont fini par se mettre d’accord peut légitimement être qualifié d’historique.
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D’abord parce qu’il apporte une solution pacifique à un contentieux potentiellement dévastateur dans une région – le Moyen-Orient – déchirée par un enchevêtrement de conflits. Ensuite parce qu’il signe le retour sur la scène politique internationale d’un pays de près de 80 millions d’habitants, détenteur des 4èmes réserves de pétrole de la planète et de 18% des ressources mondiales en gaz, héritier d’une histoire et d’une culture illustres et bastion du chiisme.

Enfin parce qu’il annonce peut être un bouleversement des équilibres géopolitiques régionaux en substituant à la domination exclusive des monarchies pétrolières sunnites un partage nouveau des zones d’influence où la république islamique chiite assumera un rôle plus en rapport avec sa démographie et son poids économique.

Présente en Syrie, où ses conseillers, ses combattants et ses protégés du Hezbollah libanais assurent jour après jour la survie du régime Assad, en affrontant la rebellion sunnite et l’Etat islamique, active en Irak où son corps expéditionnaire, là encore, pèse d’un poids décisif dans la protection du régime de Bagdad contre l’Etat islamique, la République islamique, influente au Liban, au Yémen, et au sein des minorités chiites dans plusieurs pays arabes de la région, peut être une force stabilisatrice aussi bien que déstabilisatrice.

La volonté de ses dirigeants actuels – y compris du guide suprême Ali Khamenei – de parvenir à un accord sur le nucléaire, semble indiquer que sans renoncer à son identité islamique et révolutionnaire, le régime de Téhéran a fait le choix de la normalisation de ses relations économiques et diplomatiques avec la communauté internationale. Et cela, tout en maintenant sa politique contre « l’arrogance américaine » et son soutien aux « peuples opprimés » de la région, comme l’a affirmé ce samedi Khamenei, qui s’exprimait à l’occasion de a fin du ramadan.

Rappelant que l’arme atomique est interdite par le Coran et la charia, Khamenei, a expliqué que la république islamique n’avait pas fait de concession stratégique à Washington mais discuté « sur la base de [ses] intérêts ».

Option cohérente, d’ailleurs, avec les orientations de son 6ème plan de développement économique (2016-2021) centré sur le renforcement de l’indépendance nationale, l’essor de la science et de la technologie, la promotion des valeurs islamiques et l’ouverture internationale. Alors que le pays, étranglé par les sanctions, traverse une crise économique sévère – plus de 17% de chômeurs, 15% d’inflation – l’accord, qui lui ouvrira de nouveau les portes du marché mondial permettra aussi le déblocage de près de 135 milliards de dollars de recettes d’exportations, gelées pour la majeure partie en Chine, en Corée du sud, en Inde et au Japon, en application des résolutions de l’ONU.

Il offrira ainsi à Téhéran la possibilité d’injecter au cours des années qui viennent des investissements massifs dans son économie. Les secteurs prioritaires sont déjà identifiés : énergie, infrastructures, transports, logement, industrie et mines, pharmacie, santé, agro-alimentaire. Des économistes locaux ont déjà estimé à 2 points de croissance les bénéfices tirés de l’accord dès la première année et annoncent une croissance de « Tigre », proche de 8% dans les 18 mois suivants.

Les grandes entreprises internationales, notamment françaises, dont plusieurs étaient très actives en Iran (Total, Renault, Peugeot) n’attendent que le feu vert officiel pour s’arracher les contrats iraniens. Comme le ministre allemand, de l’économie, Siegmar Gabriel, attendu à Téhéran, Laurent Fabius s’apprête à se rendre à Téhéran, défendre les intérêts français dans cette compétition qui s’annonce prometteuse mais rude.

Certes, à sept mois des élections législatives de février, les opposants au président Rohani, qui avait fait de la levée des sanctions l’un des objectifs majeurs de son mandat n’ont pas manqué de faire entendre quelques voix discordantes dans la ferveur populaire qui a salué l’annonce de l’accord.
Au parlement, les conservateurs les plus radicaux ont dénoncé un texte qui, à leurs eux, comporte des concessions excessives à l’Occident et surtout au « Grand Satan » américain.

