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Mort de Gaston Besson . « Moi, Gaston B. , mercenaire français… »

publié le 15/11/2022 par Jean-Paul Mari

Gaston Besson est mort en Croatie à l’âge de 56 ans, personnage controversé, « mercenaire », « aventurier » ou « idéaliste » selon les points de vue, lui-même se définissait comme “ultra-nationaliste, socialiste et libertaire”

Au début, Gaston Besson a le profil classique du gosse en mal d’aventures qui a trop lu « Les tambours de bronze » de Lartéguy: chercheur d’or en Guyane française à 16 ans, militaire à 18 ans, entrée en rebellion chez les Karens de Birmanie, sur fond de jungle et de malaria. Gaston suit son frère ainé.

Mi-reporter, mi-mercenaire, il traine dans les guerillas du Surinam, du Laos et du Cambodge, revient, essaie de vivre en France, échoue, s’ennuie et dérive en regardant les images de guerre de l’ex-Yougoslavie. Un copain journaliste part en Croatie, il le suit. Là-bas, il va se battre, côté croate, de novembre 1991 à février 93.

Aujourd’hui, le soldat-perdu a les yeux des adultes qui ont trop tué. De Vinkovci, Karlovac, Slavonski-Brod en Croatie à Mostar, Kuprès et Brcko en Bosnie-Herzégovine..Il raconte son action dans les commandos d’extrême-droite du HOS ou chez les bérets verts croates, les rencontres avec les autres mercenaires étrangers mais aussi les chasses à l’homme, les exécutions sommaires, les batailles où on ne fait pas de prisonniers, celles où on achève les blessés.

 

grandsreporters.com l’avait rencontré à son retour de la guerre en Yougoslavie.

 

Interview.

 

Q: Comment êtes-vous entré dans la guerre en Yougoslavie?
R: J’étais parti là-bas avec la vague idée de faire des photos. Quand je suis arrivé à Vinkovci, la ville allait tomber. Il y avait une atmosphère de fin du monde. Et en même temps un immense élan nationaliste, une sorte de combat fou pour la liberté, des gens qui ne savaient pas se battre partaient se faire étriper au front. J’ai passé une semaine avec eux dans les tranchées. Et puis, une nuit, il y a une attaque, je ne pouvais pas faire de photos…je me suis retrouvé avec une kalachnikov dans les mains.

Q: Et vous saviez vous en servir?
R: Oui. Je m’étais déjà battu. J’avais même entrainé des recrues en Asie du Sud-Est. La plupart des Croates n’avaient pas de compétences militaires. C’était pas une armée. Leur stratégie, c’était « Bordel, couvrez! » Un bordel monstre. J’avais envie de m’engager à fond. Je me suis retrouvé dans les commandos du 6éme bataillon du HOS à Vinkovci. On était installé dans des caves, on sortait la nuit, dans le no man’s land, entre les lignes serbes, pour aller « taper » un char ou un mortier. Au début, j’étais avec un type surnommé « Chicago », un fou furieux qui avait passé deux ans aux Etats-Unis. Il nous faisait faire n’importe quoi, sortir droit devant, dans les lignes, et accrocher l’ennemi au hasard. Une folie. J’ai décroché. Et j’ai essayé de former des hommes. Les combats ont été très durs en novembre et décembre 91. Puis avec l’accalmie, la milice du HOS [ suspectée par Zagreb de préparer un putch NDLR ] a commencé à recevoir moins d’armes. A la fin du mois de mars, le QG du HOS à Zagreb a sauté: cinq morts, douze blessés. On n’a jamais su comment. C’était la fin du HOS. Sur le front, je commandais un groupe de douze hommes. Ca s’est très mal terminé. Tout le groupe a été fauché dans une opération. On est parti à travers les mines. De mon côté, j’ai fait sauter un char; mais les autres sont tombés nez à nez avec la relève de la garde. A la lumière des fusées éclairantes, tout le monde a été pris sous le feu des mitrailleuses, au milieu des mines bondissantes: un carnage. Il y a eu deux survivants. C’était la fin de la guerre en Croatie. Déjà, beaucoup de croates-bosniaques retournaient en Bosnie. Deux ou trois mois à l’avance, tout le monde savait ce qui allait se passer là-bas. Alors, ils y allaient. Moi, je suis reparti à Zagreb, on m’a mis dans une unité spéciale croate, les bérets verts. Direction: l’Herzégovine.

