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Syrte: les clés d’un siège.

publié le 20/10/2011 | par Jean-Paul Mari

« C’est le dernier jour de la bataille…Syrte est en passe de tomber » annonce un commandant de brigade des forces du CNT. Combien de fois avons-nous entendu ce pronostic ? C’était toujours une question de jours ou d’heures…Et la bataille continuait.


Cette fois pourtant, les témoignages confirment le pronostic. Le quartier N°2, un secteur de moins d’un kilomètre carré transformé en bastion par les hommes de Kadhafi, est nettoyé et les combattants du CNT peuvent déambuler sans se faire faucher par un tir de sniper.
La question est : pourquoi la bataille de Syrte a-t-elle duré plus d’un mois ? Pourquoi a-t-il fallu des centaines de morts dans les deux camps, un centre-ville dévasté, où pas un immeuble, pas un mur n’a été épargné par la mitraille, un paysage à la Beyrouth où les routes sont défoncées et des rues entières sont inondées par les canalisations crevés par les obus ? Pourquoi a-t-il fallu écraser la ville pour la conquérir.

La réponse peut tenir en trois points.

1/ Une faute de stratégie.
Syrte a été très vite prise en tenaille par les 9000 combattants et les 1500 pick-up des brigades des ex-rebelles. Devant eux, une ville partagée en trois grands quartiers. Un quartier Ouest habité par des pro-Kadhafi, issus de la ville de Beni Walid, un quartier occupé par des civils issus de Misrata, donc anti-Kadhafi et un quartier Est où la population est partagée. Les hommes du CNT ont attaqué à l’Ouest, le bastion, là où la résistance a été la plus féroce.

Ils ont poussé, buté, se sont acharnés longtemps avant de réaliser leur erreur, de changer de tactique, de se redéployer en lançant leur offensive par l’Est et le Sud. Et là, enfin, ils ont pu progresser vers le cœur de la ville.

-2/ La nature du combat.
Les combattants du CNT attaquent en pick-up, équipés de mitrailleuses lourdes, de canons bi-tubes et de roquettes. Une cavalcade effrénée, une noria, où on fonce, tire, se retire, laissant le terrain conquis et aussitôt reperdu. Les rebelles ne tiennent pas le terrain. Du coup, à la nuit venue, les pro-Kadhafi le reprennent. Cette stratégie du désert est peu efficace dans une ville-bunker sur la défensive.

D’autant que les loyalistes ont parfaitement utilisé le terrain : au ras du sol, des hommes armés de RPG qui tirent leur roquette en sautant de villa en villa, dans les étages supérieurs des immeubles, des snipers professionnels qui mettent une balle dans la tête ou en plein cœur à plus d’un kilomètre de distance – ils ont semé la mort parmi les combattants qui progressaient – et, en appui, des mortiers de 40mm qui font pleuvoir une grêle d’obus sur les pick-up. Efficace et ravageur.

-3/ La détermination des défenseurs de Syrte.
Syrte était le dernier grand bastion des Kadhafistes, les forces d’élite de la brigade Khamis, des mercenaires africains et des habitants de Thawarga, la ville proche, qui a fait le mauvais choix et s’est transformée depuis en cité-fantôme, bref, tous ceux qui étaient persuadés qu’ils se feraient égorger une fois la bataille perdue. Ceux là n’avaient plus rien à perdre, ils se sont battus jusqu’à la mort, avec l’énergie du désespoir.

Les survivants ont cherché à fuir, en se mêlant à l’exode des civils. Et certains y sont parvenus. Muhatassem, un des fils de Kadhafi, dirigeait les combats à Syrte. On a annoncé sa capture. A tort. Aux dernières informations, l’homme fort de Syrte restait toujours introuvable. Tout à l’heure, un commandant du CNT annonçait sa capture, voire sa mort. L’euphorie de la victoire ?


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