Des députés ont même menacé le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui dirigeait la délégation de négociateurs, de procès pour haute trahison. Mais même l’ayatollah Ahamad Katami, directeur de la prière du vendredi à Téhéran et adversaire résolu des négociations a fini par admettre que l’accord « faciliterait grandement la vie des Iraniens ». Et surtout le guide suprême, qui avait défini, depuis le début les « lignes rouges » à ne pas franchir, a salué le travail des négociateurs, qui « méritent la récompense », et maintenu sa confiance et son soutien à Zarif, tout en mettant en garde le président Rohani contre « certains des six Etats » participant aux négociations, « auxquels on ne peut pas faire confiance ».

En d’autres termes, l’accord devrait franchir sans obstacle majeur l’examen du parlement iranien et du Conseil suprême de la sécurité nationale. Il restera à vérifier ensuite si les dispositions techniques du texte sont appliquées conformément aux engagements de Téhéran et si la volonté d’ouverture vers l’extérieur des dirigeants iraniens s’accompagnera aussi, à l’intérieur, de progrès en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme. Domaine où il y a beaucoup à faire.

Iran : un programme nucléaire sous strict contrôle international

Que contient l’accord de Vienne ?

Il repose en fait sur une architecture diplomatique et technique largement ébauchée dans l’accord-cadre conclu le 2 avril dernier à Lausanne qui garantit la nature strictement civile et pacifique du programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions internationales. Présenté comme une « victoire » par les dirigeants iraniens, ce texte qui s’appliquera pendant une période de 10 à 25 ans selon les dispositions concernées (une durée plus longue que ne l’aurait voulu Téhéran) répond à deux revendications de la République islamique : voir officiellement reconnu son « droit à l’enrichissement » et obtenir la fin des sanctions.

Il prévoit aussi, comme le souhaitait Téhéran une levée des sanctions et non une simple suspension. Mais il se traduit, non par un démantèlement des installations nucléaires iraniennes, comme l’envisageaient les premiers négociateurs européens il y a dix ans, mais par une reconversion radicale du programme nucléaire iranien et une mise sous contrôle international étroit des activités nucléaires de la République islamique. Le détail des mesures acceptées par l’Iran est éloquent.

Le stock d’uranium faiblement enrichi dont dispose aujourd’hui l’Iran (7500 kg enrichi à 5% et 200 kg enrichi à 20%) sera limité, pour 15 ans à 300 kg enrichis jusqu’à 3,67%. Et l’excédent sera transféré à l’étranger – en principe en Russie – ou dilué. Téhéran, qui accepte de ne pas construire de nouvelles installations d’enrichissement pendant 15 ans va réduire son nombre de centrifugeuses de 19 000 – dont 10 200 en activité – à 6104 dont 5060 en fonctionnement, pendant une durée de dix ans.

Et ces centrifugeuses de première génération ne pourront pas enrichir de l’uranium au-delà de 3,67 %, ce qui est compatible avec un usage civil, comme la production de combustible nucléaire pour un réacteur, mais très loin de la concentration de 90% requise pour produire une bombe. Les machines en excès seront stockées sous scellés.

L’Iran pourra poursuivre ses activités de recherche sur les centrifugeuses plus performantes, mais n’enrichira plus d’uranium dans le site souterrain fortifié de Fordo. Transformé en Centre de physique et de technologie nucléaires, Fordo ne contiendra plus aucune matière fissile et sera vidé des deux tiers de ses centrifugeuses actuellement installées. Téhéran a accepté que ses activités d’enrichissement d’uranium, limitées et contrôlées, soient concentrées dans les installations de Natanz où ne seront maintenues que 5060 des 17 000 centrifugeuses les plus anciennes, de type IR-1.