Q: D’où venaient les étrangers de votre unité?
R: Je commandais une section de trente hommes. Les trois-quarts étaient des croates venus des USA, d’Australie et deux croates-français. Il n’y avait que trois vrais étrangers: un hollandais, un anglais et un ancien légionnaire français, sergent-chef devenu depuis général. Tout le monde parlait français à la radio. Il y avait beaucoup de légionnaires, d’anciens militaires qui avaient fait huit ou dix ans d’active. C’était un mélange d’anciens soldats et d’aventuriers-idéalistes. Beaucoup d’anglais ultra-conservateurs ou travaillistes qui n’arrétaient pas de s’engueuler, quelques français, des allemands..j’ai croisé quelques rares néo-nazis. Combien d’étrangers? ..Cinq cents au total dont une une soixantaine en permanence. Peu de jeunes come moi. Ceux qui vont se battre ont souvent la trentaine. Il y a eu une cassure dans leur vie, un pépin, un coup de blues, alors ils decident d’aller jouer avec la mort. Mais ils ont souvent une vie et un travail ailleurs. S’ils ne sont pas blessés ou tués, ils repartent au bout de deux ou trois mois. Je me rappelle d’un britannique, mi-espagnol, mi-anglais, avec les cheveux très longs, un ancien militaire qui tenait un bar aux phillippines. Un jour, un copain lui a parlé de Vukovar. Et ils sont partis tous les deux, vers Hong-kong, ont pris le train pour Moscou et traversé toute l’Europe jusqu’en Yougoslavie. Lui a été grièvement blessé. Il avait des éclats tout autour du coeur et les toubibs lui ont interdit de bouger. Il nous a immédiatement rejoint sur le front en Bosnie, s’est battu un temps, puis a disparu en direction de l’Espagne. Jamais revu.

Q: Quelle était votre solde?
R: Quatorze mille cinq cent dinars. Soit mille deux cent francs au début de la guerre et, plus tard, avec la dévaluation de la monnaie croate, l’équivalent de trois cent francs. On ne se battait pas pour de l’argent. En Bosnie, la paye était inexistante; il y avait des « clubs » chargés de répartir l’argent qui venaient des croates de l’étranger. Quand on revenait trois mois à Zagreb après trois mois de front, on nous donnait mille cinq cent francs, de quoi se payer un hôtel correct et dix jours à se saouler. Pour tout oublier. j’ai perdu neuf amis là-bas. Pierre, un aventurier dans l’âme, ni intelligent, ni bête, fasciné par l’histoire des guerres; je ne sais pas pourquoi il est venu, il devait chercher l’aventure de sa vie, il l’a trouvé. On s’est fait encercler par les chars, deux heures pour regagner nos lignes avec deux morts et douze blessés. François a pris deux balles dans la cuisse, il s’est vidé en cinq minutes. A vingt sept ans. Je l’adorais. Ca m’a fichu un coup. Il y a eu Pierre, un ancien légionnaire, une balle dans la tête à Livno. Et Jean-Louis, ancien de l’armée française, tué en Décembre 91. Et John, tué en quinze jours. Lui ne savait pas pourquoi il était là.

Q: Pourquoi autant de pertes? On envoyait les étrangers dans les coins les plus durs?
R: Non. On y allait tout seul. On était là pour « faire quelque chose ». Pas pour monter la garde.
Partir ou rester..c’était nous qui décidions. Après l’extermination de mon groupe à Vinkovci, j’ai eu envie de retrouver en Bosnie les croates-bosniaques qui s’étaient battus avec nous. C’est tout. Une rencontre avec un copain sur le quai d’une gare, une cuite, un train…et on changeait tous nos plans. Ne cherchez pas le rationnel…

Q: Est-ce que vous saviez, au moins, pourquoi vous vous battiez?
R: Au début, oui. Par idéalisme, la défense d’un pays attaqué, à un contre dix, tenir, il fallait tenir les villages…même si on n’a pas cessé de reculer dans guerre. Et puis, au fur et à mesure, on a changé. Il n’y avait plus que les copains. Et la guerre pour la guerre. Au combat, il n’y avait même pas de marijuana, pas d’amphétamines. Moi, j’aime pas les cachets; je suis assez nerveux comme ça. Mais dès qu’on sortait du front, on devenait des alcooliques finis. A Zagreb, j’étais saoul 24h sur 24.

