Israël. Cisjordanie : le coup de force des colons israéliens
AVEUGLEMENT
Mettant à profit la colère du pays contre le Hamas et la guerre à Gaza, les colons font tout pour chasser les Palestiniens de Cisjordanie. Une politique qui a déjà couté cher à Israël
Pourquoi les habitants des kibboutz proches de Gaza se sont-ils retrouvés sans protection face aux hordes du Hamas ? La réponse est simple. Le gros des forces militaires était trop occupé, à l’autre bout du pays, en Cisjordanie, a prêter main-forte aux colons pour étendre leur territoire en chassant les Palestiniens de leurs maisons et de leurs villages. Par la force, bien sûr.
Aujourd’hui, la guerre a éclaté. Israël, horrifiée, a pleuré ses pertes et s’inquiète du sort des 230 otages enlevés par le Hamas. Et les soldats de Tsahal sont entrés au sol dans la bande de Gaza pour une opération, couteuse en vies humaines, et qui sera « longue et difficile », a dit le Premier ministre Netanyahou, largement responsable de ce fiasco sécuritaire.
Une obsession
La guerre ? Donc l’union nationale. Et tous les efforts concentrés sur les combats à Gaza ? Pas pour les colons. Pour eux, pendant qu’Israël et le monde regardent ailleurs, ce n’est qu’une magnifique opportunité pour mener la chasse aux Palestiniens de Cisjordanie, d’en expulser davantage, d’agrandir leurs colonies. Une obsession, Eretz Israël, le Grand Israël, de la mer jusqu’au Jourdain. Aussi fanatiques que les plus durs des militants palestiniens qui revendiquent la terre « de la mer jusqu’au Jourdain », exactement le même objectif.
La différence est que les colons de Cisjordanie sont entrés en action, bien avant le déclenchement de la folle offensive du Hamas de Gaza. Année après année, relativement calme ou très violente, le nombre des nouvelles implantations n’a jamais cessé d’augmenter. En trente ans, leur nombre a été multiplié par quatre. Chaque année, quatorze mille colons de plus s’installent en Cisjordanie, prennent la terre, l’eau, les routes. Aux temps oubliés de l’Accord d’Oslo, ils étaient déjà 116 000, aujourd’hui, leur nombre a atteint 465 000. Une invasion.
Et ce n’est pas le meilleur d’Israël qui vient s’installer ici par la force. Ultra-sionistes, extrémistes religieux, extrémistes de droite, on croise fréquemment des Séfarades fraichement arrivés du Maghreb, des juifs américains à l’accent de Brooklyn qui arborent gros calibre à la ceinture ou des Russes qui n’avaient jamais vu un Arabe de leur vie. Parmi eux, des réservistes, des militaires en permission, des paramilitaires. Ils sont armés jusqu’aux dents et très violents.
Ku Klux Klan local
Le journal Haaretz a publié une photo faite à Wadi al-Sick en Cisjordanie où l’on voit trois Palestiniens à moitié nus, les mains liées dans le dos et les yeux bandés. Détenus pendant plusieurs heures, ils ont été battus, le corps brûlé avec des cigarettes et les colons leur ont uriné dessus. Ce serait l’œuvre de « Sfar Hamidbar », une organisation de suprémacistes juifs, façon Ku Klux Klan local, qui recrute les « jeunes des collines ».
À Es Saouia, Bilal Saleh, un agriculteur palestinien de 40 ans a été abattu alors qu’il se rendait à son champ d’oliviers, d’une balle de M16, arme de guerre, par un colon, militaire en permission. Et personne n’a oublié là-bas l’attaque du village de Huwara puis de Tourmous Aya – aux cris de « Allez en Jordanie ! » – où les colons ont fait des descentes armées, menacé et caillassé les habitants, et ouvert le feu. En octobre, 8 Palestiniens ont été abattus par des colons.
Ce ne sont pas des incidents isolés. L’ONU a recensé 171 attaques depuis le début de l’année, sept incidents par jour, un sur trois avec des armes à feu. En tout, un millier de Palestiniens déplacés et 115 attaques de propriétés, des résidences endommagées, des fermes brûlées, des réseaux d’eau sabotés et des routes bloquées.
Un loup à la tête de la bergerie
Ce n’est pas non plus le résultat de quelques excités. Dans un cas d’attaque sur deux, les activistes étaient accompagnés par les forces de sécurité israéliennes. Ce n’est pas enfin un mouvement localisé, mais bien une politique nationale. Deux partis prônent cette politique d’expulsion des Palestiniens, le Parti de la Force juive et le Parti Sioniste Religieux auquel appartient Bezalel Smotrich, ministre des Finances chargé de gérer… les colonies au sein de la Défense. Le loup à la tête de la bergerie.
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Lire aussi : Bezalel Smotrich « fasciste juif » et fier de l’être
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43 ans, né d’un père rabbin orthodoxe dans une colonie religieuse du plateau du Golan, Bezalel Smotrich se dit « fasciste juif » et fier de l’être. Il milite pour la ségrégation dans les hôpitaux, estimant que patients juifs et Arabes ne doivent pas s’y côtoyer et, face aux députés arabes élus à la Knesset, il lance : « Vous êtes ici par erreur. C’est une erreur que Ben Gourion n’ait pas terminé le travail et ne vous ait pas expulsés en 1948 ». Lui enfin qui a déclaré en public : « Le peuple palestinien est une invention ».
Au-delà de ce ministre de l’extrême et d’une armée de colons, c’est tout le gouvernement de coalition mené par le Premier ministre qui soutient cette action constante de nettoyage ethnique. À ce point obsédé par son objectif en Cisjordanie qu’il n’a rien vu venir du côté de Gaza et en a oublié sa mission principale : protéger sa propre population.
Photo : Un colon israélien de Cisjordanie près de Kiryat Arba, dans la région de Hébron. AFP PHOTO/HAZEM BADER
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