Les centrifugeuses IR-2, plus puissantes seront retirées et placées sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Compte tenu de ces dispositions, il faudrait à l’Iran – s’il décidait de rompre l’accord – un délai (breakout time) d’un an pour produire une bombe, au lieu de 2 à 3 mois aujourd’hui.

Déjà présente en Iran, l’AIEA sera chargée de contrôler régulièrement tous les sites nucléaires avec un champ d’action et des prérogatives largement renforcées. L’agence pourra ainsi étendre son activité à la totalité de la filière nucléaire iranienne, de l’extraction de l’uranium aux laboratoires de recherche-développement en passant par la conversion et l’enrichissement. Les inspecteurs de l’IEA auront accès aux mines d’uranium et aux usines de concentration pendant 25 ans. Téhéran a également accepté un accès limité de l’AIEA à des sites militaires non nucléaires, si les inspecteurs soupçonnent l’existence d’activités nucléaires illégales.

L’accord interdit également à l’Iran de produire du Plutonium 239, autre composant possible d’une bombe nucléaire et prévoit la modification du réacteur à eau lourde en construction à Arak, pour le rendre inapte à la production de plutonium. Les déchets produits par l’installation seront envoyés à l’étranger pendant toute la durée de vie du réacteur. Il sera également interdit à Téhéran d’étudier et d’expérimenter des ogives et des dispositifs ou technologies de mise à feu liées aux armes nucléaires.

En cas de violation de l’accord, rétablissement automatique des sanctions

Dès que la mise en œuvre par l’Iran de ces mesures, aura été attestée par un rapport de l’AIEA, les sanctions adoptées par les Etats-Unis et l’Union européenne, qui frappent les secteurs de la finance, de l’énergie et des transports seront levées. La même procédure débouchera sur la levée des sanctions prévues par les six résolutions de l’ONU. Mais les mesures de lutte contre la prolifération nucléaire prévues par ces sanctions (interdiction d’importation de certains équipement ou matériaux) seront maintenues pendant dix ans au moins, jusqu’à ce que l’AIEA ait garanti le caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien. Seront aussi maintenues, au moins pendant cinq ans, avec des exceptions accordées par le Conseil de sécurité de l’ONU, les sanctions sur les armes conventionnelles, tandis que tout commerce lié à des missiles balistiques dotés de capacité nucléaire reste interdit pour une durée illimitée.

Que se passerait-il Si l’Iran violait ses obligations ?

Si l’un des six Etats signataires de l’accord avec Téhéran constatait que la république islamique ne respecte pas ses engagements et se montre incapable de fournir une explication crédible et acceptable dans un délai de 35 jours, au sein de la commission conjointe prévue par l’accord, il pourrait obtenir du Conseil de sécurité la mise au vote d’une résolution réaffirmant la levée des sanctions. Il lui suffirait alors d’opposer son veto pour obtenir, automatiquement, dans un délai d’un mois, le rétablissement des sanctions.

Baptisé « snap back », ce dispositif que la France, selon les déclarations de Laurent Fabius au Monde (15 juillet), « a beaucoup œuvré pour proposer et faire adopter » est surtout destiné à court-circuiter l’opposition éventuelle de Moscou et de Pékin à une demande de rétablissement des sanctions. En mettant au vote la réaffirmation de la levée des sanctions et non le rétablissement des sanctions, il prive la Russie et la Chine de l’usage de leur propre veto.

« Ni Pékin, ni Moscou n’ont cependant été hostiles à cette disposition, confie un négociateur français. Ils ont au fond le même intérêt que Paris, Londres, Washington ou Berlin, à développer leurs relations économiques avec l’Iran, donc à voir l’accord respecté, c’est-à-dire à accepter l’existence d’incitations et de mesures punitives jugées dissuasives par Téhéran ».

Israël : un mauvais accord qui menace la sécurité internationale.