Q: Pour oubliez que vous deveniez un sauvage?
R: la sauvagerie?…Oui. Chez les autres et chez soi-même. Après chaque passage au front, on réalise qu’on n’est plus le même. Alors, on boit. Pour oublier la peur de se voir mourir. Pour oublier les civils. On les évitait à tout prix. Quand les croates voulaient nous traduire leurs histoires de massacres et de viols, on fuyait. on ne voulait pas entendre, pas savoir. Moi, je n’ai pas vu de massacres de civils, je n’ai vu que des tombes devant les maisons. J’ai vu des cadavres sans yeux et sans oreilles..C’était banal. Surtout après les combats, il y avait toujours des gens de l’arrière pour venir s’acharner sur les cadavres. Nous, on s’en foutait.

Q: Vous avez été témoin de tortures?
R: Tabassages, oui. Pas de tortures. Nous, on tenait nos hommes. Vous savez, les serbes sont pas plus méchants que les croates. La différence, c’est le laisser-aller, l’impunité totale dont les soldats bénéficient. Bien sûr, il y a eu des viols et des exécutions sommaires chez les croates, mais pendant les combats et jamais au vu et au su des officiers. A Zéric, au nord de Tuzla, au début de la guerre, le village serbe était entouré par les croates. Il y avait une belle route en asphalte qui évitait des heures de marche dans la montagne. Pour l’utiliser, on s’était mis d’accord avec la population serbe. Pas de problèmes. Jusqu’au jour où l’armée serbe arrive. Les villageois se réveillent et massacrent trois ou quatre familles croates qui vivaient là. Ils prennent une jeep qui
passe par là et son conducteur, « Millo », un copain allemand-croate. On l’a retrouvé les mains clouées sur une porte de grange. Ce sont les autres prisonniers qui nous ont raconté les détails: coups de batons, brulures de cigarettes, méthode du « cheval d’arçon »il avait été torturé sur la place du village, devant les officiers. Les types n’avaient pas peur de torturer à visage découvert. Un sentiment d’impunité totale! Quand on a retrouvé « Millo », ses mains avaient saigné. On l’avait cloué vivant.

Q: Vous parlez des Serbes. Pourtant, vous, officer discipliné, vous avez exécuté des prisonniers.
R:…Oui..Une seule fois.. A Zéric….Pendant les combats.

Q: Comment?
R: C’est difficile d’en parler. Il fallait reprendre Zéric, sa route en asphalte. Pour une fois, on avait reçu un char et quelques mortiers. Fallait en profiter. On a attaqué le village: progression maison par maison, buisson par buisson, les serbes qui portent les mêmes uniformes que nous, le village qui tombe, est repris, tombe, la fatigue et la tension…Classique. A la radio, j’ai entendu qu’on avait pris deux miliciens armés. J’y suis allé. C’était mon rôle d’officier. Sur place, j’ai vite compris à l’ambiance que les deux gars n’en sortitraient pas vivants. Si je les envoyait vers l’arrière, ils se seraient fait buter derrière le premier buisson. Et il aurait fallu que je punisse mes types. Faut tenir ses hommes. Les erreurs et les faiblesses se paient toujours au combat. J’ai pris moi-même la décision. C’était à moi de le faire. Sur place, c’est à vous de décider de la vie ou de la mort des gens. Sur le moment, c’était très logique.

