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Pakistan. Blasphème. Nouvelles manifestations antifrançaises

publié le 30/11/2021 | par Luc Mathieu

Par Luc Mathieu.

Les militants d’un mouvement soufi ultra-radical exigent la libération de leur chef, arrêté en avril, et demandent toujours la rupture des relations diplomatiques avec la France, accusée de blasphème pour avoir défendu la publication des caricatures de Mahomet.

Des policiers tentent de disperser des partisans du mouvement ultra-radical pakistanais Tehreek-e-Labbaik, lors d’une marche vers Islamabad, le 27 octobre. (K.M. Chaudary/AP)

Ils réclament toujours aussi bruyamment et violemment l’expulsion de l’ambassadeur français au Pakistan. Des milliers de partisans du mouvement ultra-radical Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP) ont continué à manifester ce jeudi, entamant leur deuxième semaine de protestation. Défilant à pied, dans des camions et des engins de chantier, ils ont bloqué une autoroute à la sortie de Lahore, l’un de leurs fiefs, et entendent arriver jusqu’à Islamabad, la capitale.

Mercredi, leur marche avait dégénéré. Au moins 3 policiers avaient été tués par balle et 70 autres blessés. Le TLP avait accusé la police d’avoir ouvert le feu sur les manifestants et tué quatre d’entre eux.

D’obédience soufie, obnubilés par la question du blasphème et persuadés d’être les seuls à incarner le «vrai» islam, les militants du TLP en veulent particulièrement à la France depuis la republication des caricatures par Charlie Hebdo le 1er septembre 2020, à la veille de l’ouverture du procès de l’attentat qui avait décimé sa rédaction en janvier 2015.

Vingt-cinq jours plus tard, un jeune Pakistanais attaque et blesse gravement à coups de hachoir deux employés de la société de production Premières Lignes, devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. L’assaillant dira ensuite aux enquêteurs avoir été inspiré par des prédicateurs soufis : Ilyas Qadri, chef du Dawat-e-Islami, et Khadim Hussain Rizvi, le fondateur du TLP.

Drapeaux brûlés

Depuis ses places fortes de Lahore et Karachi, où il a été créé en 2015, le mouvement ultra-radical organise alors des rassemblements antifrançais, brûlant des drapeaux et piétinant des portraits d’Emmanuel Macron. Il exige la rupture des relations diplomatiques avec la France, suite à la défense affichée par Macron du droit à la caricature.

Le gouvernement pakistanais, qui s’est historiquement servi de ces organisations barelvi, issues du soufisme, pour contenir l’expansion des mouvements talibans, et lors des élections de 2018 pour affaiblir le parti de la Ligue musulmane de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif, gagne du temps en expliquant que la question serait débattue en avril 2021 au Parlement.

Le TLP n’oublie pas et accentue sa pression en annonçant à la mi-avril qu’il organiserait un vaste rassemblement si l’ambassadeur français n’était pas renvoyé. Les autorités pakistanaises réagissent en proclamant l’interdiction du mouvement et en arrêtant son chef, Saad Rizvi, fils du fondateur.

Face aux nouvelles manifestations, le gouvernement a déployé des milliers de policiers, mobilisé des forces paramilitaires et fait savoir qu’il ne tolérerait pas un blocage des routes et voies ferrées menant à Islamabad. Mais il a aussi entamé des négociations avec le TLP et son chef, détenu à Lahore et dont les manifestants réclament la libération ainsi que celle des autres militants arrêtés au printemps.

Dimanche dernier, le ministre de l’intérieur Rashid Ahmed avait annoncé qu’une commission parlementaire se saisirait de la question de l’expulsion de l’ambassadeur français dans les prochains jours.

 

publié le 28 octobre 2021

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