Comme prévu, c’est le gouvernement israélien qui s’est montré, de loin, le plus hostile à l’accord de Vienne. « L’accord sur le programme nucléaire iranien est une grave erreur aux conséquences d’ampleur historique, a réagi le premier ministre Benjamin Netanyahou dès l’annonce de la fin des négociations. L’Iran va obtenir un sauf-conduit vers les armes nucléaires. Beaucoup des restrictions qui devaient l’empêcher de s’en doter vont être levées. C’est le jackpot pour l’Iran, une manne de centaines de milliards de dollars qui vont lui permettre de continuer à agresser et à terroriser la région et le monde ».

La fureur du premier ministre, qui semble égarer son jugement, ou au moins, troubler sa lecture des dispositions de l’accord, est à la mesure de l’échec qu’il vient de subir. Depuis des années, Benjamin Netanyahou s’efforce de convaincre le reste du monde, à commencer par son allié et protecteur américain que le programme nucléaire iranien représente une « menace existentielle » pour Israël.

On se souvient de son discours à l’ONU, en octobre 2013, où il avait dénoncé « l’offensive de belles paroles et de sourires » du nouveau président iranien réformateur Hassan Rohani, en brandissant le schéma d’une bombe destiné à montrer que Téhéran avait parcouru 90% du chemin vers la production d’une arme nucléaire. On se souvient aussi de sa mise en garde, devant le Congrès américain en mars 2015, contre le marché de dupes de la négociation avec l’Iran, où le secrétaire d’Etat américain John Kerry et Barack Obama étaient décrit sen naïfs voire en idiots manipulés par les machiavéliques négociateurs iraniens.

Cruel, le quotidien en ligne israélien Ynet Neews avait alors rappelé qu’en 1993, Netanyahou annonçait déjà la bombe nucléaire iranienne pour 1999. Ni les démentis des généraux, ni les sarcasmes des anciens directeurs du Mossad, qui ne tenaient pas la bombe nucléaire iranienne pour une « menace existentielle » à court terme, et qui, pour certains d’entre eux déploraient même l’usage politique qu’en faisait le premier ministre n’ont réussi à convaincre Netanyahou de renoncer à brandir cet argument. Au contraire.

A intervalles réguliers, au cours des dernières années, des « fuites » habilement dirigées annonçaient l’imminence d’une frappe israélienne, ou américano –israélienne sur les installations nucléaires iraniennes. Qu’importe si les principaux intéressés – les militaires israéliens – s’interrogeaient sur la faisabilité d’une telle opération et surtout sur son efficacité à long terme. « Israël n’est pas lié par cet accord avec l’Iran », a tenu à préciser Netanyahou, dès la fin des pourparlers de Vienne. Nous saurons toujours nous défendre ». Propos repris peu après par son ministre de la défense, le « faucon » Moshe Yaalon, devant la commission des affaires étrangères et de la défense de la knesset.

Quant au directeur du ministère israélien des affaires étrangères, Dore Gold, qui fait office de responsable de la diplomatie en l’absence de ministre titulaire il va jusqu’à affirmer que la région va devenir « plus dangereuse », et que le risque de prolifération va croître, oubliant apparemment que son pays détient depuis longtemps, sans le revendiquer officiellement, la bombe atomique et n’a jamais signé le Traité de non-prolifération ou accepté les inspections de l’AIEA.

« Benjamin Netanyahou n’est pas le seul premier ministre d’Israël contraint d’affronter la menace de l’arme nucléaire iranienne, écrivait jeudi l’éditorialiste du quotidien Haaretz. Yitzhak Rabin, Ehoud Barak, Ariel Sharon et Ehoud Olmert se sont trouvé confrontés au même problème. Mais aucun n’a fait de l’Iran sa préoccupation prioritaire, avec annonces de désastre et prophéties de catastrophe tout en mettant en péril des intérêts vitaux du pays comme les liens entre Jerusalem et Washington. L’Iran, poursuit l’éditorial, titré ’’ Assez d’hystérie’’, entend utiliser cette décennie pour réhabiliter son économie et répondre aux besoins de la population.