Q: Vous les avez fait allonger sur le sol et vous
leur avez mis une balle dans la tête. C’est cela?
R: Oui. De toute façon, ils seraient morts. Alors, les envoyer vers l’arrière aurait été une lâcheté de ma part. On dira peut-être un jour que je suis un salaud…

Q: …Ou, plus simplement, que vous êtes un assassin. Si, un jour, il y a un tribunal pour crimes de guerre, en ex-yougoslavie, vous pourriez être assis au banc des accusés.
R: Il faudrait y faire asseoir tous les serbes, tous les croates, et les allemands de la seconde guerre mondiale, et tous les autres!

Q: Vous avez assisté à d’autres exécutions sommaires?
R: Oui. Pendant les combats. Plusieurs fois. Qu’est-ce que vous croyez? Qu’on laisse les gens sortir, tranquillement, en jetant leurs fusils, bras en l’air..Cà, c’est bon pour les séries tv.

Q: Et les blessés?
R: Ils sont exécutés. Des deux côtés. Il n’y a pas beaucoup de prisonniers pendant les combats. Après…C’est différent. Quand l’adrénaline est tombée, une ou deux heures plus tard, si un homme sort d’une grange ou d’une cave, on peut lui offrir une cigarette ou un café. Je me rappelle d’un des rares villages serbe qu’on a pris. Huit cent civils encerclés, prisonniers. Il ne s’est rien passé. On a même pas brulé le village. On a retrouvé des types, planqués dans les bois. Ils crevaient de faim et de peur. On les a nourris. Ils avaient un livre sur eux: » Comment tuent les Oustachis. » Leur propagande est extraordinaire. On est resté dans ce village. C’était bizarre. ces hommes, ces femmes, ces gosses qui vivaient avec nous. On leur donnait des cigarettes; ils nous faisaient le café, la bouffe…Et j’avais peut-être buté le cousin, le fils, le père de l’un d’entre eux. Et eux le savaient. Mais à force de vivre avec eux dans ce village, de tout partager, la bouffe et les bombardements des canons serbes…quand on partait au combat, ils s’inquiétaient pour nous; quand on revenait blessés, ils nous soignaient. C’est le côté irréel de la guerre.

Q: Aussi irréel que ce milicien qui marche, seul, sur une route déserte en pleine bagarre?
R: C’était toujours près de Zéric. le village brulait, les maisons brulaient, l’herbe des fossés brulait… Et ce type marchait, fusil en bandoulière, l’air hagard, en regardant par terre, comme s’il cherchait quelque chose entre les cadavres. J’oublierais jamais cette vision. On n’osait pas prendre le risque d’aller à découvert sur la route pour le faire prisonnier. On a hésité pendant quarante secondes. Puis on l’a abattu d’une balle dans la tête.

Q: Vous l’avez abattu. Pourquoi? Parce que, encore une fois, vous étiez le chef?
R: Non. Parce que j’étais là. Quand l’un épaule, l’autre laisse faire le travail. Il y a une telle fatigue…Tuer, c’est la routine.

Q: Et quand vous partez à la « chasse à l’homme »…Routine?
R: Non. Vous ne pouvez pas parler de « chasse à l’homme »! Ce que vous évoquez s’est passé vers Mostar, après la mort de Thomas Linder, un ami allemand. On avait eu tellement de pertes pour rien! On est rentré à notre base. J’étais terriblement mal dans ma peau. Il fallait que je fasse « quelque chose », que j’y retourne, casser un char, tuer des serbes, tuer quelqu’un. Me défouler, seul, pas comme un officier responsable de ses hommes. On est parti à trois officiers, faire du sniping dans la montagne autour de Mostar. D’autres peuvent tirer à 600 mètres; moi, je suis myope, je dois m’approcher à 250 mètres. A Mostar, l’armement serbe était impressionant, chaque pouce de terrain était couvert par une mitrailleuse. Faut faire vite, tirer et filer, avant de se faire allumer. On progressait, la nuit, entre les maison jusqu’au bord de la Neretva; on se planquait derrière un arbre jusqu’au petit matin. J’étais seul, face à la mort, à ma mort. On est pas restés longtemps…Huit jours tout au plus.

