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Que faire face aux éxécutions d’otages?

publié le 20/08/2014 | par Jean-Paul Mari

Que faire face à cette horreur ? À chaque fois, le problème se pose dans les mêmes termes.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés au sauvage assassinat du français Hervé Gourdel.

Qui était Hervé Gourdel?

Le Niçois Hervé Gourdel, 55 ans, dont un groupe djihadiste a revendiqué mercredi 24 septembre la décapitation, après son enlèvement en Algérie, était amoureux du Maghreb, « curieux des gens » et mordu d’escalade, des passions qui l’ont conduit dans le parc national du Djurdjura, devenu sanctuaire de groupes islamistes.

« L’ironie, c’est qu’il a formé pendant des années des guides de montagne au Maroc », expliquait mercredi un proche, Laurent Gény, qui avait fondé une entreprise d’événementiel avec lui. « C’est quelqu’un qui est profondément bon, très humain, qui aime la culture maghrébine », expliquait-il, juste avant la revendication de ses ravisseurs.

Guide de haute montagne chevronné et chaleureux du parc national du Mercantour, Hervé Gourdel connaissait également tout le monde à Saint-Martin-Vésubie, une commune aux portes du parc national du Mercantour, où il avait fondé un bureau des guides en 1987.

« Quelqu’un lui a parlé de l’Algérie au mois de juin, il voulait aller découvrir ce site », racontait le maire, rendant hommage à un véritable « ambassadeur de la montagne ».

L’endroit qui faisait rêver cet amoureux des falaises, c’est le massif Djurdjura, la plus longue chaîne montagneuse de Kabylie, à 2.000 mètres d’altitude en moyenne. « C’est un massif superbe pour l’escalade rocheuse. Si j’avais eu l’opportunité d’aller y grimper, j’y serais allé également », confiait Lucien Bérenger, un ami guide, contacté dans la commune de montagne de Tende, à la frontière franco-italienne.

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L’assassinat

L’otage Hervé Gourdel décapité en Algérie par ses ravisseurs jihadistes

Hervé Gourdel, le Français de 55 ans enlevé en Algérie pour punir la France de son intervention en Irak, a été « lâchement, cruellement, honteusement » exécuté par ses ravisseurs jihadistes liés à l’organisation Etat islamique (EI), a déclaré le président François Hollande, réaffirmant que Paris ne « cède jamais devant le chantage ».

L’annonce de la décapitation de l’otage, guide de haute montagne décrit comme un homme « ouvert » et curieux des gens », a provoqué une onde de choc, en premier lieu à Nice où il vivait et où les drapeaux ont été mis en berne. Dans le quartier où il habitait, non loin de ses parents, des proches, des passants se sont dit horrifiés.

Condamnant, comme de très nombreux responsables politiques, un acte « odieux », le chef de l’Etat qui avait rejeté l’ultimatum des ravisseurs exigeant la fin des frappes françaises visant l’EI en Irak, a souligné que cet assassinat renforçait sa « détermination ».

Ces frappes se poursuivront « le temps nécessaire », a fait savoir François Hollande, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.

Dans une vidéo mise en ligne auparavant, Jund al-Khilafa, un groupe lié à l’EI, a annoncé et montré la décapitation d’Hervé Gourdel, enlevé dimanche en Kabylie, dans l’est de l’Algérie.

La vidéo, postée sur des sites jihadistes et intitulée « Message de sang pour le gouvernement français », débute par des images de M. Hollande prises au cours de la conférence de presse durant laquelle il a annoncé les frappes françaises contre l’EI en Irak.

Elle montre ensuite l’otage, agenouillé et les mains derrière le dos, entouré de quatre hommes armés et le visage dissimulé. En quelques mots, il témoigne de son amour pour sa famille.

« L’ironie, c’est qu’il a formé pendant des années des guides de montagne au Maroc », a expliqué un proche, Laurent Gény, soulignant le profond intérêt que son ami portait au Maghreb et à sa culture. Après l’annonce de la mort de l’otage, M. Gény a fait part de son incompréhension face à la fermeté affichée par les autorités françaises vis-à-vis des ravisseurs. « On ne lui a pas laissé de chance à Hervé, on ne lui a pas laissé un petit peu de temps », a-t-il déclaré, très ému.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’est dit « horrifié », demandant un « châtiment exemplaire » des responsables de ce « crime barbare ».

Ce n’est pas la première fois, loin de là.

Rappelons-nous. La dernière exécution spectaculaire était celle de Daniel Pearl, correspondant du « Wall Street Journal », disparu en janvier 2002 à Karachi.