Israël pourrait et devrait faire la même chose. Mais ses dirigeants politiques continuent à refuser de mettre à profit cette période pour affecter à des dépenses civiles des crédits destinés à la défense et tenter de conclure un accord de paix avec les palestiniens. A leur grande honte, les leaders de l’opposition, se bornent à répéter l’argument de Netanyahou sur le ’’mauvais accord’’. Comme lui, ils sont incapables de voir que cet accord peut être l’occasion d’un tournant décisif ».

Réelle, exagérée ou fantasmée, la menace d’une bombe nucléaire iranienne, a surtout été utilisée, jusqu’à présent par Netanyahou, pour remettre à plus tard le règlement du problème palestinien et préserver le statu quo dans lequel s’est installé Israël, à l’abri du mur de séparation en Cisjordanie et protégé des turbulences de Gaza par la répétition des opérations dévastatrices.


Obama sous pression du Congrès et d’Israël

C’est probablement à Washington, devant le Congrès, qu’aura lieu la contre- offensive du premier-ministre israélien. Fort de ses excellentes relations avec la majorité parlementaire républicaine et avec une partie des démocrates, Netanyahou, qui ne cache plus – et c’est réciproque – la nature orageuse de ses relations avec Barack Obama, va bombarder, pendant les deux mois qui viennent, les leaders républicains d’arguments inquiétants, pour tenter d’obtenir du Congrès le rejet de l’accord. C’est-à-dire la transformation de la victoire d’Obama en défaite.

Avec des interlocuteurs comme Rick Santorum, candidat à l’investiture républicaine, qui tient l’accord pour « une folie », ou le sénateur Bob Corker, qui se déclare certain que les iraniens « tricheront et auront la bombe », il ne manquera pas de relais éloquents. Mais le président américain, qui considère la conclusion de cet accord comme l’un des sommets de ses deux mandats n’est pas sans armes non plus.

D’abord parce qu’il pourrait mettre son veto à une motion désapprouvant la levée des sanctions. Ensuite parce qu’une telle mesure, si elle était adoptée et confirmée ne vaudrait que pour les sanctions prises par les Etats-Unis, mais n’empêcherait en rien la levée des sanctions de l’ONU et de l’Union européenne. Et dans une telle hypothèse ce sont les entreprises américaines qui seraient pénalisées en se retrouvant exclues de la course aux contrats.. Ce qu’elles ne manqueraient pas de reprocher à leurs élus.

Israël dans cette bataille ne se contentera probablement pas d’encourager et d’appuyer ceux qui s’opposeront à l’accord mais tentera aussi d’obtenir des Etats-Unis des moyens supplémentaires, financiers et matériels pour assurer sa sécurité, en invoquant la menace accrue que représente un Iran délivré des sanctions. Washington ne laissera pas mettre en péril la sécurité et l’existence d’Israël. C’est ce que ne cessent de répéter les responsables américains chaque fois qu’une menace nouvelle est désignée par le gouvernement israélien.

C’est sans doute ce qu’a rappelé Barack Obama lorsqu’il a téléphoné à Benjamin Netanyahou dès la conclusion de l’accord. C’est sans doute aussi ce que confirmera à ses interlocuteurs le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter qui sera en Israël lundi et mardi avant de se rendre en Arabie saoudite. Si les dirigeants israéliens refusent d’utiliser le mot de « compensation » pour définir ce qu’ils attendent aujourd’hui de Washington, il est déjà clair, pour les experts des relations entre les deux pays, que le gouvernement israélien pourrait chercher à obtenir des Etats-Unis l’assurance d’une intervention armée en cas d’attaque iranienne.

Les dirigeants israéliens pourraient aussi profiter de cette occasion pour obtenir que l’aide militaire annuelle versée par Washington soit portée de 3 à 4, 2, voire 4, 5 milliards de dollars pour faire face aux nouvelles menaces. Il est également question de renforcer le soutien américain au programme du missile anti-missiles Arrow, et d’augmenter de quelques unités la commande de 33 avions de combat de la dernière génération F-35, déjà en cours.