Q: Combien avez abattu d’hommes?
R: Six ou sept. Trois, sur. Les autres sont tombés. Morts? Je ne sais pas. C’étaient tous des militaires: une sentinelle, un soldat sur sa tourelle de char, un autre en train de réparer un moteur…

Q: Pour l’un d’eux, vous avez attendu, l’oeil sur votre viseur, qu’il vous regarde avant de tirer. Pourquoi?
R: Je ne sais pas. Sur le moment, peut-être, j’aurais pu vous répondre. Aujourd’hui, je ne sais plus…

Q: Est-ce que vous avez tiré sur des civils?
R: Non. Jamais. A Mostar, quand on a gardé la ville, il y avait un groupe de réfugiés qui se faisait tirer dessus par des snipers serbes, des « dormeurs », c’est-à dire des tireurs qui s’étaient laissé enfermer. Planqués entre les immeubles, ils tuaient des hommes, des femmes et des enfants. Pour rien. Aucun intérêt militaire. Et une contre-propagande désastreuse. On en a eu assez, on a demandé des volontaires et, pendant quinze jours, on a visité les immeubles et les bureaux, en enfonçant des centaines de portes à coup de pied. C’est très dangereux. Parce que l’autre peut vous tirer dessus et vous voit passer sur les toits, dans les couloirs, les lucarnes. On a attrapé une quinzaine de snipers en tout, hommes et femmes. Mon groupe en a eu trois. Un a été tué parce qu’il avait tiré. Les deux autres ont été remis aux croates.

Q: Leur sort?
R: Ils sont arrivés très, très vite en bas de l’immeuble. En Bosnie, la guerre est encore plus sauvage qu’en Croatie.

Q: Vous avez écrit: » Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir donné la mort ».
R: Oui, j’ai dit ca. Dire qu’au début de la guerre, j’étais venu pour aider des gens, pour défendre, pas pour attaquer, éventuellement pour donner ma vie, pas pour tuer. Puis on perd un ami, on veut se venger, on tue, et on est heureux.

Q: Vous avez fini par tirer même sur les Casques Bleus de l’ONU…
R: Ils sont arrivés au mauvais moment de la guerre. Pour entériner une frontière, pas pour repousser les Serbes. Et ils se prenaient pour des libérateurs! Tout le monde les a mal acceuillis. A la tv, on reprenait CNN, qui parlait du moindre blessé ONU comme d’un scandale absolu..alors qu’on massacrait des villes encerclées. les gens disaient qu’il y avaut certainement plus de bébé de trois ans avec une balle dans la tête que de victimes casques bleus! A Mostar, les observateurs se sont mis entre nous et les Serbes. Ca ne gene pas les Serbes et leur artillerie. Mais nous, notre seule chance, est d’infiltrer leurs lignes. On s’est mis à tirer sur les jeeps des casques bleus. Pas les hommes. Mais le matériel. C’était le grand jeu à Mostar. Ils ont vite compris, ils ont déguerpi de nuit avec les derniers véhicules qui leur restaient. En oubliant des caisses de tee-shirts et des casques de l’ONU.

Q: Vous-mêmes étiez mal accueillis à l’arrière. Non?
R: Zagreb essayait de gommer la guerre, d’effacer ces traces, pour reprendre le business. Moi, officier, je ne sortais plus en uniforme, sous peine de me faire arreter tous les deux cent mètres par la police militaire. Nous, les étrangers, on génait… les dirigeants de Zagreb veulent oublier la Bosnie. Ils ne pensent qu’à la reconstruction. Et à la deuxième guerre en Croatie. La guerre de reconquête..qui ne va pas tarder à commencer.

Q: Pourquoi avez-vous décroché?
R: J’ai été blessé quatre fois là-bas: roquette, obus de mortier, maison qui s’effondre, coma, éclats d’obus dans le corps…J’étais épuisé, François venait d’être tué, j’avais besoin d’oxygène, je suis rentré en permission à Paris. Un soir, en voiture avec un copain, on était saoul, on a grillé un feu rouge. Genou écrasé, le plâtre que vous voyez, un an à boiter. Finies les acrobaties. C’est un accident de voiture qui m’arrête. Bizarre.

Q: Sinon?
R: Je serais peut-être déjà reparti en Croatie. Qui sait?

 


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