Déjà, il y a eu la mort de James Foley, reporter américain pour « GlobalPost » et l’AFP. Il avait été enlevé en novembre 2012 en Syrie par l’État islamique (EI).

L’horreur, doublée d’une publication

James Folley, 40 ans, était un « journaliste courageux, indépendant et impartial », précise l’AFP. Tous ses confrères le savaient. Il avait couvert notamment le conflit en Libye. Comme la mort ou la blessure, la prise d’otages fait aujourd’hui partie des risques du métier, notamment dans les pays où les islamistes armés, intégristes, salafistes, djihadistes de tout poil sont impliqués.

Cette fois encore, la méthode des islamistes est la même.

D’abord, l’horreur. Un homme masqué égorge un être humain, le décapite. Ce qui se fait quotidiennement en Syrie ou en Irak dans les zones occupées par les djihadistes contre leurs adversaires, leurs prisonniers, les chrétiens, les « apostats », les fonctionnaires du gouvernement, bref contre tous ceux qui s’opposent à leur diktat.

Ensuite, une mise en scène, très sanglante certes, mais grotesque. On habille l’otage d’une tenue orange, censée rappeler la tenue de prisonniers à Guantanamo. Puis la victime est égorgée au couteau et décapitée avec un cérémonial qui soulève le cœur.

Enfin, la publication et la diffusion à l’infini de cette scène qui provoquera les réactions souhaitées. Soit, chez les êtres humains normaux, un sentiment horrifié, voire la peur et la terreur. Soit, chez les islamistes armés et leurs affidés, un sentiment de toute-puissance pour un geste sacrificiel au nom supposé de Dieu.

Un aveu de faiblesse et d’impuissance des djihadistes

La réalité politique est que les djihadistes de l’État islamique sont, depuis une dizaine de jours, en train de se faire matraquer par les avions et les drones américains qui ont mené plusieurs dizaines de frappes aériennes dans le Kurdistan au nord de l’Irak. Une campagne qui a réussi à desserrer l’étau des djihadistes en aidant la contre-offensive des peshmergas, les combattants kurdes, qui ont repris une partie du grand barrage de Mossoul tombé aux mains des forces de l’État islamique.

L’assassinat barbare de James Foley est bien sûr accompagné d’une menace, puisque la vidéo montre un autre journaliste pris en otage, Steve Sotlof, habillé dans la même tenue, prêt à subir le même sort. Le message, le chantage, est clair : « Arrêtez les bombardements, sinon.. »

Il faut donc prendre cet assassinat barbare, exhibé et grotesque pour ceux qui l’ont commis pour ce qu’il est : un aveu de faiblesse et d’impuissance, une tentative minable de desserrer un étau militaire. On recule sur le terrain ? Alors tuons les otages de la façon la plus horrible, la plus sale possible et montrons au monde notre « force » et notre pouvoir de nuisance.


Que faire ?

D’abord, ne plus subir. Ne plus regarder, épouvanté ou fasciné, ces scènes d’un autre âge. Déjà, la plupart des sites d’information refusent de diffuser ces vidéos, même tronquées. Il ne faut pas dégrader l’image des victimes, mais flouter leurs visages martyrs et ne publier et ne garder d’eux que ce qu’ils étaient, comme James Foley, un superbe reporter de 40 ans, qui faisait son métier avec foi, avec cœur, avec courage, avec ce qu’ils manquent le plus à ses bourreaux, la décence.

Ne pas regarder ce que les barbares souhaitent que l’on voie, c’est leur dire non, même modestement. Dire qu’on n’entre pas dans leur jeu macabre. Une façon de ne pas être dupe, ne pas avoir peur, ne plus rester passifs.

Ensuite, il serait bon que nous, journalistes, nous prenions l’habitude rédactionnelle de qualifier justement ces groupes, mouvements, milices, armées, pour ce qu’ils sont. Et de rappeler leur caractéristique en écrivant leurs noms. D’accoler systématiquement le qualificatif « assassins preneurs d’otages » ou « connus pour prendre des otages et les exécuter » à l’État islamique, Al Nosra, Aqmi, Boko Haram et autres.

C’est un peu long à écrire à chaque fois, mais en dirait un peu plus sur la nature de ces combattants d’un autre âge qui confondent déshonneur et fierté, farce sanglante et parade militaire, rêvent de transformer l’horreur en un spectacle glorieux et prennent Dieu pour un boucher sanglant.


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