Les monarchies arabes : l’Etat islamique est plus menaçant que l’accord de Vienne

Aussi hostiles qu’Israël aux ambitions de Téhéran, les monarchies arabes sunnites qui redoutent le retour de l’Iran chiite sur la scène politique et économique internationale, pour des raisons de suprématie régionale et de rivalité religieuse ont, officiellement au moins, offert un accueil plutôt favorable à l’accord de Vienne. Selon la Maison Blanche, où a été reçu vendredi le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, Riyad a « bien accueilli » l’accord.

Jugement confirmé par un communiqué de l’ambassade saoudienne à Washington réaffirmant « le soutien de l’Arabie saoudite à un accord qui empêche l’Iran d’obtenir des capacités nucléaires ». Même la chute des cours du pétrole et du gaz que pourrait provoquer le retour en force de l’Iran sur ces deux marchés ne semble pas, pour l’instant, être une source d’alarme chez les potentats des hydrocarbures. Il est vrai qu’il faudra de longs mois, voire davantage pour que Téhéran revienne à sa poduction d’avant les sanctions.

Tout en déplorant, comme Israël, que la levée des sanctions mette bientôt à la disposition de Téhéran des fonds considérables qui pourraient être utilisés pour soutenir dans le monde arabe des rebellions, comme au Yemen, des groupes d’opposition, comme au Bahrein, des milices comme le Hezbollah – qui reçoit déjà 200 millions de dollars par an – où des régimes condamnés comme celui de Damas, bénéficiaire d’une aide annuelle de 35 milliards de dollars, les monarchies du Golfe se sont bien gardées de condamner ouvertement l’accord.

« Il peut être l’occasion d’ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les pays de la région du Golfe, a déclaré mardi à l’AFP un responsable des Emirats arabes unis, qui entretiennent de bonnes relations commerciales avec leur voisin, malgré un contentieux territorial sur trois ilots du Golfe. L’Iran, a-t-il poursuivi peut avoir un rôle significatif dans la région à condition qu’il révise sa politique et cesse ses ingérences dans les affaires intérieures de pays comme l’Irak, la Syrie et le Yémen ».

L’agence officielle émiratie Wam a même indiqué que les dirigeants d’Abou Dhabi ont envoyé des télégrammes de félicitation au président iranien Hassan Rohani en espérant voir l’accord intervenu à Vienne « renforcer la sécurité et la stabilité de la région ».

Les mêmes dispositions, officiellement bienveillantes ont été constatées au Qatar, au Koweit et à Dubaï, où existe une importante communauté iranienne, très dynamique dans les affaires, et où sont basés bon nombre d’entreprises internationales qui guettent avec impatience la levée des sanctions et l’ouverture du marché iranien. Seul le royaume de Bahrein, où une monarchie sunnite soutenue par Riyad règne, d’une poigne de fer, sur une population en majorité chiite a manifesté son inquiétude.

« Cette attitude n’a rien de réellement surprenant, commente un diplomate français. Pour la plupart des Etats arabes de la région, l’inquiétude majeure, court terme, ce n’est pas une hypothétique bombe iranienne mais la dislocation de la Syrie, le déchirement de l’Irak et le danger que fait peser sur la région l’Etat islamique. » Or l’Etat islamique est, en Syrie comme en Irak, l’adversaire prioritaire de l’Iran, qui soutient les régimes de Damas et Bagdad. En Syrie, face aux occidentaux, qui aident la rébellion anti-Bachar, en Irak aux côtés des occidentaux qui on déployé des avions et quelques troupes au sol pour protéger le régime.

Les négociateurs occidentaux l’affirment : l’implication ouverte de Téhéran dans ces deux conflits, son influence sur la crise du Yémen, n’ont jamais interféré dans la négociation nucléaire. Mais la diplomatie russe estime apparemment que le retour de l’Iran sur la scène diplomatique internationale constitue, que les monarchies sunnites l’admettent ou non, une nouvelle donne géopolitique régionale propice à une initiative originale pour mettre un terme à la crise syrienne : la mise sur pied d’une vaste coalition contre l’Etat islamique, incluant tous les protagonistes actuellement engagés séparément dans ce combat, y compris le régime de Bachar al-Assad…